Test Blu-ray : Dr Wong en Amérique / Il était une fois en Chine VI

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Dr Wong en Amérique / Il était une fois en Chine VI

Hong Kong : 1997
Titre original : Huang Fei Hong 6 – Xi yu xiong shi
Réalisation : Sammo Hung
Scénario : Cheuk-Hon Szeto, Philip Wai-chung Kwok, Mei-Yee Sze
Acteurs : Jet Li, Rosamund Kwan, Xinxin Xiong
Éditeur : HK Vidéo
Durée : 1h40
Genre : Western, Kung-Fu
Date de sortie cinéma : 8 novembre 2000
Date de sortie DVD/BR : 18 septembre 2025

Accompagné de son disciple Pied-bot et de Tante Yee, le Dr. Wong Fei-Hung se rend en Amérique pour visiter une succursale de sa fameuse clinique. A la suite d’une attaque d’indiens, Wong est frappé d’amnésie. Il est recueilli par une tribu de peaux-rouges pacifistes. Mais alors que ses amis tentent de le retrouver, des bandits qui terrorisent la région cherchent à faire accuser la communauté chinoise…

Le film

[3,5/5]

Tout le monde ou presque s’accorde pour dire que dans la saga Il était une fois en Chine, il y a eu des hauts et des bas, à boire et à manger, du bon et du moins bon. Les deux derniers films de la franchise, à savoir Dr Wong et les pirates (1994) et Dr Wong en Amérique (1997), sont de ceux qui provoqueront à coup sûr le plus de débats parmi les cinéphiles, tant ils rompent totalement avec la grandiloquence des premiers opus pour verser dans des récits s’approchant presque du Serial d’antan. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que l’on se lance dans la revoyure de Dr Wong en Amérique (Il était une fois en Chine VI) avec une certaine méfiance, mais au final, quel bonheur de constater que ce film sans prétention – que bien des spectateurs avaient déjà surkiffé leur mère il y a vingt-cinq ans – soit toujours si charmant ! De la naïveté, de l’humour, du kung-fu old school, le tout saupoudré d’une bonne dose de western spaghetti. Aux manettes de ce sixième opus, celui qu’on appelle affectueusement « le gros » Sammo Hung s’amuse visiblement beaucoup à déplacer le légendaire Wong Fei-Hung au Far West, ce postulat de départ saugrenu lui permettant de revisiter à sa manière les codes du western. Et contre toute attente, Dr Wong en Amérique ne se vautre jamais dans le ridicule : il trotte, il cabriole, il fait des pirouettes, parfois bancales, mais toujours avec panache.

Dans Dr Wong en Amérique, Jet Li reprend son rôle de médecin-justicier avec la souplesse qu’on lui connaît. Le scénario, qui tiendrait grosso modo sur un ticket de métro froissé, envoie donc notre héros en Amérique pour visiter une succursale de sa clinique. Mais voilà, attaque d’Indiens, perte de mémoire, et le voilà recueilli par une tribu de peaux-rouges fiers et braves, qui le remettent sur pied et lui inculquent les bases de leur culture. Ce pitch improbable permet à Dr Wong en Amérique de jouer sur la thématique de l’identité, de la mémoire et du déracinement, avec une naïveté touchante et typiquement Hongkongaise. Mine de rien, et sous le couvert du divertissement bon enfant, le film interroge le spectateur sur ce que signifie être soi, quand tout ce qui nous définit a été effacé. Et ça jeune fille, c’est plus profond qu’un tuto TikTok sur le contouring !

Formellement, Dr Wong en Amérique reste assez typique de la production made in HK des années 90, et en dépit d’un décorum typiquement américain, ne cherche jamais à rivaliser avec les standards hollywoodiens du genre. Pour autant, l’adaptation au western se fait en douceur et le film s’en sort avec les honneurs. La mise en scène de Sammo Hung, qui fait occasionnellement preuve d’une certaine inventivité, privilégie globalement les plans larges pour les scènes d’action, permettant d’apprécier les chorégraphies de combats à leur juste valeur, et sans se faire agresser par un montage trop cut. Dr Wong en Amérique n’est d’ailleurs pas avare en bastons, et nous offre même plusieurs séquences de combat franchement réjouissantes. Jet Li, même en mode amnésique, distribue les mandales avec une élégance rare. Mention spéciale à la géniale scène finale dans le saloon, où les coups pleuvent comme des likes sur une vidéo de chat. Mais derrière la castagne, le film glisse des réflexions sur le choc des cultures, la violence institutionnelle, et la difficulté de s’intégrer dans un monde qui ne vous comprend pas. C’est un peu comme essayer d’expliquer le concept de consentement à un bro du Spring Break : ça demande de la patience, de la pédagogie, et parfois un bon coup de pied retourné.

Les décors, entre saloons poussiéreux et plaines désertiques, donnent au film une patine western qui fonctionne étonnamment bien. Et même si certains costumes semblent avoir été piqués à une troupe de théâtre amateur en tournée dans le Cantal, Dr Wong en Amérique parvient bon gré mal gré à créer une ambiance cohérente, et même relativement immersive dans son genre. Comme quoi à Hong Kong, avec trois cactus, un cheval et une moustache, on peut faire des miracles. Bon alors, oui, le film n’échappe pas non plus tout à fait à quelques maladresses. Les dialogues, parfois écrits avec les pieds (probablement ceux de Pied-Bot), oscillent entre le kitsch et le franchement absurde. Rosamund Kwan, en Tante Yee, semble coincée entre deux expressions faciales, comme une influenceuse qui hésite entre le duck face et la crise existentielle. Et certains seconds rôles, notamment les cowboys, jouent comme s’ils avaient été recrutés dans une convention de sosies de Chuck Norris. Mais ces défauts, au lieu de plomber le film, lui donnent une saveur particulière. Dr Wong en Amérique devient alors une sorte de western kung-fu vintage, un croisement improbable entre Il était une fois dans l’Ouest et Shaolin Soccer, avec une pincée de Fortnite dedans (on dit ça sciemment pour essayer d’attirer nos lecteurs les plus jeunes au cinéma de Hong Kong).

Et puis il y a cette scène où Wong Fei-Hung, amnésique, soigne un jeune indien blessé avec une technique qu’il ne se souvient pas avoir apprise. Ce moment, tout simple cristallise la thématique du film : la mémoire du corps, la transmission inconsciente, et la résilience face à l’oubli. Une scène à la fois surprenante et belle, qui permet de démontrer que derrière ses oripeaux du western kung-fu de série B, Dr Wong en Amérique parle de ce qui reste quand tout a disparu. Tout ça pour dire qu’un peu plus de 25 ans après sa sortie, le film de Sammo Hung mérite franchement d’être redécouvert, sans préjugés. Pas pour sa perfection technique, ni pour son scénario cousu de fil blanc, mais pour son cœur, son énergie, et sa capacité à mélanger les genres avec une audace presque punk. Et dans un monde où les algorithmes dictent les goûts du public et où les films sont calibrés pour les tendances Google (iPhone 15, Taylor Swift, chat GPT), Dr Wong en Amérique fait figure d’OVNI !

Le Blu-ray

[4/5]

Dr Wong en Amérique (Il était une fois en Chine VI) vient de débarquer au format Blu-ray, dans un superbe Digipack trois volets, sous les couleurs de HK Vidéo. Sans surprise, la galette Haute-Définition nous propose une image restaurée qui fait honneur au film de Sammo Hung et à sa jolie photo crépusculaire. Les couleurs sont bien équilibrées, avec des teintes chaudes pour les séquences américaines et des contrastes nets dans les scènes nocturnes. Quelques plans souffrent encore d’un léger flou, probablement dû à la source d’origine, mais l’ensemble reste très agréable à l’œil. Côté son, VF et VO cantonaise nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1 ; dans les deux cas, on aura droit à des mixages bien enveloppants et dynamiques, en particulier sur les séquences d’action, littéralement explosives. Des pistes audio en français et mandarin sont également disponibles en DTS-HD Master Audio 2.0, et en cantonais DTS-HD Master Audio 1.0. Dans tous les cas, on aura droit à un rendu acoustique clair et dynamique, avec une belle restitution des ambiances. La version française est correcte, mais manque un peu de relief dans les scènes d’action.

Du côté des suppléments, Dr Wong en Amérique s’offre tout d’abord un intéressant making of d’époque (25 minutes), qui donnera la parole à l’équipe de tournage ainsi qu’à Tsui Hark, qui officiait sur ce film au poste de producteur. On y découvrira également de très nombreux moments volés sur le tournage, ce qui sera l’occasion de voir les acteurs et l’équipe échanger, rire, se plaindre du froid et se souhaiter la bonne année. On terminera enfin par un entretien avec Sammo Hung (13 minutes), qui évoquera son intérêt pour le projet, son expérience sur le film, et évoquera ses influences dans le domaine du western. On terminera avec la traditionnelle bande-annonce, mais on notera que le digipack contient probablement le meilleur bonus du lot, puisqu’on y trouvera un court texte de présentation signé Charles Ferragut. Un ensemble généreux, qui ravira les amateurs de kung-fu vintage et de westerns asiatiques.

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