Test Blu-ray : Tout va bien

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Le nom de Jean-Luc Godard figure sans aucun doute parmi les plus prestigieux, voire même les plus légendaires, du cinéma du Vingtième Siècle. Son œuvre, complexe et étonnamment longue (1957-2018), s’avère aussi exceptionnellement variée. Cependant, la filmographie de ce réalisateur incontournable de la Nouvelle Vague est encore finalement assez pauvrement représentée au format Blu-ray en France. La plupart des films de Jean-Luc Godard disponibles en HD sont en fait ceux qu’il a tournés dans les années 60, au moment de son « apogée » en termes de popularité. Pourtant, aussi vivifiants que soient les films tournés par Godard au début des années soixante, on aurait tort de balayer d’un revers de la main son œuvre post-1968 : cette partie de la production de ce créateur protéiforme au terme de cette décennie tourbillonnante s’avère également très intéressante, même si elle est souvent plus difficile d’accès. Gaumont semble d’ailleurs l’avoir bien compris : après La Chinoise et Week-end, l’éditeur français nous propose ce mois-ci de redécouvrir Tout va bien (1972), Sauve qui peut (la vie) (1980) et Soigne ta droite (1987).

Tout va bien

France, Italie : 1972
Titre original : –
Réalisation : Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin
Scénario : Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin
Acteurs : Yves Montand, Jane Fonda, Vittorio Caprioli
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h36
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 28 avril 1972
Date de sortie DVD/BR : 8 février 2023

Lui est un cinéaste déçu qui s’est mis au chômage après 1968. Elle est correspondante en France d’une radio américaine. C’est l’histoire de la crise d’un couple dans une société en crise, la France en 1972…

Le film

[3,5/5]

Après avoir travaillé quelques années, avec le groupe Dziga Vertov, sur des films expérimentaux à la fois formalistes et profondément politiques au lendemain des événements de 1968, Tout va bien marquait pour Jean-Luc Godard un virage à 180 degrés avec un retour à la fiction. Même si bien sûr le film est toujours teinté d’éléments politiques, il convient de souligner ce retour à un cinéma de la narration, qui s’opère néanmoins dans une espèce de fusion formelle entre ses styles pré- et post-radicalisation. A l’affiche du film, on trouve deux acteurs célèbres, Yves Montand et Jane Fonda, qui dénotent clairement d’une volonté de tendre vers un cinéma commercial. D’un autre côté, les deux acteurs étaient également connus à l’époque pour leurs prises de position très à gauche.

Ce paradoxe est clairement au cœur de Tout va bien, qui, contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, est un film profondément hanté par les promesses non tenues des bouleversements sociaux de mai 1968. L’ambiance du film, crépusculaire, est ainsi baignée de résignation et de lassitude. Très personnel et assez acide, le film met en scène un Montand épuisé dans le rôle d’un cinéaste de la Nouvelle Vague carrément has been, et Jane Fonda dans celui de sa femme reporter ; tous deux sont des gauchistes idéalistes entraînés dans une grève sauvage au sein d’une usine de saucisses.

Avec Tout va bien, Godard et son co-réalisateur / co-scénariste Jean-Pierre Gorin utilisent les tensions de classe entre les grévistes et le couple de bourgeois afin de mettre en évidence les interactions complexes entre Art et politique, et les contradictions qui mettent dos à dos la pensée intellectuelle et l’action radicale. Le résultat, bien que parfois ennuyeux et un poil trop didactique dans sa réflexion, est une réflexion incisive sur les ambiguïtés se cachant derrière les prises de position publiques de ces célébrités « engagées » du début des années 70.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponible chez Gaumont au sein d’une nouvelle vague de Blu-ray consacrée à Jean-Luc Godard, Tout va bien s’offre donc un lifting HD sur galette Blu-ray en version restaurée, de toute beauté.

Aussi bien côté image que côté son, les masters proposés par l’éditeur sur cette vague de trois films de Godard est vraiment d’excellente tenue. L’image est très belle, la définition précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, de même que la granulation argentique d’origine. Le niveau de détail est impressionnant, même sur les arrière-plans et sur les couleurs plus sombres, même si l’on notera une granulation peut-être un poil excessive durant les scènes en basse lumière. Parallèlement, la restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image stable : c’est du très beau travail ! Le mixage audio est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle.

Côté suppléments, Gaumont nous propose tout d’abord un documentaire expérimental de Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin intitulé Letter to Jane (52 minutes), qui constitue un prolongement à Tout va bien. Par l’utilisation de retours en arrière, le film condense un ensemble de réflexions sur la force de l’image à partir d’une seule et même photographie de Jane Fonda prise pendant la guerre du Vietnam. On continuera ensuite avec une présentation du film par Antoine de Baecque (14 minutes), qui s’efforcera de replacer le film dans son contexte de tournage et d’en souligner les qualités essentielles. On terminera enfin par un très intéressant entretien avec Armand Marco (15 minutes), directeur de la photo sur Tout va bien, qui reviendra sur ses souvenirs du tournage, sur les particularités de son travail sur le film ou encore sur les relations entre Jane Fonda et Jean-Luc Godard. Ces suppléments sont issus du coffret « Jean-Luc Godard – Fiction » sorti en 2010 sous les couleurs de Gaumont.

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