Livre : Christopher Nolan, la possibilité d’un monde

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Titre : Christopher Nolan, la possibilité d’un monde

Auteur : Timothée Gérardin

Editeur : Playlist Society

Date de publication : 13 mars 2017

Nombre de pages : 128

Format : Poche (14×18.3)

Prix : 14 euros

 

Alors que Christopher Nolan est l’auteur d’une dizaine de long-métrages et d’autant de succès populaires (et critiques), aucun livre en français ne s’était pour l’instant intéressé à son œuvre. Une œuvre avec laquelle il a acquis, fait rarissime pour être soulignée, un confiance totale de la part d’un studio aussi emblématique que Warner Bros. Assez discret sur la scène publique, travaillant à un rythme impressionnant à la vue de l’ampleur – et de la qualité – de ses productions, le réalisateur méritait amplement un livre se penchant sur la richesse d’une filmographie rarement honnie, souvent bien accueillie, mais à laquelle on reproche fréquemment les mêmes défauts. Et donc, aujourd’hui sort Christopher Nolan – la possibilité d’un monde chez Playlist Society, un ouvrage dans lequel Timothée Gérardin, fondateur de Fenêtres sur cour et collaborateur à la revue Independencia, explore la richesse de l’œuvre du cinéaste.

C’est une analyse thématique de la filmographie de Nolan que nous propose avant tout l’auteur – Dunkerque y compris, ce qui nous ravis ! Timothée Gérardin explore les grands thèmes qui font de Christopher Nolan un auteur tel qu’on définit cette notion en France depuis plus de soixante ans. Des thèmes si obsédants et importants pour le réalisateur anglais qu’on les retrouve de son premier long-métrage, quasiment amateur (Following, réalisé pour 5000 $) jusque dans des blockbusters de l’échelle de la trilogie The Dark Knight – d’où la pertinence de traiter Nolan en tant qu’auteur dans le sens le plus noble du terme. Par exemple, Timothée Gérardin analyse au sein de la saga du chevalier noir les allégories politiques incarnées par chacun des ennemis que compte la saga, du fascisme de Ras’al Ghul à l’anarchie d’un Joker. Pour rester dans l’analyse de ce qui sont à n’en pas douter les films les plus populaires de Nolan, on note aussi une passionnante mise en parallèle des trois actes énoncés du Prestige avec les trois films mettant en scène Batman. D’autres parallèles sont tracés et tout aussi intéressants : les comédies musicales avec la structure d’Inception, ou le mythe d’Orphée avec ce dernier et Memento. Mais Timothée Gérardin analyse aussi d’innombrables détails qui font la spécificité des films du cinéastes, de l’importance que revêtent des objets dans la narration à l’obsession pour les héros Nolaniens de revenir au foyer familial. Des détails qui, mis bout à bout, participent à renforcer la cohérence de la filmographie.

Quiconque apprécie le cinéma de Nolan a sûrement ressenti, tel l’auteur de ces lignes, à quel point il s’agit d’un cinéma immersif, de bulles visuelles et sonores, qui atteignent leur paroxysme avec Dunkerque – au risque de frustrer encore plus les réfractaires. Loin d’être de simples moyens d’impliquer le spectateur, le livre montre en quoi ces « bulles immersives » sont logiques étant donné les thèmes principaux qu’explore Nolan, présents chaque film sans exception : l’altération du point de vue et la saturation des sens qui va avec. La prolifération de ces points de vue va d’ailleurs avec les prouesses dont fait preuve le réalisateur en terme de narration et de montage. Un montage « immersif », sans transition aucune : une histoire aussi complexe que celle du Prestige est compréhensible sans souffrir de transitions voyantes ou d’indications temporelles. Un montage immersif qui lui aussi, d’ailleurs, atteint son paroxysme avec la narration éclatée et asymétrique de Dunkerque.

Des thèmes, le livre en explore d’autres : la question de la reproduction du réel, tant thématiquement qu’esthétiquement (avec un attachement obsessionnel à la pellicule) par exemple. Si le livre peut paraître relativement court (une centaine de pages), il n’en reste pas moins incontournable, pour les admirateurs de Nolan comme pour les personnes plus dubitatives face à son œuvre. Un essai assez succinct donc, mais à l’image des films du réalisateur dont il traite : à partir d’idées limpides, établies clairement, l’auteur nous offre un développement complexe et passionnant, nous amenant à réfléchir sur leur sens bien après avoir refermé le libre.

Risquons-nous à affirmer qu’il réalise une « inception » sur le lecteur !

 

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