De retour en salles au mois de mars 2022

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La Lettre inachevée © 1960 Mosfilm / Potemkine Distribution Tous droits réservés

En ces temps de grande incertitude géopolitique, le cinéma devra plus que jamais assumer son rôle de source d’évasion. Au mois de mars, côté cinéma actuel, ce sont surtout les films français qui s’en chargent. Ils le font en grand nombre, puisque la présence des productions hollywoodiennes se résume essentiellement à deux contes ténébreux de super-héros : The Batman de Matt Reeves dès ce jour, puis Morbius de Daniel Espinosa quatre semaines plus tard. Côté cinéma de répertoire, les cinq mercredis du mois sont plutôt passablement fournis, avec une quinzaine de films. Or, c’est une fois de plus la qualité et la rareté des ressorties qui prime sur une éventuelle surabondance, que même les cinéphiles nostalgiques les plus assidus ne pourraient pas regarder de manière exhaustive.

Deux cycles ou rétrospectives partielles sont donc au programme en ce début de printemps : la trilogie du polar asiatique par excellence Infernal Affairs et un retour en quatre films sur les premières années de l’illustre carrière de Jacques Doillon. En guise de supplément plus hétéroclite, vous pourriez de même revoir en salles des films assez peu exposés dans le passé de Mikhaïl Kalatozov, Francesco Rosi, Roberto Rossellini, Philippe De Broca, Carlos Saura et Sergio Corbucci.

Infernal Affairs © 2002 Basic Pictures / Media Asia Films / The Jokers Films / Les Bookmakers Tous droits réservés

De nos jours, tout le monde ou presque ne jure que par le cinéma asiatique. Cela ne fut pas toujours le cas, puisque des triomphes mondiaux de films comme Parasite de Bong Joon-ho ou Drive My Car de Ryusuke Hamaguchi auraient été impensables au début du siècle. Parmi les œuvres marquantes ayant permis à la conscience collective des spectateurs occidentaux d’évoluer figure sans aucun doute le polar diablement efficace Infernal Affairs de Andrew Lau et Alan Mak. Son influence fut telle, que son remake américain, Les Infiltrés de Martin Scorsese, avait remporté l’Oscar du Meilleur Film en 2007.

Toutefois, mieux vaut déguster sans modération l’affrontement original entre Andy Lau et Tony Leung dans ce jeu du chat et de la souris machiavélique entre un gangster et un flic, infiltrés de longue date. Cela sera possible dès le 16 mars, grâce à la ressortie de cette pièce maîtresse du cinéma de Hong Kong chez The Jokers / Les Bookmakers. Cerise sur le gâteau : en plus du film par lequel tout avait commencé, ses deux suites tournées l’année suivante, en 2003, et jamais sorties sur grand écran en France, pourront enfin être découvertes comme il se doit !

La Drôlesse © 1979 Jean-Denis Robert / Zazi Films / Les Productions de la Guéville / Lola Films / Gaumont /
Malavida Films Tous droits réservés

Délaissant temporairement son terrain cinématographique de prédilection – les films de l’Europe de l’Est, pour faire bref –, l’infatigable distributeur Malavida Films nous gâte encore une fois avec une rétrospective de choix ! Après celles consacrées ces deux derniers mois à Dusan Makavejev et Jiri Menzel, il revient à partir du 23 mars sur les premiers films du réalisateur français Jacques Doillon (* 1944). A bientôt 80 ans, ce dernier n’est certes plus un « jeune cinéaste ». Mais le titre de la rétrospective nous rappelle justement à quel point Doillon, dont le prochain film CE2 devrait parler de harcèlement scolaire, a toujours cultivé dans ses films un lien étroit avec les personnages enfants ou adolescents.

Sans aucune prétention d’exhaustivité, l’hommage partiel se conjuguera au fil de quatre films : deux des années 1970 et deux autres de la décennie suivante. Dans le premier long-métrage de Doillon, Les Doigts dans la tête, il est question d’une forme de rébellion douce d’un groupe de jeunes contre le monde des adultes, par voie de squat d’une chambre de bonne. Présenté en compétition au Festival de Cannes en 1979, La Drôlesse décrit le genre de relation ambigu qui ferait de nos jours grincer des dents les esprits bien-pensants. La Femme qui pleure est Dominique Laffin, l’actrice disparue bien trop tôt en juin 1985 et à qui son rôle dans le film de Doillon avait valu une nomination au César de la Meilleure actrice en 1980. Enfin, La Vie de famille ne tourne pas tout à fait rond dans ce film touchant du milieu des années ’80, porté par un Sami Frey, comme souvent en état de grâce.

Cette mini-rétrospective hautement passionnante devrait être complétée dès le mois prochain par la ressortie de Le Petit criminel chez Splendor Films. Puisque ce distributeur-là dispose également des droits de La Vengeance d’une femme et de Amoureuse, espérons que l’année 2022 sera l’année Jacques Doillon ! En effet, sa filmographie à fleur de peau mériterait tout à fait une redécouverte, plus de quinze ans après la rétrospective que la Cinémathèque Française lui avait dédiée en octobre 2006.

Chère Louise © 1972 Georges Pierre / Les Films Ariane / Compania Cinematografica Champion / TF1 Studio /
Warner Bros. Entertainment France / Les Acacias Distribution Tous droits réservés

A l’image de Jeanne Moreau qui porte son regard au loin dans Chère Louise de Philippe De Broca – un mélodrame plutôt méconnu de ces deux monstres sacrés du cinéma français, de retour en salles chez Les Acacias dès le 16 mars –, la petite dizaine d’autres reprises nous invite à venir découvrir des pépites en dehors des sentiers battus.

Et même en opposition frontale à l’ambiance russophobe qui court en ces temps de guerre en Ukraine, puisque un nouveau chef-d’œuvre du maître russe Mikhaïl Kalatozov, La Lettre inachevée, ressort dès aujourd’hui chez Potemkine, deux ans et demi après Quand passent les cigognes et six mois après Soy Cuba. D’une poésie filmique plus tournée vers le documentaire, Salvatore Giuliano de Francesco Rosi, Ours d’argent du Meilleur réalisateur au Festival de Berlin en 1962, s’est aussi refait une beauté en 4K chez Mary X Distribution, de même en salles ce jour.

Trois autres films de chevet de cinéphiles pointus à découvrir au cours du mois, entre le 9 et le 30 mars : le drôle de tableau sacré imaginé par Roberto Rossellini au début des années 1950 à travers Les 11 Fioretti de François d’Assise chez Carlotta Films, un regard à mi-chemin entre la petite et la grande histoire sur une Algérie tourmentée au moment de son ascension à l’indépendance dans Les Oliviers de la justice de James Blue chez L’Atelier Distribution, et enfin une variation plus légère sur les épreuves du néo-réalisme italien dans Deux sous d’espoir de Renato Castellani chez les Films du Camélia.

Rocky IV © 1985 Dave Friedman / Chartoff-Winkler Productions / United Artists / Metro-Goldwyn-Mayer / Park Circus
Tous droits réservés

Enfin, trois films plus grand public raviront les cœurs de fans du cinéma populaire des années 1960, ’80 et ’90. Le plus récent parmi eux, Ay Carmela de Carlos Saura, chez Karmafilms dès la fin du mois, a beau ne pas compter parmi les plus grands succès internationaux du réalisateur. En Espagne, la satire historique avec Carmen Maura avait pourtant raflé en 1991 pas moins de treize Goyas, l’équivalent ibérique de nos César ! Même sans rivaliser avec la popularité des westerns de Sergio Leone, Le Grand silence de Sergio Corbucci, chez Les Acacias dès le 30 mars, appartient depuis longtemps au panthéon du genre, ne serait-ce que grâce à l’affrontement tout en regards hantés entre les personnages de Jean-Louis Trintignant et Klaus Kinski, ainsi qu’à la bande originale signée Ennio Morricone.

Rocky Balboa est de retour. Il était d’ores et déjà remonté dans le ring en novembre dernier par l’intermédiaire de la ressortie de Rocky de John G. Avildsen – Oscar du Meilleur Film en 1977. Quatre mois plus tard, le distributeur Park Circus enjambe les deux premières suites afin de nous présenter directement le 16 mars prochain Rocky IV de Sylvester Stallon, en version director’s cut, s’il vous plaît. Or, puisque l’acteur-réalisateur était déjà entièrement responsable de son film en 1985, on pourra s’attendre au mieux à quelques modifications cosmétiques. Qu’à cela ne tienne, l’état d’esprit très manichéen de ce match au sommet entre l’idéologie américaine et soviétique résonnera sans doute différemment à présent que depuis la chute du rideau de fer à la fin des années ’80.

Les 11 Fioretti de François d’Assise © 1950 Osvaldo Civirani / Cineriz / Rizzoli Film / Carlotta Films Tous droits réservés

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