Le Terroriste
France, Italie : 1963
Titre original : Il Terrorista
Réalisation : Gianfranco De Bosio
Scénario : Gianfranco De Bosio, Luigi Squarzina
Acteurs : Gian Maria Volontè, Philippe Leroy, Anouk Aimée
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h35
Genre : Guerre
Date de sortie cinéma : 27 mai 1965
Date de sortie DVD/BR : 4 juin 2025
Venise, Hiver 1943. La Résistance italienne prépare un attentat contre le siège de la Kommandantur allemande. Un homme surnommé l’Ingénieur y joue un rôle déterminant. L’explosion est meurtrière, mais n’atteint pas les cibles désirées. Les autorités menacent de fusiller des otages si l’Ingénieur ne leur est pas livré…

Le film
[4,5/5]
Sur la maigre poignée de films ayant eu pour sujet la Résistance italienne, Le Terroriste a le mérite d’avoir été tourné par un cinéaste en connaissant un rayon sur la question : ancien membre du Comité de Libération Nationale et des Groupes d’Action Partisane, Gianfranco De Bosio était une figure importante de la Résistance dans son pays. Pour le scénario de son film, cosigné avec Luigi Squarzina, il s’est appuyé sur sa propre expérience dans la Résistance vénitienne, à laquelle il prit part à Padoue sous le commandement de l’ingénieur Otello Pighin, de son nom de guerre « Renato », médaillé d’or pour sa vaillance militaire.

En deux mots comme en cent, peu de cinéastes semblaient aussi « qualifiés » que Gianfranco De Bosio pour évoquer les événements relatés au cœur de l’intrigue du film, dans le sens où il y a non seulement assisté, mais également participé : c’est sa propre expérience qui lui a permis de s’éloigner des récits habituels, ainsi que d’une certaine rhétorique souvent récurrente concernant l’unité du mouvement de Résistance italienne. Le Terroriste met en effet en scène les contrastes entre la ligne terroriste des groupes d’action patriotique et l’attentisme des partis modérés du Comité de libération nationale. L’intrigue se concentre sur l’efficacité, la structure et les enjeux politiques liés à la Résistance, notamment en explorant les choix idéologiques et moraux des membres de ses différentes factions.

Comme on le sait, à la violence répond la violence, alors faut-il continuer l’action quand celle-ci implique que des innocents soient systématiquement tués en représailles, ou même durant les attentats ? La question est difficile à trancher, et résonne encore dans le monde d’aujourd’hui. Pour autant, il s’agit là d’un aspect crucial du film, qui mérite d’être souligné : il condamne l’usage impropre du terme « terroriste », en mettant en évidence le glissement sémantique opéré par ceux qui avaient intérêt à présenter une action militaire ou des représailles légitimes comme des actes dénués de tout fondement légitime. Le Terroriste met ainsi en évidence le fait que « l’ingénieur », un homme mesuré, passionné et déterminé (Gian Maria Volontè), cherchait en réalité à contrer la présence ennemie sur le territoire de Venise, dans l’intérêt de la nation, pour mettre fin à une occupation insupportable, en attendant de jeter les bases d’un avenir libéré de l’ombre du fascisme.

Au-delà du suspense et de la tension développée par Le Terroriste, dans l’ensemble, le film parvient à faire passer son message, même si les dialogues et certaines situations peuvent parfois sembler un peu trop influencés par le théâtre : on est loin des techniques du néoréalisme. Pour autant, en dépit de leur côté un peu artificiel, les nombreux passages dialogués du film traduisent avec précision la situation politique d’un moment historique marqué par une grande confusion et qui exigeait des hommes qu’ils assument la responsabilité de leurs décisions. Bien que peu connu, Le Terroriste demeure donc un excellent film de guerre, engagé et puissant, porté par les prestations convaincues – et convaincantes – de Gian Maria Volonté, Philippe Leroy et Anouk Aimée. Les décors sont soignés, avec notamment une excellente présentation de la ville de Venise, délabrée et menaçante. La photo soignée en noir et blanc capture parfaitement l’atmosphère souterraine du sujet, et met parfaitement en évidence les inévitables moments d’impasse qui suivaient les actes les plus audacieux. Bref, le sérieux et la rigueur développés par Gianfranco De Bosio tout au long du récit font du Terroriste l’un des films les plus secs, mais également l’un des plus significatifs, sur la Résistance italienne. A découvrir.

Le Blu-ray
[4,5/5]
La découverte de ce joyau oublié qu’est Le Terroriste se fait ce mois-ci grâce à Rimini Éditions, qui nous en propose une galette Haute-Définition exemplaire, tirée d’un master restauré 4K. Le format 1.85 du film est respecté, l’ensemble est superbe, avec un grain scrupuleusement préservé, un noir et blanc assez sublime, des contrastes très denses et un piqué accru : du grand Art, un grand bravo à Rimini pour ce transfert irréprochable. Côté son, VF et VO nous sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine. Dans les deux cas, la bande sonore est stable, nette et équilibrée ; on ne saurait néanmoins trop vous conseiller d’opter pour la VO, pour de simples raisons artistiques.

Du côté des suppléments, on commencera avec le livret de 32 pages disponible à l’intérieur du boitier, en partie repris du livret conçu par le distributeur Les Acacias au moment de la ressortie du film dans les salles obscures en novembre 2024. Il contient un texte signé Stefano De Bosio (fils du réalisateur) remettant le film dans son contexte, une analyse signée Jean-Baptiste Thoret, un entretien d’archive avec Gianfranco De Bosio, une note de Patricia Barsanti concernant la restauration du film ainsi qu’une frise historique retraçant les grandes dates de la montée du fascisme en Italie. Sur le Blu-ray proprement dit, on commencera également avec un entretien avec Stefano De Bosio (43 minutes). Le fils du cinéaste reviendra en détail sur l’histoire familiale et le parcours de son père, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Il évoquera également la genèse, le casting, les personnages et les thématiques du film. On continuera ensuite avec un module revenant sur différents lieux du film (24 minutes). On y découvrira ce que sont devenus les lieux les plus emblématiques aperçus dans Le Terroriste, en compagnie de deux historiens du cinéma et d’un spécialiste de la Résistance italienne. Enfin, on terminera par un entretien avec Daniela Currò (28 minutes). L’ancienne conservatrice du Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome (l’équivalent de la Cinémathèque en Italie) replacera le film au cœur de la carrière de Gianfranco De Bosio, et reviendra sur le côté unique du film, notamment dans la représentation qu’il nous propose de la Résistance italienne. Elle reviendra sur la coproduction franco-italienne et le choix des acteurs, son échec dans les salles et sa redécouverte tardive. Très intéressant !
