FEFFS 2015 : jour 4, vous reprendriez bien un peu de compote de pommes avec votre oreille ?

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Au programme du compte-rendu du jour, l’humour new-yorkais meets le gore (Applesauce), un film français riche en mystères (Ni le ciel ni la terre) et des enfants en danger et/ou dangereux (Emelie et L’Autre).
La section Crossovers, films à la lisière du fantastique (signalons au passage que certains films en compétition peuvent prétendre à cette case) accueille notamment Applesauce (3/5), nouvelle comédie de et avec Onur Tukel, barbu généreux (tant pour la barbe que pour le tempérament) qui aime à se déprécier devant la caméra avec des scénarios qui ne le montrent pas sous son meilleur profil, autant physiquement que moralement. Son «héros» est un séducteur improbable (voir Woody Allen) et un misanthrope (voir Larry David) confronté à des envois anonymes de… morceaux de corps humain. À travers les angoisses et les actes égoïstes de son double à l’écran, il signe une charge brillante, drôle et pertinente, sur la paranoïa à grande (l’Amérique a peur) et petite échelles (l’Américain est perdu). Critique détaillée ici ou compte-rendu de sa participation au Champs-Elysées Film Festival . Pour les lecteurs circonspects face à la découverte de la phrase « vous reprendriez bien un peu de compote de pommes avec votre oreille ? » en titre de ce compte-rendu, elle s’applique à ce film…

Paranoïa encore avec Ni le ciel ni la terre (3/5) qui permet au strasbourgeois Clément Cogitore de signer un croisement entre le film de guerre contemporain et le décalage fantastique, où la peur de l’autre dans un territoire instable crée des tensions autant au sein des militaires que parmi les populations locales. En jeune officier confronté à des éléments sur lesquels il semble n’avoir aucune prise, Jérémie Renier domine la distribution sans emphase et dirige une troupe de jeunes acteurs dont les personnages sont un peu frustrants, manquant un peu trop de caractérisation pour nous impliquer totalement à leur sort. Malgré cette petite réserve, il s’agit d’un bel exemple de cinéma de genre à la française, original et prometteur qui sort en salles dès la semaine prochaine, le 30 septembre.

Emelie de Michael Thelin (1,5/5) démarre plutôt très bien mais comme le spoile déjà la note entre parenthèses, on déchante ensuite. Une jeune femme marche dans la rue en plein jour, discutant nonchalamment au téléphone lorsqu’une voiture sombre s’arrête à son niveau. Et là, hop, kidnappée, comme ça, sans témoin. Dans la continuité du plan, un garçon passe à bicyclette et se rend chez lui, jette un sac dans une cabane dans son jardin qui jouxte la maison où se passera l’essentiel de l’action avec l’un des passagers de la voiture qui fera subir une Nuit d’enfer à trois enfants. Le cadre est bien posé et l’on sait déjà que mauvaises sont les intentions de la baby-sitter qui les gardera alors que leurs parents sortent au restaurant fêter leur treizième anniversaire de mariage. La construction de la phrase précédente est sponsorisée par Yoda (rien à voir). Sarah Bolger (The Moth Diaries, The Lazarus Effect) est impressionnante dans le rôle-titre, notamment dans la première partie qui fait plutôt illusion notamment grâce à la cassette inattendue qu’elle fera découvrir aux enfants pour passer le temps ou à un cas sévère de maltraitance animale. Mais très vite, les intentions d’Emelie deviennent confuses, non dans le but final, sans détour mais dans le chemin qui mène à la conclusion de son acte dément. Certes, elle n’est pas nette psychologiquement et peut se perdre dans son plan bien rodé mais les rebondissements sont plutôt dignes d’un Jeudi de l’angoisse de M6 (formule très juste empruntée à un festivalier) que d’une salle de cinéma. Autant revoir les déjà moyens La Nurse, La Main sur le berceau ou d’autres divertissements cousins aux ambitions modestes qui fonctionnent néanmoins bien mieux. Le réalisateur semble reculer et ne pas oser aller là où son récit devrait l’emporter, ce qui est toujours une marque de faiblesse pour un auteur digne de ce nom. Un reproche impossible à faire au film suivant, un chef d’oeuvre de l’horreur présenté dans le cadre de la rétrospective Kids in the dark.

Robert Mulligan, disparu en 2008, est l’un de ces grands noms du cinéma américain qui se perdent parfois dans les pages d’histoire de la cinéphilie. Sa filmographie est riche de quelques vraies pépites souvent marquées du poids de l’enfance, du mensonge et de l’acceptation du changement, de la vie à la mort, de la jeunesse à l’âge adulte. On lui doit Le Roi des imposteurs avec Tony Curtis, deux des plus belles performances de Steve Mc Queen (Une Certaine Rencontre, Le Sillage de la Violence), Du Silence et des Ombres, l’étonnant The Pursuit of Happiness, le sensuel Un été 42 ou Un été en Louisiane qui révéla Reese Witherspoon. C’est autour de la représentation de l’enfance et de la jeunesse qu’il signe ses œuvres les plus fortes, l’âge des découvertes semblant l’inspirer plus que tout autre sujet qui pourrait cacher cet aspect là. Sans trop en dévoiler pour ne pas gâcher la force de la découverte de cette œuvre rare, L’Autre (5/5) est une œuvre portée par la mort, le deuil, l’acceptation du pire, dans une atmosphère stylistique qui annonce celle de Pique-Nique à Hanging Rock. Situé dans une petite bourgade de l’Amérique en 1935 où plane encore le souvenir du «crime du siècle» (le kidnapping du bébé Lindbergh), ce drame sans concession ne cède rien de son propos d’autant plus horrifique qu’il est terriblement réaliste malgré l’ambiance étrange et son parfum d’irréalité faussement douce. Les frères jumeaux Chris et Martin Udvarnoky sont glaçants, surtout le premier dans son incapacité à accepter la vérité cachée trop bien par sa grand-mère, la tragédienne de théâtre Uta Hagen, beaucoup trop protectrice jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour en être autrement. C’est lorsqu’il ose aller aussi loin que le cinéma fantastique trouve ses lettres de noblesse, non dans un jusqu’au-boutisme gratuit mais dans l’audace d’assumer l’indispensable intransigeance de l’histoire que l’on raconte. Plutôt que la bande-annonce, un brin trop révélatrice même si fidèle à l’atmosphère, une photo qui réunit Chris Udvarnoky et Uta Hagen.

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Encore au programme du jour : les excellents Tag de Sono Sion (3/5), où la revanche des femmes dans un cadre inattendu et They look like people de Perry Blackshear (3,5/5), beau plaidoyer de la confiance dans l’amitié (film relativement peu fantastique, pour le moins, mais porté par une grande force et assez émouvant) et le plus moyen Deathgasm de Jason Lei Howden (2/5) qui souffre de n’être qu’un ersatz de Evil Dead et Shaun of the Dead en moins inoubliable, décent pour une séance de Minuit ceci dit. On revient sur ce trio dès que possible…

Pendant ce temps-là à Vera Cruz… David Huriot voit aussi des films de Strasbourg… mais pas aujourd’hui, hasard de la programmation…

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