La Roche-sur-Yon 2025 : L’Amour qu’il nous reste

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L’Amour qu’il nous reste

Islande, Danemark, Suède, France, 2025
Titre original : Astin sem eftir er
Réalisateur : Hlynur Pálmason
Scénario : Hlynur Pálmason
Acteurs : Saga Garðarsdóttir, Sverrir Guðnason, Grímur Hlynsson et Þorgils Hlynsson
Distributeur : Jour2fête Distribution
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h49
Date de sortie : 17 décembre 2025

3/5

Notre premier film découvert lors de cette 16ème édition du Festival de La Roche-sur-Yon n’aurait pas pu être plus représentatif de ce que l’on attend lors de ce rendez-vous immanquable de notre rentrée de cinéma : une œuvre aussi atypique que passionnante ! A condition d’être dans un certain état d’esprit – en somme, être prêt à vous laisser porter par sa façon morcelée et à peine dramatique d’évoquer une histoire de famille –, L’Amour qu’il nous reste vous donnera un aperçu insoupçonné du cinéma islandais. Bien qu’un ton décalé y fasse ponctuellement surface, on est tout de même loin ici de l’humour très décalé qui a fait la réputation de cette cinématographie du grand nord depuis une vingtaine d’années, voire plus pour les initiés.

Trois ans après son drame historique Godland, le réalisateur Hlynur Pálmason s’y intéresse aux petites failles de l’intime, avec de surcroît un goût prononcé pour les objets et les paysages, filmés sublimement.

L’échange entre les personnages y passe moins par la parole – les deux séquences loquaces y dénotent justement par leur tension plus ou moins manifeste – que par de petites routines du quotidien. Comme s’il ne restait plus rien d’essentiel à dire ni entre les parents vaguement séparés, ni entre les enfants, à cheval en termes d’âge entre la bêtise de l’enfance et la prise de conscience de l’adolescence. Tout ceci sans le moindre soupçon d’une gravité insurmontable. Plutôt avec un sens marqué de l’absurdité et de la vanité, qui vont de pair avec une temporalité narrative fortement instinctive. En dépit de quelques éléments passagers propres au cinéma fantastique peut-être pas tout à fait à leur place, c’est avant tout un regard sans prétention sur la vie aussi belle que banale qui prévaut ici.

© 2025 Still Vivid / Snowglobe / Maneki Films / Film I Vast / arte France Cinéma / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Synopsis : Fraîchement séparée de son mari Maggi, Anna cherche à percer enfin en tant qu’artiste indépendante. Mais ses trois enfants, le chien familial Panda et un coq qui exerce son règne de terreur sur le poulailler l’empêchent de s’y consacrer pleinement. Ainsi, c’est plus son atelier à ciel ouvert en face d’un glacier qui enthousiasme un galeriste venu prospecter que ses œuvres de rouille sur toile. De même, quand il n’est pas en mer pour subvenir aux besoins de sa famille, Maggi ne sait plus trop à quoi s’en tenir avec sa situation privée devenue de plus en plus intenable et insondable.

© 2025 Still Vivid / Snowglobe / Maneki Films / Film I Vast / arte France Cinéma / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Sur le coup, en les voyant apparaître sur grand écran, il y a des images qui nous interpellent. Pour L’Amour qu’il nous reste, à l’esthétique visuelle brillamment travaillée, la première et sans doute aussi la plus marquante arrive extrêmement tôt. Dès le début du quatrième long-métrage de Hlynur Pálmason, c’est celle d’une maison, à l’abandon et vide à l’intérieur, à laquelle le toit est arraché avec fracas par une grue. Quel impact symbolique le réalisateur cherche-t-il à produire à travers cette première impression étonnante ? Si vous vous obstinez à vouloir tout interpréter et comprendre au fil des près de deux heures que dure ce film, vous risquerez de faire inexorablement fausse route. En effet, le cahier de charges dramatique du récit se limite essentiellement à un jeu d’associations très libre, qui ne cherche nullement à reproduire les repères d’une forme narrative plus conventionnelle.

Plutôt que de chercher à anticiper dans quelle direction cette histoire de famille avancera, il y convient donc de se laisser guider sans le moindre préconçu par un mélange d’images et de sons dépourvu d’une trame à la logique préétablie. Ainsi, quand des événements plus dramatiques y surviennent, ils s’apparentent presque à un rappel ironique d’un stade basique du mélodrame dont la mise en scène de Hlynur Pálmason a su d’emblée s’affranchir. Avec en plus l’effronterie enjouée de passer à autre chose sans s’attarder. L’éternel cercle vertueux qui en résulte nous renvoie à cette formidable sensation initiale d’une découverte sensorielle, sans cesse renouvelée.

© 2025 Still Vivid / Snowglobe / Maneki Films / Film I Vast / arte France Cinéma / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Avec tant de points positifs, il nous peine tout de même un peu de soulever également des aspects plus discutables de cette mosaïque filmique. Nullement réaliste, grâce à son récit qui fait complètement fi d’une linéarité dans le temps et l’espace, le scénario a en effet jugé bon d’introduire à deux reprises des parenthèses à caractère fantastique. Tandis que l’on apprécie encore la citation directe de L’Étrange créature du lac noir de Jack Arnold, ce qui suit nous paraît déjà plus douteux. Est-ce un cauchemar ou le symbole d’une mauvaise conscience de tueur d’animaux ? Mystère ! De même pour cet autre début de séquence proche du thriller sanguinaire, qui bascule sans crier gare vers un vocabulaire filmique que l’on s’attendrait plutôt de trouver chez Bertrand Mandico.

Ce n’est pas tant le fait qu’ils dénotent au sein d’un film d’ores et déjà très libre dans ses choix d’expression cinématographie qui nous dérange, mais leur redondance ou en tout cas leur inutilité narrative. Jusque là, la vie d’Anna et des siens se déroulait dans un joyeux désordre au fil des saisons. D’ailleurs, comme souvent dans les films islandais, il fait beau et jour bien trop longtemps dans L’Amour qu’il nous reste par rapport aux conditions de vie pas toujours faciles sur cette île nordique. Or, par l’absence même de quelque conséquence que ce soit de ces deux instants de digression vers le fantastique, ils demeurent hélas dépourvus de sens. Quoique pas dépourvus de justification, puisque toute la magie filmique de cette mise en abîme permanente consiste précisément à nous laisser créer nos propres associations et explications, s’il en faut absolument.

© 2025 Still Vivid / Snowglobe / Maneki Films / Film I Vast / arte France Cinéma / Jour2fête Distribution Tous droits réservés

Conclusion

Quel démarrage personnel réussi pour notre couverture de la 16ème édition du Festival de La Roche-sur-Yon ! Les quelques réserves évoquées à l’instant mises à part, L’Amour qu’il nous reste fait partie de ces œuvres qui ne paient pas de mine à première vue, mais qui savent pertinemment transmettre la vision de leur réalisateur. Pour Hlynur Pálmason, ce serait une capacité prodigieuse de trouver une beauté transcendante même dans les motifs et les situations les plus banals. Avec en prime le cadeau si rarement fait au public, de ne surtout pas nous prendre par la main, mais au contraire de nous inciter à trouver nos propre repères et fils rouges dans ce kaléidoscope fabuleux.

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