« Ecriture dramatiques » de Michel Vinaver et l’analyse des dialogues dans un scénario

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Analyse de grands textes dramaturgiques

Dans son célèbre ouvrage « Ecritures dramatiques » paru aux éditions Babel, le dramaturge Michel Vinaver étudie une série de dialogues issus de grands textes littéraires, essentiellement des pièces de théâtre.

En compagnie d’une dizaine d’autres commentateurs, Michel Vinaver analyse entre autres cette impressionnante série d’œuvres : La danse de mort d’August Strindberg, Le Barbier de Séville de Beaumarchais, La Seconde surprise de l’amour de Marivaux, Phèdre de Racine, Les trois soeurs de Tchékhov, Hamlet de Shakespeare, Fin de Partie de Samuel Beckett, Le soulier de satin de Claudel, Vous qui habitez le temps de Valère Novarina, Le Balcon de Jean Genêt, Du sang dans le cou du chat de Fassbinder, Combat de nègre et de chiens de Bernard Marie Koltès, Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, etc.

Au total, le livre compte pas moins de 28 analyses de dialogues. Sans plaider pour une stricte méthode d’analyse, ni pour une typologie des formes de dialogue, l’ensemble de ces analyses au plus près du texte s’avèrent très utiles pour les auteurs et autrices qui souhaitent écrire un scénario, en dressant une sorte de panorama des possibles, une collection d’exemples.

Les enseignements pour écrire un dialogue

Des analyses de Michel Vinaver, les scénaristes et autres écrivains peuvent en effet tirer de nombreux enseignements, à travers des concepts qui émergent du décorticage des dialogues.

Le bouclage

On parle de bouclage, quand un thème est introduit dans les dialogues, disparait, réapparait, reste présent en filigrane, puis finit par se délier.

On en trouve un exemple dans l’analyse de l’ouverture de la pièce Combat de nègre et de chiens de Bernard Marie Koltès, où un des personnages principaux, Alboury, annonce d’entrée la couleur : « Je suis Alboury, monsieur ; je viens chercher le corps (…) » Ce personnage qui est en fait le frère africain d’un ouvrier de chantier mort dans des conditions sordides, vient réclamer le corps au responsable du chantier, un européen nommé Horn. Or Horn, dans chaque conversation où il sera question de ce drame, cherchera systématiquement à noyer le poisson, à parler d’autre chose, alors même que le coeur de la pièce tient à cette demande de récupération du corps du frère mort, pour l’enterrer dignement, comme dans certaines tragédies grecques.

Ainsi, à la demande d’Alboury, Horn répond sans répondre, par une question : « C’est la police, monsieur, ou le village qui vous envoie ? » Et Alboury réitère, avec le thème central du dialogue : « Je suis Alboury, venu chercher le corps de mon frère, monsieur. »

Cet objectif va hanter de nombreux dialogues au fil de la pièce, et revenir en boucle jusqu’à sa résolution : après avoir obstinément refusé de répondre à Alboury, Horn va en discuter avec sa femme et avec son contre-maître, tandis qu’Alboury est contraint à patienter en silence.

L’écho

L’écho est un procédé d’écriture des dialogues par lequel un personnage reprend à peu près mot pour mot les paroles d’un autre, mais souvent en le déformant quelque peu ou en changeant le sens du message.

Ainsi, dans Hamlet de Shakespeare, la Reine dit à Hamlet « Hamlet, tu as ton père fort offensé », et Hamlet lui répond du tac au tac : « Mère, vous avez mon père fort offensé ». La saveur de ce dialogue tient à l’ambiguité du mot « père » : pour la Reine, ce terme désigne le nouveau Roi, qui a remplacé le père d’Hamlet, assassiné. Pour Hamlet, il désigne son vrai père.

Cette technique de l’écho continue au fil du dialogue. La Reine dit à Hamlet : « Viens, viens ! Tu réponds d’une langue oiseuse. » Et Hamlet réplique « Allons, allons, vous questionnez d’une langue vicieuse. » En effet, Hamlet pense que le Roi actuel a commandité l’assassinat de son père, et qu’en se taisant, sa mère devient complice.

Dans la même scène, Hamlet tue Polonius, et ce meurtre fait également, en action, écho au meurtre de son père.

Conclusion

La lecture des 922 pages des Ecritures dramatiques de Michel Vinaver s’avèrera très inspirante pour les auteurs. Lire et comprendre de très près ces textes splendides imprègne les scénaristes, romanciers et dramaturges en les plongeant dans des styles de dialogues très divers, de l’absurde au logicisme, de la comédie à la tragédie, du conflit à l’harmonie.

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