Test Blu-ray : Post Mortem

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Post Mortem

Hongrie : 2020
Titre original : –
Réalisation : Péter Bergendy
Scénario : Piros Zánkay, Gábor Hellebrandt, Péter Bergendy
Acteurs : Viktor Klem, Fruzsina Hais, Judit Schell
Éditeur : Condor Entertainment
Durée : 1h51
Genre : Horreur
Date de sortie DVD/BR : 22 juin 2022

Hongrie, 1919. Miraculeusement revenu du front, Tomas exerce comme photographe post mortem dans une foire itinérante : à la demande des familles, il immortalise les défunts en recréant l’illusion de la vie par de savantes mises en scène. Alors qu’il vient d’arriver dans un village lourdement endeuillé, il est saisi par les révélations de la jeune Anna : le village serait hanté par des spectres mystérieux et terrifiants…

Le film

[4/5]

En dehors de quelques coproductions internationales, on trouve peu de traces de films d’horreur réalisés en Hongrie. Si l’on se fie à Wikipédia, on pourrait même avancer que ce sont presque cent ans qui séparent les deux derniers films d’horreur hongrois, à savoir Drakula halála (La Mort de Dracula), film muet réalisé par Károly Lajthay en 1921, et Post Mortem, le film de Péter Bergendy, qui fut présenté en compétition lors de la 29ème édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer début 2022.

Post Mortem s’inscrit dans un contexte particulier : celui de l’immédiat après-guerre, en 1919, et de la pandémie de grippe espagnole qui décima peut-être jusqu’à 100 millions de personnes entre 1918 et 1921. Le film évoque également le spiritisme en Europe du début du XXe siècle, mais surtout, fait référence à une pratique aujourd’hui disparue : celle de la photographie post mortem. Le héros du film, Tomás (Viktor Klem), sillonne donc la compagne hongroise afin de photographier les morts, dans le but d’aider les vivants à préserver la mémoire du passé.

Bien sûr, dans le cadre cinématographique, l’appareil photo de Tomás permettra à Post Mortem de jouer avec la notion de cadre dans le cadre, l’appareil permettant d’ouvrir une fenêtre sur un autre monde, de la même manière que Tomás a vécu, dans les premières minutes du film, une expérience de mort imminente lui ayant permis de voir « de l’autre côté ». Et quand Anna (Fruzsina Hais), une jeune fille d’une dizaine d’années, se faufilera dans sa tente par le biais d’une ouverture représentant clairement à l’écran un vagin maternel, Tomás reconnaîtra immédiatement en elle la jeune fille qu’il a vue dans ses visions de l’autre côté…

Un lien trouble et assez malaisant se créera rapidement entre eux. Leurs conversations, très adultes, constituent peut-être les moments les plus forts et les plus réussis de Post Mortem. Il s’avère qu’Anna était mort-née, mais que sa tante l’a ramenée à la vie. Et les visions de mort imminente de Tomás se répéteront à nouveau au fil de l’intrigue… Bien entendu, le film pose la question de la nature de la relation entre les deux personnages, tout autant que celle de la nature même du personnage d’Anna.

Pour autant, Post Mortem nous donnera quelques indices, notamment à travers l’album photo de Tomás, qu’il utilise auprès de potentiels clients pour tenter de les convaincre en leur montrant le rendu de ses photos. Alors qu’il feuillette l’album, le spectateur pourra clairement apercevoir une célèbre photo de Lewis Carroll – une façon probable de nous dire qu’Anna guide Tomás de l’autre côté du miroir, mais qui renforce également à sa façon le trouble déjà ressenti par le spectateur quant au regard que porte Tomás sur Anna, que l’on pourra peut-être rapprocher de l’ambiguë relation qu’entretenait Lewis Carroll avec la jeune Alice Liddell…

Mais trêve de considérations trop philosophiques : Post Mortem est avant tout un film fantastique, plutôt soignée et réussi dans son genre. Au cours du film, Tomás traversera naturellement le miroir, et reviendra d’entre les morts. Le passage d’un monde à un autre est joliment symbolisé par l’eau par le réalisateur Péter Bergendy : au début du film, Tomás sort d’un cratère rempli d’eau, et par la suite, l’eau aura son importance, apparaissant régulièrement – sols, murs – jusqu’à la grandiose scène finale, qui se déroule dans une maison s’enfonce dans le sol en se remplissant d’eau.

Jolie réussite narrative et formelle, Post Mortem permet donc à la Hongrie de nous livrer un étonnant film d’horreur, efficace, captivant et bien écrit. On espère ne pas avoir à attendre à nouveau cent ans pour que les hongrois se décident à nous livrer une nouvelle tentative dans le genre !

Le Blu-ray

[4/5]

C’est Condor Entertainment qui nous propose aujourd’hui de découvrir Post Mortem sur format Blu-ray, et comme à son habitude, l’éditeur nous livre une galette techniquement soignée. La définition est précise, avec un beau piqué, les contrastes impeccables, les couleurs en envoient plein les yeux et pour un film essentiellement nocturne, on saluera la belle tenue des noirs. Piqué, contrastes et couleurs sont donc littéralement au taquet, bref c’est du grand Art, il n’y a rien à redire. Côté son, VF et VO s’offrent des mixages en DTS-HD Master Audio 5.1, et niveau rendu acoustique, bien sûr, les deux pistes audio proposent une immersion de dingue, avec des effets multicanaux constants, puissants, spatialisés avec une finesse incroyable et proposant plus que jamais un vrai rendu cinéma à la maison. Du très beau travail. Cependant, on notera que la VO est très nettement supérieure à la version française, réalisée par les équipes de Tecnison à Barcelone, et qui s’avère assez monocorde.

Côté suppléments, on trouvera tout d’abord un entretien avec le réalisateur Péter Bergendy (12 minutes), qui reviendra sur le fait que l’horreur était un genre interdit dans la Hongrie socialiste de János Kádár (1956-1988), et sur sa volonté de faire changer les choses avec un film de fantômes sur lequel le public pouvait projeter plusieurs concepts psychanalytiques. Il reviendra également sur le fait que le genre horrifique lui a permis de proposer une représentation historique de son pays durant l’après-guerre, et fera un lien entre la pandémie de grippe espagnole et la situation actuelle (Covid-19). On continuera ensuite avec une intéressante série de scènes coupées (8 minutes), et on terminera avec un sujet consacré aux effets visuels du film (3 minutes), proposé sur le mode toujours payant du « avant / après ».

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