Test Blu-ray : L’Accident de piano

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L’Accident de piano

France : 2025
Réalisation : Quentin Dupieux
Scénario : Quentin Dupieux
Acteurs : Adèle Exarchopoulos, Jérôme Commandeur, Sandrine Kiberlain, Karim Leklou
Éditeur : Diaphana
Durée : 1h28
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 2 juillet 2025
Date de sortie DVD/BR : 4 novembre 2025

Magalie est une star du web hors sol et sans morale qui gagne des fortunes en postant des contenus choc sur les réseaux. Après un accident grave survenu sur le tournage d’une de ses vidéos, Magalie s’isole à la montagne avec Patrick, son assistant personnel, pour faire un break. Une journaliste détenant une information sensible commence à lui faire du chantage. La vie de Magalie bascule…

Le film

[3,5/5]

La filmographie de Quentin Dupieux s’apparente en quelque sorte à une immense boîte de sardines : on l’ouvre par curiosité, ça dégage parfois une odeur bizarre au début, mais on y revient toujours, par goût du sel ou par fascination pour l’étrange. L’Accident de piano, qui s’avère le sixième long-métrage de Quentin Dupieux à sortir dans les salles en l’espace de seulement trois ans, ne sent pas pour autant la sardine ; cependant, il a bel et bien ce goût de fer et de folie douce qui colle au palais. Avec L’Accident de piano, le cinéaste continue de creuser son sillon cinématographique à part et extrêmement personnel – si le film joue peut-être un peu moins sur l’humour absurde que ses précédents, il navigue néanmoins entre satire sociale et comédie existentielle avec un tempo bien à lui.

L’Accident de piano s’inscrit donc dans la continuité des précédents films de Quentin Dupieux, mais avec une touche plus mélancolique, presque élégiaque. Le film joue sur les ruptures de ton comme un pianiste bourré sur un clavier désaccordé : ça cloche, ça grince, mais ça touche. Le titre, déjà, annonce la couleur : un accident, un piano, et tout ce que ça suppose de fausses notes dans une société qui ne supporte plus le silence. Car L’Accident de piano, sous ses airs de pochade, parle de ça : du bruit, du vide, de la célébrité comme cache-misère, et du besoin désespéré de reconnaissance. Le tout emballé dans 88 minutes de dialogues ciselés, de plans fixes impassibles, et de gags étranges.

On pourrait croire que L’Accident de piano se contente de moquer les influenceurs, et d’une façon plus générale les réseaux sociaux, mais Quentin Dupieux n’est pas un boomer : il ne juge pas, il observe. Il regarde ses personnages comme des insectes sous cloche, avec une tendresse bizarre, presque zoologique. Adèle Exarchopoulos livre une performance à la fois grotesque et touchante dans la peau de Magali Moreau alias « Magaloche ». Son personnage, caricatural en surface, devient peu à peu le miroir d’un monde où l’image a remplacé l’être. L’Accident de piano ne dit pas autre chose : on vit dans un monde où l’on préfère filmer un accident que d’y porter secours. Et tant pis si le piano est cassé.

Si vous vous posiez la question, formellement, L’Accident de piano, c’est du Dupieux pur jus : plans fixes, montage sec, musique minimaliste, et cette manière unique de faire surgir l’absurde du quotidien. Mais ici, la mise en scène semble encore plus épurée, presque ascétique. Pas de fioritures, pas de travelling tape-à-l’œil, juste des cadres nets, souvent frontaux, qui laissent les acteurs se débrouiller avec leur texte et leur gêne. C’est dans cette sécheresse que le film trouve sa force : en refusant l’esbroufe, il oblige le spectateur à regarder les personnages droit dans les yeux. Difficile de ne pas penser à Fumer fait tousser ou à Mandibules à la découverte du film cela dit, tant L’Accident de piano partage avec eux cette obsession pour les figures marginales, les losers magnifiques, les dialogues absurdes qui finissent par dire quelque chose de très juste, avec une volonté non dissimulée de tordre le réel jusqu’à ce qu’il avoue ses failles.

De la même manière, comme les films précédents de Quentin Dupieux, L’Accident de piano n’est pas à proprement parler un film de genre ; cependant, il flirte avec le fantastique, le grotesque, le théâtre de l’absurde, comme un cousin éloigné de Ionesco qui aurait maté trop de vidéos de chats sur YouTube. Il s’agit d’une sorte de fable métaphysique, où le rire masque la douleur, où l’absurde devient une manière de survivre à la bêtise ambiante. Et surtout, Quentin Dupieux cultive comme toujours cette bizarrerie qui fait que le spectateur ne peut jamais réellement prévoir où la séquence suivante va l’amener. Chez Quentin Dupieux, tout peut toujours dérailler à tout moment, le film lui-même pourrait presque s’arrêter, changer de sujet, ou se transformer en pub pour yaourts. Et pourtant, il tient. Il avance, et joue sa partition jusqu’au bout.

Le Blu-ray

[4/5]

Côté galette, Diaphana livre un Blu-ray de L’Accident de piano à la hauteur de la bizarrerie du film. L’image respecte à la lettre les choix esthétiques de Quentin Dupieux : la définition est précise, les contrastes bien gérés, et la colorimétrie légèrement désaturée de l’ensemble colle à l’ambiance absurde et un brin clinique du film. Les noirs sont profonds sans jamais boucher les détails, et les visages conservent leur grain naturel, même dans les scènes les plus fixes (et Dieu sait qu’il y en a). Pas de surenchère numérique, pas de lissage artificiel : c’est propre, net, presque chirurgical. Un rendu qui sied parfaitement à l’univers du film, où chaque plan semble avoir été pensé comme une vignette de BD minimaliste. Côté son, le disque propose tout d’abord un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui, bien que discret, offre une spatialisation subtile, notamment dans les rares scènes d’extérieur ou lors des silences pesants qui font tout le sel du film. Les dialogues sont clairs, bien centrés, et la musique — toujours aussi minimaliste chez Dupieux — bénéficie d’un bel écrin. On aura également droit à un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, qui se montre naturellement plus frontal, mais conserve une belle dynamique. Pas de souffle, pas de saturation : c’est du travail bien fait, sans tape-à-l’œil, à l’image du film lui-même.

Les suppléments disponibles sur le Blu-ray de L’Accident de piano sont peu nombreux, mais intéressants : on commencera avec un entretien croisé avec Magaloche et Magalie (6 minutes), les deux interprètes du personnage, Adèle Exarchopoulos et Morena Gosset, répondent aux questions de Coco, la jeune réalisatrice du making of présent sur le Blu-ray du Deuxième acte. On embrayera ensuite avec un entretien avec Quentin Dupieux, Adèle Exarchopoulos et Jérôme Commandeur (18 minutes), enregistré à l’issue d’une projection du film. Les intervenants y évoqueront la genèse du film, la collaboration entre Quentin Dupieux et Adèle Exarchopoulos (déjà vue dans Mandibules), de la signification du titre, de l’obsession du cinéaste pour les objets absurdes, et — évidemment — de l’importance des yahourts dans le film. Très intéressant ! On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.

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