Critique : Good boys

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Good boys

États-Unis, 2019

Titre original : Good boys

Réalisateur : Gene Stupnitsky

Scénario : Lee Eisenberg & Gene Stupnitsky

Acteurs : Jacob Tremblay, Keith L. Williams, Brady Noon, Will Forte

Distribution : Universal Pictures International France

Durée : 1h30

Genre : Comédie d’adolescents

Date de sortie : 21 août 2019

3/5

L’adolescence, c’est cet âge de passage qui constitue un formidable avant-goût de la vie d’adulte, tout en laissant de terribles souvenirs causés par un nombre incalculable de bêtises commises pendant cette parenthèse de l’irresponsabilité. Le cinéma comique américain l’a observée sous tous les angles imaginables depuis de nombreuses années. Au plus tard depuis la sortie de American Pie de Paul Weitz il y a près de vingt ans et ses suites et répliques guère moins surexcitées, toutes les facettes de cet éveil à l’âge adulte ont d’ores et déjà été explorées. Bref, plus rien ne nous surprendra dans le contexte de ces aventures pré-pubères, invariablement tributaires d’un choc des générations plus ou moins traumatisant et dégoûtant. Good boys de Gene Stupnitsky est de surcroît un peu trop propre sur lui, trop sage dans sa forme pour atteindre le degré de délire qui distingue les histoires les plus exubérantes de ce genre à part entière. Or, ce semblant de pudeur, qui ne part jamais tout à fait, même pas quand une énième référence aux accessoires sexuels des parents nous fait au mieux encore doucement sourire, s’avère finalement être l’arme secrète d’un film légèrement plus subtil qu’il ne paraît. Car contrairement aux frasques passablement vulgaires et plus du tout innocentes exhibées sans cesse dans l’univers d’American Pie, celles de cette bande-ci de copains opèrent un acte d’équilibriste pas sans charme et étonnamment précis autour du point de basculement entre l’enfance et l’adolescence.

© Universal Pictures International France Tous droits réservés

Synopsis : Max, Thor et Lucas, tous bientôt élèves de sixième, forment un groupe d’amis inséparable. Ils croient encore que leur fratrie des Pouf Boys tiendra indéfiniment, alors que les premiers signes annonciateurs de la discorde se profilent à l’horizon. Pendant que Thor rêve de chanter dans la comédie musicale de son collège et que Lucas ne peut toujours pas croire que ses parents vont divorcer, Max n’a d’yeux que pour Brixlee. L’occasion de lui avouer enfin ses sentiments se présente, grâce à l’invitation à la soirée du gamin le plus adulé du collège. Sauf qu’aucun des trois amis n’a jusqu’à présent embrassé une fille. Ils vont alors entamer un parcours d’apprentissage pour le moins rocambolesque.

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Juste quelconques ou quand même spécifiques ?

Pas si vite, pas si vite ! Il serait sans doute prématuré de ne voir en Good boys qu’une énième farce à l’humour lourd et au flux abondant de fluides sexuels aux moments les moins opportuns. Un peu à l’image du père de Max, qui croît surprendre son fils au début de l’intrigue en train de se masturber, alors qu’il est encore à un stade de fantasme sur la physionomie féminine décidément plus abstrait. Comme le titre du film l’indique, on est du côté des bons gars ici, c’est-à-dire ni de celui des cancres assumés qui testent sans vergogne les limites des interdits parentaux, ni de celui de ceux qui les idolâtrent en secret pour leur train de vie sulfureux sans pour autant avoir le courage de l’imiter sincèrement. Tout l’enjeu du récit se résume en effet au tiraillement existentiel avant l’heure entre le droit chemin, suivi jusqu’à présent sans le moindre questionnement sérieux, et ces tentations plus ou moins farfelues, auxquelles les protagonistes ne cèdent jamais le cœur léger. En raison de leur part d’enfant, pour l’instant majoritaire quoique en train de s’estomper progressivement au fil de l’histoire, ils ont tendance à voir le mal nulle part ou plutôt de le concevoir d’une façon si décalée par rapport au cynisme adulte, dont nous nous reconnaissons tout à fait coupables, que leurs écarts de conduite successifs sont le garant d’un divertissement au minimum gentillet, voire parfois presque ingénieux.

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La mue du coquillage

Alors oui, un peu trop souvent, le premier long-métrage de Gene Stupnitsky ne sait pas sur quel pied danser, indécis entre l’insouciance manifeste des protagonistes et la nature plus ambiguë des embrouilles dans lesquelles ils sont impliqués, parfois contre leur gré, mais plus régulièrement par un concours de circonstances au trait pas nécessairement forcé. Et il y a quelque chose de bizarrement anachronique dans le fait de voir des enfants du 21ème siècle s’amuser principalement avec des activités en plein air, plus caractéristiques de la jeunesse de leurs aînés, avant que les différents dispositifs informatiques ne prennent le quotidien de l’humanité en otage. Toutefois, Good boys incorpore de manière intentionnelle quelques signes indubitables de notre époque, tels que les références au harcèlement à l’école et aux mesures caricaturales prises aux États-Unis pour endiguer ce fléau social. De même, certains personnages affichent un comportement peu orthodoxe, qui nous laisse supposer que Lucas pourrait être autiste et que, tôt ou tard, Thor découvrira son orientation sexuelle minoritaire. En fait, seul Max, interprété avec un naturel désarmant par Jacob Tremblay, découvert dans Room de Lenny Abrahamson et Wonder de Stephen Chbosky, est un garçon ordinaire au sens traditionnel du terme, y compris dans la timidité maladive que lui inspire celle qu’il croit être sa future épouse, à tort bien sûr. La qualité du film réside alors dans son refus assez catégorique d’exacerber ces différences ou, pire encore, de s’en moquer bêtement. Son humour préfère s’appuyer sur des situations cocasses, ainsi que sur la promotion lucide d’une loyauté indéfectible entre amis d’enfance, qui ne durera certes pas éternellement, mais qu’il convient de cultiver le plus longtemps possible.

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Conclusion

Il est peu probable que vous riiez jusqu’aux larmes en regardant Good boys. Malgré un ou deux gags particulièrement réussis, la force du film réside ailleurs que dans le rire gras et coupable qui avait jadis fait la fortune de American Pie et consorts. En se focalisant sur le moment précis des derniers jours d’une enfance insouciante, Gene Stupnitsky se démarque presque délicatement de ces orgies de débauches sexuelles précoces auxquelles sont associées de nos jours les comédies américaines d’adolescents. Il est plutôt question ici d’une amitié aux pieds d’argile. Cette dernière a beau être balayée sans emphase tragique, elle est maintenue temporairement en vie, grâce à l’inclination notable aux pirouettes linguistiques, ainsi qu’à la compréhension accrue des troubles existentiels propres à la pré-adolescence de la part des scénaristes, sensiblement plus espiègles que la mise en scène très sobre.

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