Festival de Cannes 2013 : bilan du cinéphile

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(c) 2013 - Nicolas Balazard

Cannes 2013 vu depuis le monde des cinéphiles

À Cannes, l’accréditation « cinéphile » ne donne pas droit aux paillettes et à la montée des marches de ce que les cannois appellent le bunker, mais elle permet, moyennant des queues le plus souvent très longues et, cette année, parfois très arrosées, de voir une cinquantaine de films en 10 jours. Pour quel bilan ? Osons dire que l’année 2013 ne fera pas partie pour moi des grands crus, avec trop de films au scénario quasiment inexistant ou mal travaillé, d’où plein de scènes de remplissage pour arriver au bout, trop de films au sujet fort intéressant mais gâchés par un montage calamiteux. Le bilan est particulièrement désolant en ce qui concerne la Sélection Officielle, probablement la plus médiocre de l’histoire du Festival. Personnellement, je l’avais pressenti dès l’annonce de cette sélection : malheureusement, mon inquiétude s’est trouvée confirmée par les faits. Certes, il m’a manqué 4 films sur les 20 en compétition mais je ne pense pas que ces 4 films, dont un seul est au palmarès, aurait pu inverser cette triste tendance.

 

(c) 2013 - Nicolas Balazard
(c) 2013 – Nicolas Balazard

 

Le Palmarès

Concernant le palmarès, le jury a fait ce qu’il a pu avec ce qu’on lui a proposé.

La Palme d’Or ? Il y a dedans de très bonnes choses, mais tant qu’on n’aura pas offert une paire de ciseaux à Kechiche, il continuera à gâcher ces « bonnes choses » par des scènes qui n’en finissent pas. Avec des scènes ayant la bonne longueur, on arriverait à un film passionnant de 90 minutes au lieu des 3 heures qu’il inflige aux spectateurs ! Qui plus est, il a choisi de ne pas inclure dans son film des scènes tournées, des scènes parait-il très fortes  et qui manquent aux spectateurs. A noter que, parmi les cinéphiles, tout le monde avait rigolé face à la pluie de pronostics favorables à ce film de la part des critiques français, tout le monde avait apprécié les points forts du film (interprétation, en particulier), mais personne ne souhaitait le voir obtenir la Palme d’Or.

Le Grand Prix du Jury aux frères Coen ? Assez incompréhensible, ce film étant pour moi très décevant  alors que c’était celui que j’attendais avec le plus d’impatience, baignant depuis 50 ans dans la musique de Dave Van Ronk, de Dylan et de Tom Paxton (le chanteur appelé Troy Nelson dans le film, celui qui fait son Service militaire près de New York et qu’on entend chanter une de ses plus belles chansons, « The Last Thing on my mind »). C’est filmé très platement, le milieu folk new-yorkais du début des années 60 est évoqué de façon très maladroite, seules surnagent les interprétations de 3 ou 4 chansons, grâce à la présence de T-Bone Burnett sur la partie musicale du film.

Le Prix du Jury à « Tel père, tel fils » du japonais Hirokazu Koreeda ? C’était le préféré de nombreux cinéphiles, ce n’était pas du tout le mien. En fait, je m’ennuie systématiquement à tous les films de Koreeda et chaque fois, je lui en veux d’arriver à un tel résultat avec des sujets très forts et très intéressants : je trouve que, comme Kechiche, il ne sait pas terminer ses scènes au moment qui, pour moi, serait le plus opportun, d’où mon ennui profond.

Le prix d’interprétation masculine à Bruce Dern pour sa prestation dans « Nebraska » ? Un prix tout à fait mérité et qui, en plus, permet à ce qui a été, pour moi, le seul film vraiment réussi de la sélection, d’apparaître au palmarès : un film émouvant, drôle, très bien interprété, un noir et blanc magnifique et, et, et … un montage quasiment parfait, avec des scènes qui durent pile poil le temps qu’il faut. Un grand petit film, mais à côté de la prétention affichée par de nombreux autres, cela lui permet d’être, pour moi, et de loin, le meilleur film de ce tout petit cru (en tout cas, de ce que j’en ai vu !).

Le prix d’interprétation féminine à Bérénice Bejo : loin d’être usurpé (Cela rattrape en tout cas l’injustice de 2011 : Prix d’interprétation masculine donné à un Dujardin pas franchement convaincant dans « the Artist », rien pour Bérénice Bejo qui, elle, méritait largement le prix d’interprétation féminine). Toutefois,  on peut penser que « Le passé », même imparfait,  méritait davantage la Palme d’or  que « la vie d’Adèle » et cette inversion aurait permis de donner un prix d’interprétation féminine tout à fait mérité à Adèle Exarchopoulos.

Le Prix du scénario à « A touch of sin » du chinois Jia Zhang Ke ? Pas vu.

Le prix de la mise en scène à « Heli » du mexicain Amat Escalante ? Figurez vous qu’avant de voir « Nebraska », vers la fin du festival, j’en étais presque, vue la médiocrité du reste, à donner ce film comme mon favori pour la Palme d’Or. Et pourtant, ce n’est pas le film du siècle ! Alors, un prix pour la mise en scène, pourquoi pas …

En tout cas, on en sera gré au jury de ne rien avoir attribué à « Only God Forgives » et à « ma vie avec Liberace », c’est déjà ça!

La Caméra d’Or à « Ilo Ilo » ? Bof ! Là aussi un réalisateur qui n’arrive pas à réussir un excellent film à partir d’un excellent sujet. Quand on pense que concourraient pour la Caméra d’Or un bijou comme « les garçons et Guillaume, à table » de Guillaume Gallienne et de très bons film comme « Fruitvale Station » et « La jaula de Oro », ce choix est assez incompréhensible.

(c) 2013 - Nicolas Balazard
(c) 2013 – Nicolas Balazard

Les autres sélections

Terminons en évoquant brièvement les sélections parallèles : des sélections un peu moins catastrophiques que la sélection officielle, mais 2013 restera quand même pour moi le Festival le plus médiocre  auquel il m’ait été donné d’assister depuis plus de 30 ans. Une bonne nouvelle, toutefois : parmi la cinquantaine de films que j’ai vus, les 2 films les plus inventifs et les plus frais étaient français : le film de Guillaume Gallienne, déjà cité, et « 2 automnes 3 hivers » de Sébastien Betbeder (un film présenté dans la sélection ACID, une sélection de plus en plus intéressante). On retiendra par ailleurs un excellent film canadien présenté à la Semaine de la Critique : « Le démantèlement » de Sébastien Pilote ; « The Lunchbox », un petit bijou qui nous vient de l’Inde (Semaine de la Critique) ; « les amants du Texas », Semaine de la Critique également ; « Henri », le 2ème film de Yolande Moreau, présent à la Quinzaine des Réalisateurs ; « Wajma », un film afghan de la sélection ACID ; « La bataille de Solférino », autre bon film français de la sélection ACID ; cinq films présentés à Un Certain Regard : « Omar », très bon film palestinien, « Wakolda », film argentin, « Fruitvale Station », un très bon premier film de l’américain Ryan Coogler, « La jaula de oro » en provenance du Mexique et « My Sweet Pepper Land » de Hiner Saleem, ou comment réaliser un western dans le Kurdistan irakien du 21ème siècle. On notera que ces 5 films présentés à Un Certain Regard ont été sélectionnés par les mêmes qui ont confectionné la Sélection Officielle : on aurait préféré la présence de ces 5 films en compétition officielle à la place de certains des films choisis pour la compétition !

(c) 2013 - Nicolas Balazard
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