Test Blu-ray : L’Ombre de la violence

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L’Ombre de la violence

Irlande, Royaume-Uni : 2019
Titre original : Calm with horses
Réalisation : Nick Rowland
Scénario : Joe Murtagh, Colin Barrett
Acteurs : Cosmo Jarvis, Barry Keoghan, Niamh Algar
Éditeur : Condor Entertainment
Durée : 1h37
Genre : Thriller, Drame
Date de sortie DVD/BR : 26 mai 2022

Dans une ville reculée d’Irlande, Arm, ancien boxeur, est devenu l’homme de main des Devers, famille à la tête d’un réseau de trafic de drogue. Sur son temps libre, il s’efforce d’élever du mieux qu’il peut son fils Jack, atteint d’une forme d’autisme. Mais un jour, la famille Devers demande à Arm l’impensable : pour la première fois, il doit tuer un homme. Tiraillé entre sa loyauté envers ses protecteur et la sécurité qu’il doit à sa famille, Arm se retrouve face a un dilemme impossible. Il fait alors le choix le plus risqué, celui qui pourrait lui faire tout perdre…

Le film

[3,5/5]

Adapté de la nouvelle de Colin Barrett intitulée « Le calme des chevaux », disponible en France dans le recueil « Jeunes loups » (Rivages, 2016), L’Ombre de la violence est une sombre – très sombre – histoire de vengeance sur fond de viol, de trafic d’herbe et de problèmes familiaux dans l’Irlande contemporaine. Le film suit la trajectoire d’un ex-boxeur, Douglas « Arm » Armstrong (Cosmo Jarvis), qui travaille comme homme de main pour les Devers, une famille à la tête d’un réseau de trafic de drogue, mais qui s’efforce également en parallèle de nouer des liens avec son fils autiste.

Au début du film, le spectateur fera donc la connaissance de Arm, qui se voit chargé par Dympna (Barry Keoghan) de punir Fannigan, un ami de la famille soupçonné d’avoir violé une jeune fille de 14 ans. La première rencontre avec le personnage est d’une rare violence : la première séquence de L’Ombre de la violence nous donne donc à voir Arm administrer une puissante raclée à Fannigan. Malheureusement, ce passage à tabac ne parviendra pas à étancher la soif de sang des Devers : les « oncles » Hector (David Wilmot) et Paudi (Ned Dennehy) veulent la tête du violeur, et chargent Douglas de l’exécuter. Après avoir été traumatisé – aussi bien physiquement que mentalement – par ses années sur le ring, Arm est cependant à un tournant de sa vie : las de son asservissement aveugle au clan Devers, qui le considère ni plus ni moins comme son chien (« voilà un bon garçon » lui dira Dympna en lui caressant la tête et en lui donnant sa dose), il décide de ne pas obéir aux ordres qui lui sont donnés…

Même si le film n’est pas dénué de qualités strictement formelles, l’aspect le plus impressionnant du film de Nick Rowland réside probablement dans la prestation de Cosmo Jarvis dans la peau de Douglas, qui s’avère absolument magistrale, évoquant la présence physique puissante et mutique – limite attardé – de Matthias Schoenaerts dans Bullhead. Pourtant, dès le début de L’Ombre de la violence, le spectateur comprendra que sous les muscles et derrière la pluie de coups qu’il administre aux autres, Arm est un homme brisé, criblé de doutes et de regrets, notamment en ce qui concerne son ex-petite amie Ursula (Niamh Algar) et surtout leur jeune fils, Jack (Kiljan Tyr Moroney), un autiste de cinq ans dont les séances d’équithérapie inspirent l’énigmatique titre original de la nouvelle et du film.

Malgré ses défauts et ses limites, Douglas ne désespère pas de devenir un bon père pour son fils, et le cœur de L’Ombre de la violence se situe précisément dans la lutte menée par cet homme tiraillé entre la loyauté envers la « famille » et la relation profonde qu’il désire entretenir avec son fils. Le scénario de Joe Murtagh parvient d’ailleurs à maintenir un équilibre certain entre les éléments conflictuels de la narration, la performance de Cosmo Jarvis contribuant toujours clairement à exprimer l’état émotionnel complexe dans lequel notre antihéros troublé se débat à la recherche de son identité, tout en se voyant torturé par des notions de « masculinité » et de loyauté mal placées.

Juxtaposant les éclairs de lumière illuminant de superbes paysages irlandais, le gris des intérieurs claustrophobes les plus délabrés et les teintes nocturnes infernales aux couleurs noires et rouges extrêmement contrastées, la photo mise en place par Piers McGrail pour L’Ombre de la violence utilise une palette de couleurs audacieuse, qui accentue certains des thèmes sous-jacents de son histoire, notamment en conférant une apparence presque démoniaque au personnage de Paudi incarné par l’excellent Ned Dennehy – cet aspect du film ne pourra empêcher le spectateur de penser au cinéma de Ben Wheatley, et surtout à l’étonnant Kill List, qui poussait cela dit les curseurs encore un peu plus loin en ce qui concerne les emprunts aux codes du fantastique.

Bref, L’Ombre de la violence s’inscrit dans une certaine tradition du polar, lent et volontiers oppressant : on n’est clairement pas là pour rigoler. Pour son premier long-métrage, Nick Rowland parvient cependant, avec l’aide de son directeur photo Piers McGrail, à nous livrer un spectacle visuellement époustouflant et thématiquement riche, que l’on aura sans doute plaisir à voir et à revoir dans les années qui viennent.

Le Blu-ray

[4/5]

On ne s’attendait pas tellement à voir débarquer L’Ombre de la violence en vidéo en France, mais le film de Nick Rowland sort donc tout de même aujourd’hui sur format Blu-ray, sous la bannière de Condor Entertainment. Et comme à son habitude, l’éditeur nous livre une galette très soignée : côté image, le master s’avère propre et bien défini ; le piqué est d’une précision à couper le souffle et les couleurs vraiment éclatantes. Les contrastes et la gestion des noirs ont été tout particulièrement soignés, même si les quelques scènes nocturnes affichent une légère baisse de définition. On pourra également regretter l’utilisation d’un master 1080i (25 images / secondes), qui provoque une légère accélération du film et fait baisser sa durée d’1h40 en salles à 1h37 en vidéo. Les spectateurs dont les rétines sont sensibles aux saccades remarqueront le désentrelacement dès les premières minutes du film. Côté son, la VF et la VO sont mixées en DTS-HD Master Audio 5.1, toutes deux étant parfaitement claires, anxiogènes et tout particulièrement fines et bien spatialisées : l’immersion pour le spectateur est vraiment optimale.

Du côté des suppléments, on commencera avec un intéressant making of (21 minutes), qui prendra essentiellement la forme d’entretiens avec l’équipe de tournage (acteurs, réalisateur, scénariste, producteurs…). On y reviendra sur la genèse du film, ainsi que sur la nouvelle de Colin Barrett et sur la « valeur ajoutée » proposée par le film de Nick Rowland, dont tous s’accordent à dire qu’il est extrêmement intense en termes d’émotions. On terminera le tour des suppléments avec un court-métrage de Nick Rowland, intitulé Group B (2015, 25 minutes), et proposé en Haute-Définition (1080i) et VOST. Mettant en scène Richard Madden dans la peau d’un coureur de rallye traumatisé par la mort de son copilote, ce sympathique petit film jouant sur l’attente et la tension nous permettra également de retrouver à l’écran l’excellent Michael Smiley, acteur fétiche de Ben Wheatley.

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