Test Blu-ray : Sauve qui peut (la vie)

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Le nom de Jean-Luc Godard figure sans aucun doute parmi les plus prestigieux, voire même les plus légendaires, du cinéma du Vingtième Siècle. Son œuvre, complexe et étonnamment longue (1957-2018), s’avère aussi exceptionnellement variée. Cependant, la filmographie de ce réalisateur incontournable de la Nouvelle Vague est encore finalement assez pauvrement représentée au format Blu-ray en France. La plupart des films de Jean-Luc Godard disponibles en HD sont en fait ceux qu’il a tournés dans les années 60, au moment de son « apogée » en termes de popularité. Pourtant, aussi vivifiants que soient les films tournés par Godard au début des années soixante, on aurait tort de balayer d’un revers de la main son œuvre post-1968 : cette partie de la production de ce créateur protéiforme au terme de cette décennie tourbillonnante s’avère également très intéressante, même si elle est souvent plus difficile d’accès. Gaumont semble d’ailleurs l’avoir bien compris : après La Chinoise et Week-end, l’éditeur français nous propose ce mois-ci de redécouvrir Tout va bien (1972), Sauve qui peut (la vie) (1980) et Soigne ta droite (1987).

Sauve qui peut (la vie)

France, Autriche, Allemagne, Suisse : 1980
Titre original : –
Réalisation : Jean-Luc Godard
Scénario : Anne-Marie Miéville, Jean-Claude Carrière
Acteurs : Isabelle Huppert, Jacques Dutronc, Nathalie Baye
Éditeur : Gaumont
Durée : 1h29
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 15 octobre 1980
Date de sortie DVD/BR : 8 février 2023

Denise abandonne son mari, son travail et la ville pour aller vivre à la campagne. Paul a peur de quitter la ville, peur de la solitude depuis le départ de Denise. Isabelle a quitté sa campagne pour venir se prostituer en ville…

Le film

[3,5/5]

Huit ans après Tout va bien, il semble que Jean-Luc Godard se soit fait une raison : les idéaux de 1968 sont loin, très loin derrière, et laissent ici la place aux angoisses et aux aspirations des personnages de Sauve qui peut (la vie) face à une société qui les broie. Godard semble y dire que les choix que nous faisons façonnent la société dans laquelle nous évoluons. Quelques-uns d’entre nous essaient parfois de la changer, mais une grande majorité apprend simplement à « vivre avec », à s’intégrer, avant de vieillir et de s’éteindre. Ce processus se répète à chaque génération, comme un rouleau compresseur écrasant peu à peu toutes les libertés individuelles. Mais une autre voie est possible ; du moins c’est que semble nous dire avec Sauve qui peut (la vie). Les protagonistes centraux du film prennent donc l’initiative de réévaluer la société et la réalité qu’ils ont créées : deux d’entre eux (Jacques Dutronc et Nathalie Baye) décident de reconquérir leur liberté en mettant fin à une relation frustrante, et la troisième (Isabelle Huppert) choisit de changer de vie en devenant une meilleure personne.

Décrit par Jean-Luc Godard comme son « deuxième premier film », Sauve qui peut (la vie) permet donc au cinéaste de tirer un trait définitif sur le style et le ton radicaux de ses films des années 70. L’heure n’est plus à la révolte, et l’angoisse intransigeante quant à la société de demain a laissé la place à une résignation polie. Sauve qui peut (la vie) est d’ailleurs probablement, formellement parlant, l’œuvre la plus « conventionnelle » du réalisateur suisse. Pour autant, dans le film, et alors que les protagonistes du récit s’efforcent de faire différents ajustements dans leurs vies respectives, Godard utilise plusieurs fois le ralenti – et de façon suffisamment répétée pour être immédiatement remarquable. Ce procédé est utilisé par Godard pour perturber le rythme du récit, tout comme les événements réels peuvent avoir un impact sur notre vision de la réalité ainsi que, plus largement, de la société.

Ces fréquentes altérations de l’image et du son qui rythment Sauve qui peut (la vie) reflètent le caractère aléatoire et imprévisible de ce que l’on perçoit comme étant une réalité immuable. On notera également que le cinéaste poursuit sa réflexion par le biais de l’ambiance sonore du film, avec des bruits se superposant par moments aux dialogues ou des passages sans le moindre son par exemple. L’idée, là encore, est de souligner que la perception de la réalité varie d’un individu à l’autre, et que chaque choix effectué par un des personnages a, plus ou moins directement, un impact sur les autres.

Le Blu-ray

[4,5/5]

Disponible chez Gaumont au sein d’une nouvelle vague de Blu-ray consacrée à Jean-Luc Godard, Sauve qui peut (la vie) s’offre donc un lifting HD sur galette Blu-ray en version restaurée, de toute beauté.

Aussi bien côté image que côté son, les masters proposés par l’éditeur sur cette vague de trois films de Godard est vraiment d’excellente tenue. L’image est très belle, la définition précise, les couleurs très saturées sont respectées à la lettre, de même que la granulation argentique d’origine. Le niveau de détail est impressionnant, même sur les arrière-plans et sur les couleurs plus sombres, même si l’on notera une granulation peut-être un poil excessive durant les scènes en basse lumière. Parallèlement, la restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image stable : c’est du très beau travail ! Le mixage audio est proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle.

Côté suppléments, l’éditeur Gaumont nous propose tout d’abord un court-métrage de Jean-Luc Godard intitulé Scénario de Sauve qui peut (la vie) – Quelques remarques sur la réalisation et la production du film (20 minutes), qui fera office de making of. On enchaînera ensuite avec la traditionnelle présentation du film par Antoine de Baecque (14 minutes), qui replacera habilement le film dans la carrière de Godard. Enfin, on terminera avec une série d’entretiens avec l’équipe du film, réalisés en 2010. Les actrices Nathalie Baye (17 minutes) et Isabelle Huppert (13 minutes), le co-directeur de la photo Renato Berta (9 minutes) et le compositeur Gabriel Yared (6 minutes) se remémoreront donc leur rencontre avec Jean-Luc Godard ainsi que le travail à ses côtés. Ces suppléments sont issus du coffret « Jean-Luc Godard – Fiction » sorti en 2010 sous les couleurs de Gaumont.

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