Carol
Royaume-Uni : 2015
Titre original : –
Réalisation : Todd Haynes
Scénario : Phyllis Nagy
Acteurs : Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler
Éditeur : Bubbel Pop’ Édition
Durée : 1h58
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 13 janvier 2016
Date de sortie DVD/BR/4K : 2 décembre 2025
Dans le New York des années 1950, Therese, jeune employée d’un grand magasin de Manhattan, fait la connaissance d’une cliente distinguée, Carol, femme séduisante, prisonnière d’un mariage peu heureux. À l’étincelle de la première rencontre succède rapidement un sentiment plus profond. Les deux femmes se retrouvent bientôt prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle…
Le film
[4/5]
Dans Carol, Todd Haynes filme les années 50 comme un fétichiste du formica : chaque reflet, chaque rideau, chaque gant semble avoir été repassé par Dieu lui-même. Mais derrière cette vitrine chromée, c’est l’intime qui palpite. Carol, c’est l’histoire d’un désir qui s’infiltre : discret, gênant, mais impossible à ignorer. Ainsi, Carol ne parle pas d’amour, mais de sa possibilité – ce n’est pas un mélo, c’est une dissection, tournée tout en plans fixes et en cadres serrés, ce qui tend à transformer les personnages en fantômes de leur propre vie.
Dans Carol, Cate Blanchett joue comme si elle avait avalé Bette Davis au petit-déj. Rooney Mara, elle, semble sortie d’un remake lesbien de Edward aux mains d’argent. Ensemble, elles réinventent le couple, loin des clichés de la romance Netflix. Le passé y devient un miroir trouble du présent. Carol est une ode à l’insolence douce, à la résistance par le regard, que notre chroniqueur Nicolas Santal avait longuement abordé lors de sa sortie dans les salles début 2016. Ci-dessous, vous trouverez quelques morceaux choisis de sa critique.
« Carol parle de l’amour entre deux femmes : Thérèse (Rooney Mara, prix d’interprétation à Cannes pour ce rôle) et Carol (Cate Blanchett) dans le New-york des années 50. Bien entendu, cette relation entre deux personnes du même sexe, qui n’ont, de plus, pas le même âge, n’est pas accepté dans la société de l’époque…Tourné en Super 16, la douce photographie du film est ce qui frappe en premier. Ici pas de filtre « vintage » pour donner du cachet à l’image, comme c’est le cas dans de nombreux films, on est face à du travail d’artiste.
Cette douceur est d’ailleurs omniprésente tout le long de Carol. Baigné dans l’ambiance des fêtes hivernales, bercé par la musique de Carter Burwell, on en ressort comme d’un cocon douillet. (…) La rencontre de Therese et Carol, dans un magasin de jouets, symbolise bien la condition des femmes dans une Amérique pas si lointaine (et peut être même encore d’actualité) : des poupées qui doivent faire bonne figure, auxquelles on achète d’autres poupées à noël, et qui en général travaillent jusqu’à leur mariage. (…)
Sans fioritures, d’apparence assez classique, la réalisation est cependant très maîtrisée. Le cadre est millimétré et des nombreux champs/contre-champs soulignent avec brio les différents rapports qu’entretiennent les deux femmes entre elles et avec la société. (…) Vers le milieu du film, Carol semble se transformer en road-movie. Il nous donne l’illusion quelques instants qu’en s’éloignant de la ville, les deux femmes s’éloignent de la société et de ses tabous. Mais comme dans tout voyage, la fin de l’aventure est un moment difficile… »
Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD
[5/5]
Le coffret Blu-ray 4K Ultra HD de Carol, édité par Bubbel Pop’ Édition, est un petit bijou pour les amateurs de packaging qui sentent bon la naphtaline chic. Le boîtier Clamshell limité, avec son étui cartonné et son Blu-ray Scanavo Full Frame, donne envie de le poser sur une étagère en verre trempé, entre un vinyle de Françoise Hardy et une boîte de capotes vintage. Le visuel est sobre, élégant, presque trop propre pour les doigts sales du cinéphile moyen. Côté image, le Blu-ray 4K Ultra HD de Carol envoie du bois. Le Dolby Vision et le HDR10 font des merveilles sur les textures : les manteaux de Carol prennent une épaisseur presque tactile, les lumières de Noël scintillent comme des sextoys dans une vitrine de Pigalle. Les noirs sont profonds sans être bouchés, les teintes pastel respirent, et les visages n’ont jamais été aussi bien mis en valeur. On sent que le chef op’ Edward Lachman a dû pleurer de joie en voyant le master final. Côté son, les mixages VF et VO Dolby TrueHD 5.1 sont à la hauteur. La VO offre une spatialisation délicate, avec des ambiances feutrées et une musique qui caresse les tympans comme un chat sous Lexomil. La VF, bien que correcte, perd un peu de la subtilité des intonations de Blanchett, mais reste largement au-dessus du lot. Pas de saturation, pas de souffle, juste ce qu’il faut de clarté pour entendre les silences.
Les bonus du coffret Blu-ray 4K Ultra HD de Carol sont aussi nombreux qu’un dîner de famille chez les Mara. On commence avec un livre illustré de 100 pages signé Rania Griffete, Christian Viviani et Jacques Demange, qui ferait passer les catalogues IKEA pour des pamphlets anarchistes. Dense, bien écrit, et surtout utile pour comprendre les enjeux esthétiques du film sans se taper une thèse en sémiologie. Sur le Blu-ray spécifiquement dédié aux bonus du film, les entretiens avec l’équipe sont variés et, comme l’auteur de ces lignes, parfaitement bien montés : on commencera avec le réalisateur du film Todd Haynes (45 minutes), qui s’offre l’entretien le plus long et le plus passionnant. On continuera ensuite avec les producteurs du film, Stephen Woolley (24 minutes), Elizabeth Karlsen (21 minutes) et Christine Vachon (8 minutes), on enchaînera avec la costumière Sandy Powell (21 minutes) et on terminera avec la maquilleuse Morag Ross (21 minutes). Chacun y va de sa petite anecdote, parfois croustillante, souvent éclairante. Mention spéciale à Sandy Powell, qui parle des costumes comme d’un ex toxique mais irrésistible.
On continuera le tour des suppléments avec les mêmes intervenants, qui s’exprimeront tour à tour au cœur de différents segments dédiés à la genèse (14 minutes) et au financement du film (15 minutes). On passera également par un module sur le roman (7 minutes), qui revient sur Patricia Highsmith avec une justesse bienvenue, sans sombrer dans le fétichisme littéraire. s’avère étonnamment captivant, surtout pour ceux qui pensent que produire un film, c’est juste signer des chèques. Le module « La rencontre d’Elizabeth et Christine » (3 minutes) ajoute une touche humaine et personnelle à l’ensemble, tandis que « Happy Birthday Carol » (4 minutes) tente de revenir sur l’héritage du film. On continuera avec un sujet consacré aux lieux de tournage du film (4 minutes), et on terminera le tour des bonus inédits avec un entretien avec Judith Revault d’Allonnes, responsable des Cinémas du Département culture et création au Centre Pompidou (26 minutes), qui reviendra sur le cinéma de Todd Haynes, ainsi que sur ses différentes rencontres avec le cinéaste.
Mais avec Bubbel Pop’ Édition, quand y’en a plus, y’en a encore, puisque les suppléments déjà disponibles sur l’édition Blu-ray estampillée TF1 Vidéo sont également de la partie, regroupés sur le Blu-ray du film. Le making of (17 minutes) est classique mais efficace, et les entretiens avec Cate Blanchett (14 minutes), Rooney Mara (8 minutes), Edward Lachman (7 minutes) et re-Christine Vachon (6 minutes) complètent le tableau avec des réflexions pertinentes sur le tournage, la direction d’acteurs et les choix esthétiques. En résumé, ce coffret Blu-ray 4K Ultra HD de Carol est une édition quasi parfaite, qui donne envie de revoir le film en boucle, même si on est allergique aux histoires d’amour ou aux gants en cuir.

























