Critique : Femmes femmes

0
1328

Femmes femmes

France, 1974
Titre original : –
Réalisateur : Paul Vecchiali
Scénario : Noël Simsolo et Paul Vecchiali
Acteurs : Hélène Surgère, Sonia Saviange, Michel Delahaye
Distribution : Shellac
Durée : 2h02
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 11 février 2015 (reprise)

Note : 3/5

Le réalisateur Paul Vecchiali n’a pas volé son surnom de « franc-tireur du cinéma français », qui sert de titre à une rétrospective en deux parties de ses films pendant ce premier trimestre 2015. Car un film de Vecchiali ne ressemble à rien de connu. C’est à la fois pour le spectateur la découverte incessante de ruptures volontaires de ton et pour l’artiste l’expression inconditionnelle d’une vision personnelle des choses à exprimer par le biais du cinéma. De nombreuses influences filmiques traversent son œuvre. Or, aucune d’entre elles ne résiste à cet état d’esprit frondeur, qui procède à une déformation systématique des canons de la narration et des genres pour aboutir à de curieux objets filmiques. Ceux-ci peuvent parfois déconcerter, mais ils sont invariablement animés par une intransigeance passionnante.

Synopsis : Les actrices Hélène et Sonia vivent ensemble dans un appartement dans le quartier de Montparnasse. Tandis que la première a fait une croix sur sa carrière et reste enfermée chez elle, tout en contribuant aux besoins financiers du ménage à travers ses travaux de couture, la deuxième suit imperturbablement sa vocation de comédienne, même si les rôles importants se font de plus en plus rares. Les deux femmes se soutiennent mutuellement dans leurs joies et leurs peines, qui se laissent affronter le mieux avec un verre de champagne à la main.

Champagne pour tous

Au fil de Femmes femmes, il a beau y avoir des citations de Chabrol, Bresson et Demy, ainsi que de nombreuses photos d’actrices plus ou moins connues qui entrecoupent le récit, c’est avant tout un film fidèle à l’univers de Paul Vecchiali. Dans celui-ci, les personnages ont tôt ou tard recours à l’alcool, comme refuge ultime des laissés-pour-compte tout en bas de l’échelle sociale. Ici, le champagne coule certes à flots, dès les premiers plans du film qui ont été choisis pour le représenter dans le cadre de la bande-annonce globale de ce premier volet de la rétrospective soigneusement concoctée par le distributeur Shellac. Mais la gaieté qu’il inspire est régulièrement démasquée comme fragile, voire mensongère dans le quotidien de plus en plus morne de ces deux actrices vieillissantes. Curieusement, ce sont surtout les personnages féminins qui se consolent avec lui, d’une façon jamais plus tristement tragique que dans le bar où Sonia s’est rendue afin de regarder sa dernière interprétation à la télévision, pendant que les hommes affichent une drôle de supériorité intellectuelle à son égard, soit en tenant un long discours sur les différentes pathologies causées par son abus dans le cas du médecin, soit en prêchant sur les bienfaits de l’abstinence par l’alcoolique anonyme. Il n’empêche que l’omniprésence de cette drogue du pauvre convient parfaitement au regard mi-absurde, mi-glauque que le réalisateur paraît porter sur la société française.

Happy end ou pas

Outre sa façon décalée de voir le monde, c’est l’immense liberté de ton qui nous a intrigués dans ce quatrième long-métrage signé Paul Vecchiali. Il ne s’agit ni d’une pièce de théâtre, ni d’une comédie musicale. Et pourtant, la mise en scène assemble des éléments de ces genres à peu près compatibles pour déboucher sur un film proprement inclassable. Les deux actrices principales, Hélène Surgère et Sonia Saviange, se prêtent sans réserve à ce jeu plutôt radical d’une montagne russe des états d’âme et des formes d’expression. Alors que leur relation ambiguë pouvait au début nous rappeler celle au centre de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? de Robert Aldrich – un repère cinématographique sans doute assez frais au début des années 1970 –, elle traverse par la suite une série vertigineuse de transformations. Le dénouement de cette camaraderie désabusée entre femmes est à l’image du film dans son ensemble, c’est-à-dire bluffant dans son passage du rire au larmes, quoique toujours un peu trop tiré en longueur. Ce n’est en effet qu’à la troisième tentative que la narration donne le coup de grâce à ces épaves attachantes, après des hauts (la rentrée miraculeuse d’argent) et des bas (la chanson triste que Hélène entonne en peignant les cheveux de Sonia) qui auraient fourni une conclusion pas forcément moins poignante.

Conclusion

Nous avons malheureusement raté l’essentiel de cette première partie de la rétrospective de Paul Vecchiali. Une lacune d’autant plus regrettable que son cinéma correspond parfaitement à nos sympathies envers une approche franche et sans complaisance, ni misérabilisme de sujets sociaux épineux. Cette comédie étrange nous a par conséquent donné une envie brûlante de rattraper le coup lors des prolongations, qui devraient avoir lieu à partir du mois de juillet.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici