Livre : La Cinéphilie (Antoine de Baecque)

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La Cinéphilie

France, 2003
Titre original : –
Auteur : Antoine de Baecque
Collection : Histoire de la pensée
Editeur : Fayard
377 pages
Genre : Histoire du cinéma
Date de parution : 26 février 2003
Format : 153 X 235 mm
Prix : 22 €

Note : 3/5

De nos jours, il suffit de s’y connaître un peu en cinéma pour être considéré comme un cinéphile. Le terme a connu en effet une telle inflation qu’il ne veut plus dire grand-chose, si ce n’est une passion substantielle pour le Septième art. Paru en 2003, le livre de Antoine de Baecque remonte aux sources de cette culture spécifique à la France et à une époque aux modes de réception de l’image animée foncièrement différents des nôtres. Le fait que « La Cinéphilie » a déjà près de quatorze ans ne gêne alors presque pas, puisque la perspective de l’ouvrage s’inscrit dans un contexte historique clairement délimité : la période faste en découvertes et en guerres de clans entre l’immédiat après-guerre et les événements juste avant mai ’68. Fidèle à sa réputation d’historien du cinéma hautement érudit, l’auteur y passe en revue les différents mouvements qui ont mené de la politique des auteurs jusqu’au nouveau cinéma, le tout ponctué par des portraits plus ou moins approfondis de critiques et autres futurs cinéastes tombés parfois injustement dans l’oubli.

Synopsis : A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, une nouvelle façon de regarder le cinéma a vu le jour : la cinéphilie. Grâce à l’éclosion de nombreux ciné-clubs, animés par des amateurs passionnés ou des structures syndicales, et à la parution d’une presse pointue de cinéma, les mythiques Cahiers du cinéma en tête, la culture du cinéma en France a connu de profonds bouleversements. Cet apprentissage ne s’est pas toujours fait dans la douceur, comme le prouve, entre autres, le rejet du cinéma français classique par les « jeunes-turcs » des Cahiers, tels François Truffaut, Jean-Luc Godard et Eric Rohmer, au profit du cinéma hollywoodien et de ses auteurs adulés. Le culte d’Alfred Hitchcock a laissé la place, au fil des années 1950, à une conception plus partisane du cinéma, culminant avec l’explosion de la Nouvelle Vague et le passage des rédacteurs d’antan derrière la caméra. La cinéphilie, quant à elle, n’était pas pour autant arrivée au bout de ses peines, puisqu’il fallait attendre un dernier sursaut, doublé d’un passage tardif à l’action, lors de l’affaire Langlois à la Cinémathèque, avant de la voir se dissoudre dans un champ visuel de plus en plus morcelé.

Toute la mémoire du monde cinéphile

Pour quiconque s’est déjà intéressé un peu à l’Histoire du cinéma en France pendant les années ’50 et ’60, dans le cadre des études ou par simple curiosité intellectuelle, ce livre ne devrait guère apporter, dans ses grandes lignes, de révélation tonitruante. Le rôle d’André Bazin en tant que passeur et mentor de toute une génération de jeunes têtes brûlées, qui allaient à leur tour former un groupe plus ou moins soudé de réalisateurs importants ; la mobilisation en faveur d’un cinéma de genre américain, avec ses maîtres portés aux nues selon les chapelles ; la laborieuse adaptation de cette même culture cinéphile au changement de donne imposé par la Nouvelle Vague et ses répliques internationales ; et enfin le scandale autour du licenciement de Henri Langlois de son poste de directeur artistique de la Cinémathèque Française par le ministre de la culture André Malraux : ces faits avaient d’ores et déjà été largement étudiés dans d’autres ouvrages. L’exploit de ce livre-ci consiste à regrouper ces terrains d’importance historique et de cohérence thématique fort divers dans un seul tour d’horizon assez exhaustif du sujet. Le savoir encyclopédique de Antoine de Baecque s’épanouit ainsi le mieux, lorsqu’il s’agit de mettre en perspective ce quart de siècle d’une évolution constante par rapport aux différents éléments, qui avaient jadis animé la cinéphilie au sens classique.

Réservé à un public averti

Le prix intellectuel à payer pour un tel cours magistral en Histoire du cinéma est par contre plutôt élevé. Il nous a fallu des semaines, voire des mois, pour venir à bout de ce livre, certes intéressant, mais écrit sans une verve littéraire apparente. Bien que l’auteur maîtrise indubitablement son sujet – il s’était illustré auparavant par ses ouvrages sur les Cahiers du cinéma, la Nouvelle Vague et François Truffaut –, son style demeure fâcheusement pesant. Le contenu de « La Cinéphilie », en fin de compte parcimonieux en envolées trop théoriques, est moins en cause que sa difficulté manifeste d’accrocher durablement le lecteur. Ainsi, des chapitres sur des critiques sans héritage, comme Roger Tailleur et Bernard Dort, ratent en quelque sorte leur cible, puisqu’ils ne donnent pas envie de s’aventurer davantage du côté de ces points de vue plutôt stériles sur des films qui ont su se montrer plus coriaces face à l’épreuve du temps. Au moins, le parcours d’un communiste incorrigible comme Georges Sadoul y est retranscrit avec la faculté appréciable d’analyser les tenants et les aboutissants de cet engagement en fin de compte aveuglant.

Conclusion

Cinéphiles nous sommes, cinéphiles nous resterons ! La lecture hélas un peu trop éprouvante de ce livre soigneusement recherché nous a réconfortés dans notre conviction, tout en soulignant sobrement que notre amour du cinéma et ses aspects les plus personnels sont en fait inspirés, à travers les générations et les pays, par le travail de nos ancêtres cinéphiles. Dommage que Antoine de Baecque ne s’autorise à un lien avec le présent qu’au détour de la conclusion, qui met en parallèle l’œuvre du critique emblématique Serge Daney avec la révolution progressive de la cinéphilie ayant conduit jusqu’à sa disparition. Seulement à ce moment, après plus de 350 pages plutôt difficiles d’accès, le propos du livre se clarifie, trop tard pour hausser notre degré d’appréciation.

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