Innocents – The Dreamers
France, Royaume-Uni, Italie : 2003
Titre original : The Dreamers
Réalisation : Bernardo Bertolucci
Scénario : Gilbert Adair
Acteurs : Eva Green, Louis Garrel, Michael Pitt
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h55
Genre : Drame, Érotique
Date de sortie cinéma : 10 décembre 2003
Date de sortie DVD/BR/4K : 16 mai 2025
Mai 1968, à Paris. La révolte étudiante gronde, les manifestations se multiplient. Isabelle et son frère Théo, restés seuls dans la capitale pendant les vacances de leurs parents, invitent chez eux Matthew, un étudiant américain qu’ils ont rencontré à la Cinémathèque où ils passent le plus clair de leur temps. Dans cet appartement, ils rejouent les scènes de leurs films préférés, cherchent à se découvrir en se livrant à des jeux sensuels de plus en plus troubles…
Le film
[3,5/5]
Si Innocents : The Dreamers est souvent un peu laissé de côté au cœur de la riche filmographie de Bernardo Bertolucci, c’est sans doute en raison de sa nature très érotique. Bon, OK, ce n’est peut-être pas uniquement parce qu’il s’agit d’un film érotique enchaînant les scènes d’amour entre jeunes gens à peine pubères. C’est peut-être aussi parce qu’objectivement, le film ne tient pas la comparaison avec le faste des grandes reconstitutions historiques mises en scène par Bertolucci tout au long de sa carrière (1900, Le Dernier Empereur…).
Pour autant, à sa sortie en 2003, Innocents : The Dreamers avait au moins le mérite de clarifier une chose, que les cinéphiles avaient déjà pressenti à la découverte de Beauté volée en 1996 : du haut de ses 60 ans, Bertolucci aimait toujours passionnément les femmes. Parmi les fantasmes qu’il semblait cultiver à l’époque, il y avait cette idée de créer à l’écran un monde « clos », sans aucun souci matériel, au cœur duquel des personnages de jeunes gens – ayant tous un physique de mannequin – se prélassent, nus ou largement dénudés, dans une splendeur décadente, n’interrompant leurs rêveries oisives que pour s’adonner à quelques parties de baise bien méritées.
Cela peut certes paraître un peu réducteur, mais finalement, cette ambiance feutrée et érotique correspond tout à fait autant à Beauté volée et à Innocents : The Dreamers. Qu’il s’agisse de la villa de Toscane où Liv Tyler fait tourner la tête de tous les hommes ou du vaste appartement parisien dans lequel Eva Green va perdre sa virginité sur fond de révolution sociale et culturelle, les lieux où se déroule l’action des deux films constituent, à leur manière, un personnage à part entière dans chacun des deux récits. Dans les deux cas, il s’agit d’une espèce de cocon, hors du temps, accueillant, chaleureux, quasi-surnaturel, et préservé de toute influence extérieure (sauf peut-être des pavés de mai 68).
Ces lieux coupés du monde représentent le rêve brûlant de l’intellectuel d’âge mûr ; il peut tout à la fois s’y laisser aller à la réflexion ou à la philosophie et s’adonner aux plaisirs de la chair avec des femmes jeunes et littéralement submergées par leurs sens. Écrit par Gilbert Adair à partir de son propre roman publié en 1988, Innocents : The Dreamers est un récit dans lequel les passions tournent à l’obsession. Le film met en scène trois étudiants : deux français (Louis Garrel et Eva Green) et un américain aux yeux de biche (Michael Pitt), trois jeunes fainéants obsédés sexuels et passionnés de cinéma, jouant leurs scènes préférées tirées des films de Jean-Luc Godard, Buster Keaton ou François Truffaut, et puisque le récit est situé en 1968, profitent d’une liberté sexuelle ayant totalement disparu au milieu des années 80 avec l’apparition du Sida.
Totalement déconnectés des événements se déroulant à l’extérieur et de la violence des barricades, les personnages d’Innocents : The Dreamers se promènent toutes bites et chatte dehors, rejouant des scènes de Jules et Jim avant de se laisser aller à de torrides étreintes sessuelles. Et si le contexte social et historique de mai 1968 finira bel et bien par rattraper nos héros juvéniles dans la dernière bobine du film (ce qui marquera d’ailleurs la fin de leur innocence/insouciance), le reste du long-métrage reste obstinément ancré sur les obsessions de Bernardo Bertolucci à l’époque. Après tout, comme l’indique clairement le titre, l’idée est ici de suivre la trajectoire de trois « rêveurs », des adolescents excités et priapiques évoluant dans les brumes vaporeuses d’un monde imaginaire.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Sorti dans les salles obscures en 2003, Innocents : The Dreamers n’avait réuni qu’un peu moins de 80.000 spectateurs dans les salles françaises, mais avait par la suite largement été découvert en DVD. Cela dit, d’une façon assez étrange, il était jusqu’ici resté totalement inédit au format Blu-ray, et débarque aujourd’hui directement au format Blu-ray 4K Ultra HD, sous les couleurs de Metropolitan Vidéo. Le film nous est proposé dans un nouveau master restauré en 4K sous la supervision du directeur photo Fabio Cianchetti. L’image upgradée qui nous est présentée sur ce Blu-ray 4K Ultra HD est très satisfaisante en termes de définition et de piqué, mais également en ce qui concerne la restitution du grain 35 mm, solide et d’une finesse à toute épreuve. Technologie HDR10 + Dolby Vision oblige, l’étalonnage des couleurs est excellent, et le film baigne dans des couleurs plus chaudes qu’auparavant, sans doute pour mieux coller à l’ambiance à la fois élégante et pleine de stupre qu’avait voulu créer Bernardo Bertolucci. Les noirs sont profonds, denses, bref, Metro nous livre ici une présentation que les érotomanes et les fans du film apprécieront à leur juste valeur.
Du côté des enceintes, l’éditeur fait également honneur à son poulain, qui bénéficie d’une piste DTS-HD Master Audio 5.1 en VO, ainsi que de deux pistes stéréo – en DTS-HD Master Audio 2.0 pour la VF et DTS 2.0 pour la VO. Quelle que soit l’option que vous choisirez, les dialogues sont clairs et bien équilibrés, et les ambiances parfaitement restituées, pour un rendu acoustique propre et parfaitement immersif. Dans le cas du mixage 5.1, la spatialisation est finalement assez anecdotique, l’ensemble reste essentiellement frontal, et préserve tout à fait l’esprit du film.
Du côté des suppléments, on commencera sur la galette avec un commentaire audio de Bernardo Bertolucci, Gilbert Adair et Jeremy Thomas (VOST). On poursuivra ensuite avec un intéressant making of (51 minutes), que l’on avait déjà pu découvrir sur l’édition DVD de 2004. Ce dernier a la particularité notable de revenir tout à la fois sur le film de Bertolucci et sur les évènements de 68, et notamment sur le licenciement d’Henri Langlois de la Cinémathèque, qui est évoqué dans le film. On y évoquera aussi le cinéma de la Nouvelle Vague, et le tout est complété d’images du tournage et d’interventions de Bernardo Bertolucci et de ses acteurs. On enchaînera avec un court making of d’époque (5 minutes), qui sera complété d’une série d’entretiens d’archives avec Bernardo Bertolucci, Eva Green, Michael Pitt, Louis Garrel, Gilbert Adair et Jeremy Thomas (25 minutes), d’images du tournage (12 minutes) et de la traditionnelle bande-annonce.
Mais oserait-on affirmer que les suppléments les plus passionnants se trouvent non pas sur le disque mais dans le boîtier ? Et plus précisément dans le livret inédit de 56 pages disponible au cœur du Combo 4K + Blu-ray. On y retrouvera les souvenirs de Gilbert Adair concernant l’adaptation de son livre, une analyse du film rédigée par le brillantissime Nicolas Rioult, qui évoquera Innocents : The Dreamers à la lumière des polémiques récentes autour du cinéaste, ainsi qu’un rappel de « l’Affaire Langlois », un retour sur les films dans le film, et la présentation des différents lieux parisiens traversés dans le film, ce qui est toujours assez amusant. Vous noterez également la classe internationale du coffret 4K + Blu-ray + Livret, présenté dans un étui rigide contenant un Digipack 4 volets du meilleur effet.