La Part des Anges

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La Part des Anges (The Angels' Share)

La Part des Anges affiche du filmLa Part des Anges

France, Grande-Bretagne : 2012
Titre original : The Angels’ Share
Réalisateur : Ken Loach
Scénario : Ken Loach
Acteurs : John Henshaw, William Ruane, Gary Maitland
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h41
Genre : Comédie Dramatique
Date de sortie : 27 juin 2012

Globale : [rating:4][five-star-rating]

Pour sa 17ème participation au Festival de Cannes en 42 ans, Ken Loach y a obtenu il y a un mois sa 5ème récompense (et même un peu plus si on prend en compte des prix tels que le Prix du Jury Œcuménique) : un Prix du Jury qui est resté an travers de la gorge d’un certain nombre de critiques qui reprochaient à ce film d’être un Ken Loach mineur et d’avoir plus ou moins usurpé un trophée qu’ils pensaient destiné à des œuvres plus charpentées (disaient-ils !). En réalité, La part des anges est loin d’être un film mineur, et, de toute façon, un film fut-il mineur de Ken Loach est toujours plus intéressant qu’un film prétentieux de … à vous de choisir le nom du ou des réalisateurs.

Synopsis : A Glasgow, Robbie, tout jeune père de famille, est constamment rattrapé par son passé de délinquant. Il croise la route de Rhino, Albert et la jeune Mo lorsque, comme eux, il échappe de justesse à la prison mais écope d’une peine de travaux d’intérêts généraux. Harry, l’éducateur qu’on leur a assigné, devient alors leur nouveau mentor en les initiant secrètement… à l’art du whisky ! De distilleries en séances de dégustation huppées, Robbie se découvre un réel talent de dégustateur, bientôt capable d’identifier les cuvées les plus exceptionnelles, les plus chères. Avec ses trois compères, Robbie va-t-il se contenter de transformer ce don en arnaque – une étape de plus dans sa vie de petits délits et de violence ? Ou en avenir nouveau, plein de promesses ? Seuls les anges le savent.

La Part des Anges

Sérieux et drôle à la fois

C’est avec une scène totalement désopilante que débute La part des anges : le cerveau embrumé par l’alcool, un jeune homme n’arrive plus trop à choisir entre le quai d’une petite gare écossaise et la voie ferrée ; alors qu’un train va arriver, une voix mi-céleste, mi-humaine sort du haut-parleur de la gare et commence à nouer un dialogue avec le pochard. Quelques minutes de pure hilarité ! Toutefois, très vite, le Ken Loach « cinéaste du social » reprend ses droits par rapport au Ken Loach « cinéaste de la comédie » et le film se tourne vers un ensemble de sujets beaucoup plus sérieux : le chômage des jeunes, la délinquance, les travaux d’intérêt général. En fait, on réalisera à la fin du film que, dès les premières minutes, le réalisateur anglais a donné le ton de ce que sera La part des anges : un film qui traite sérieusement de sujets sérieux tout en distillant à intervalles plus ou moins réguliers des scènes cocasses, voire franchement drôles.

La rédemption par le whisky

Même si, comme William Shakespeare, Ken Loach est originaire du Warwickshire, en plein centre de l’Angleterre, il a souvent tourné ses films en Ecosse. La présence à ses côtés de son scénariste Paul Laverty, né de père écossais, y est certainement pour quelque chose mais la chaleur humaine, l’humour, cette appétence pour la solidarité qui se dégagent de cette terre pleine de rudesse sont loin, soyons en sûr, de déplaire à Ken Loach. Un Ken Loach qui constate qu’au Royaume Uni, on vient de dépasser le million de chômeurs chez les jeunes : plus de 20 % de cette catégorie d’âge n’a pas de travail. Un Ken Loach qui n’aura pas manqué de remarquer que, dans le même temps, le Premier Ministre anglais se vante face au monde entier d’avoir baissé le taux d’imposition des plus riches. Ecosse, donc whisky, chômage des jeunes, donc délinquance, il ne reste plus à Ken Loach et à Paul Laverty qu’à broder sur cette base de départ : un quatuor, trois garçons, Robbie, Albert, Rhino, une fille, Mo ; ils font connaissance en exécutant des travaux d’intérêt général sous la houlette de Harry, un éducateur particulièrement serviable et plein de générosité. La visite d’une distillerie de whisky organisée par Harry va donner au quatuor l’idée d’une arnaque plutôt juteuse en terme de profit. Une arnaque facilitée par le don que s’est découvert Robbie : il a le nez et le palais d’un excellent dégustateur ! Les pieds nickelés Robbie, Albert, Rhino et Mo vont-ils réussir leur coup ? Quelque peu Robins des Bois également, ces quatre là, même si la comparaison peut paraître osée : en effet, s’ils cherchent à prendre aux riches pour donner aux pauvres, en l’occurrence, les pauvres, ce sont eux ! La rédemption peut-elle passer par un délit ?

La Part des Anges

Naïf ? Utopique ? Réjouissant !

Retrouvant la veine mi-sociale, mi-comique de Riff Raff, retrouvant plus encore que dans Looking For Eric une forme d’optimisme qu’on avait cru définitivement perdue avec It’s a Free World, Ken Loach repart au combat : les méchants ne sont pas forcément ceux qu’on croit, on croise plus souvent la bonté et la générosité parmi les petites gens que dans les grosses fortunes, etc. Avec ce côté plutôt manichéen et cette forme d’angélisme, il donne des verges pour se faire battre aux adeptes d’un cinéma de combat et à celles et ceux qui se pâment devant les répliques absconses de Cosmopolis. En fait,une fois de plus, on ne peut s’empêcher de comparer Ken Loach à Robert Guédiguian : tout comme Les neiges du Kilimandjaro, La part des anges va probablement être taxé par certains de naïveté et d’utopisme. Eh bien oui,que voulez vous, ils sont comme ça Ken Loach et Robert Guediguian : bien souvent, emportés par leurs convictions, cherchant à nous montrer le monde tel qu’ils voudraient qu’ils soient et non tel qu’il est, ils se laissent aller à … nous faire plaisir. Voir des gens capables de dépenser plus d’un million d’euros pour un fut de whisky exceptionnel se faire arnaquer, il n’est pas interdit d’y prendre plaisir ! Voir un tel individu ne pas même être capable de constater, en le dégustant, que du whisky banal a été mélangé avec ce whisky exceptionnel, n’est-ce pas réjouissant ? Bien entendu, et cela n’étonnera personne venant de Ken Loach, cet homme riche mais sans culture est … américain ! « La terre appartient à celui qui la travaille » avait dit le mexicain Emiliano Zapata ; et si la morale de La part des anges était « le bon whisky appartient à celui qui sait le reconnaître ».

Résumé

Ken Loach a deux spécialités, le cinéma social et la comédie. Finalement, c’est lorsqu’il marie les deux qu’il nous octroie ses meilleurs films. Dans La part des angescette partie d’un alcool qui s’évapore pendant son vieillissement en fût, le spectateur a droit à sa part de rêve. A mi chemin entre fable et réalité, ce film fait rire souvent tout en dégageant une énergie bien venue par les temps qui courent.  

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