La Queue du scorpion
Italie, Espagne : 1971
Titre original : La coda dello scorpione
Réalisation : Sergio Martino
Scénario : Ernesto Gastaldi, Sauro Scavolini…
Acteurs : George Hilton, Anita Strindberg, Alberto de Mendoza
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h30
Genre : Horreur, Giallo
Date de sortie cinéma : 4 octobre 1973
Date de sortie DVD/BR : 5 avril 2025
Suite au décès de son mari, Kurt, dans l’explosion d’un avion, Lisa Baumer hérite d’un million de dollars qu’elle ne pourra toucher qu’en quittant Londres pour se rendre à Athènes. Sur place, elle est suivie par Peter Lynch, dépêché par la compagnie d’assurances, ainsi que par John Stanley, un policier. Peu après, la riche héritière croise la route d’une ex-maîtresse de son mari, Lara Florakis. Flanquée de Sharif, son homme de main, celle-ci lui réclame la moitié du pactole, sous peine de représailles…
Le film
[4/5]
La Queue du scorpion est un giallo sorti en 1971, et réalisé par Sergio Martino, qui donnerait au genre quelques-uns de ses films les plus mémorables. Prenant la forme d’un whodunit des plus classiques, le film fait preuve d’une finesse absolument remarquable, trompant le spectateur en lui offrant des points d’intrigue supposés « importants » qui s’avèrent en réalité être des fausses pistes destinées à détourner son attention du véritable sujet du film. Au début du film, le spectateur apprend la mort d’un homme nommé Kurt Baumer à bord d’un avion. Sa veuve, Lisa (Evelyn Stewart alias Ida Galli), est la bénéficiaire d’une assurance vie d’un million de dollars, qu’elle doit récupérer à Athènes. Le spectateur apprendra rapidement que cette somme va lui permettre de couler des jours heureux en compagnie de son amant, George (Tomás Picó). Après avoir découvert le corps sans vie de Philippe, un ex qui cherchait à la faire chanter, Lisa fuit vers la Grèce, mais lors de son voyage, elle sera suivie par une foule de curieux.
Suspectant une fraude, voire même un meurtre, la compagnie d’assurance dépêche également sur place l’agent Peter Lynch (George Hilton). Interpol en fait de même en envoyant l’agent John Stanley (Alberto de Mendoza). Mais à son arrivée à Athènes, Lisa sera également surveillée par Lara Florakis (Janine Reynaud), la maîtresse de feu Kurt Baumer, qui compte bien mettre la main sur le million. Mais Lisa est retrouvée assassinée, et son argent volatilisé, Lynch et Stanley, rejoints par l’inspecteur Stavros (Luigi Pistilli), de la police d’Athènes. Tous les regards se tournent alors vers Lara, désignée comme la principale suspecte. Mais elle aussi ne tardera pas à être assassinée : avec La Queue du scorpion, Sergio Martino double la mise du Psychose d’Alfred Hitchcock, en faisant disparaître coup sur coup les deux personnages féminins introduits par la première demi-heure de métrage.
La suite du film sera à l’avenant en termes de manipulations et de fausses pistes : en commençant à fouiller dans le passé des deux femmes, Peter Lynch découvrira une multitude de suspects potentiels, et sans trop entrer dans les détails, le nombre de victimes ne tardera pas à augmenter, et Lynch lui-même deviendra un suspect. En réalité, le premier acte de La Queue du scorpion sert plus ou moins d’introduction à la véritable mécanique de l’intrigue, qui associe Lynch à une journaliste militante appelée Cléo Dupont (Anita Strindberg). Mais qui est-elle vraiment ? Sa présence, et sa propension à se mettre dans des situations déconnectées de toute logique, tirent à nouveau l’intrigue dans des directions que le spectateur n’attendait pas forcément. Le scénario, que l’on doit à ‘incontournable Ernesto Gastaldi, reste cependant toujours solide en dépit des faux fuyants, et conserve suffisamment de zones d’ombre pour laisser le spectateur dans une espèce de confusion savamment entretenue.
La deuxième partie de La Queue du scorpion comporte de nombreuses scènes de meurtres extrêmement réussies, à base de tueur ganté, vêtu de noir et adepte de l’arme blanche. A mesure que le film avance, les meurtres deviennent de plus en plus sordides (avec notamment une énucléation sauvage, pratiquée avec une bouteille cassée), et s’avèrent puissamment mis en valeur par les compositions de Sergio Martino et la photo d’Emilio Foriscot, colorée et assez superbe. Certaines séquences sont par ailleurs remarquablement conçues et parfaitement exécutées, à l’image de celle où le tueur tente d’entrer dans la maison de sa victime par la porte, mais y parvient finalement en brisant les vitres. Mais loin de constituer une fin en soi, ces scènes de meurtres ne feront finalement qu’alimenter le mystère sous-jacent, qui s’impose comme le véritable moteur du film. Sergio Martino maintient le récit à un rythme méthodique, créant une tension intense allant crescendo au fur et à mesure que l’on se dirige vers le dénouement du mystère, qui nous sera amenée par le biais d’une scène sous-marine.
Le Blu-ray
[4,5/5]
Petit à petit, les films jadis sortis en DVD sous la bannière de l’éditeur-culte Neo Publishing entre 2002 et 2010 finissent par voir le jour au format Blu-ray, tantôt sous les couleurs d’Artus Films, tantôt sous celles du Chat qui fume. Et lors de la dernière salve de Blu-ray édités par Le Chat, ce sont carrément trois films qui appartenaient anciennement au catalogue de Neo que l’on a vu débarquer au format Blu-ray : après La Maison au fond du parc et Le Tueur à l’orchidée, c’est aujourd’hui au tour de La Queue du scorpion de se voir passé au crible de notre test Blu-ray. Pour commencer et comme à son habitude, Le Chat se fend à nouveau d’un bien bel objet, présenté dans un boîtier Scanavo surmonté d’un fourreau, dont la conception graphique est comme toujours signée Frédéric Domont – un vrai et bel objet de collection, à ranger aux côtés des autres films édités par Le Chat qui fume dans votre bibliothèque.
Côté galette, le Blu-ray de La Queue du scorpion nous propose une image littéralement impeccable. Le piqué est d’une belle précision, le grain cinéma est parfaitement préservé, et couleurs et contrastes semblent avoir été tout particulièrement soignés, même si les noirs pourront peut-être apparaître un poil bouchés sur quelques plans épars. On trouve néanmoins un excellent niveau de détail, qu’il s’agisse des scènes en intérieur comme en extérieur. Du très beau boulot ! Rien à redire non plus sur le mixage audio, proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, à la fois en VF et en VO, clair, punchy et sans souffle. L’ensemble est parfaitement équilibré, et la musique de Bruno Nicolai parfaitement mise en valeur.
Dans la section suppléments, Le Chat qui fume nous propose encore plus de gâteries que Patrick Sébastien dans un camp de nudistes. On commencera avec un commentaire audio d’Ernesto Gastaldi et Federico Caddeo, hérité du DVD édité par Neo Publishing en 2006. Le scénariste y livre quelques informations intéressantes sur le film en particulier, entrecoupées de considérations plus générales sur le giallo. On embrayera avec un entretien avec le réalisateur Sergio Martino (47 minutes), qui s’avère passionnant de bout en bout. Le cinéaste déclare notamment que l’une de ses inspirations pour La Queue du scorpion, ou du moins pour son rythme, était le film de Costa-Gavras Z. Il y reviendra également sur les contraintes liées à la coproduction avec l’Espagne, ou encore sur le fait qu’il a dû imaginer des scènes destinées à gonfler légèrement la durée du film, qui était considéré comme trop court. On continuera avec un entretien avec George Hilton (21 minutes), qui reviendra sur sa volonté de se démarquer de son image extrêmement marquée par le western spaghetti. Avec une certaine nostalgie, il évoquera son amitié avec Luciano Martino, le tournage du film, et nous livrera quelques anecdotes amusantes, et en particulier une anecdote concernant la poitrine d’Anita Strindberg.
Annoncé sur la jaquette du Blu-ray du Tueur à l’orchidée, le documentaire intitulé « Le giallo : une radiographie de l’Italie d’après-guerre » (41 minutes), conçu à l’origine pour la chaîne YouTube « Cinema et Politique », est ici bien présent. Il nous propose de revenir, de façon assez didactique, sur le contexte social et politique ayant donné naissance au giallo, tout en revenant sur les caractéristiques les plus marquantes du genre. Pour vous procurer cette édition, rendez-vous sur le site du Chat qui fume !