Dans le(s) monde(s) de Catherine Corsini

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Alors que « Trois Mondes » sort en salles ce 5 décembre, nous avions rencontré Catherine Corsini, la scénariste et réalisatrice du film, à l’occasion de la première présentation publique de celui-ci lors du dernier Festival de Cannes. L’occasion d’aborder quelques secrets de tournage, et d’en connaître un peu plus sur la façon de travailler de la réalisatrice. Retour sur l’interview :

Critique-Film : Comment avez-vous travaillé sur le scénario, principale force du film ?

Catherine Corsini : Dès le départ j’avais 3 personnages et je voulais raconter une histoire mêlant ces 3 points de vue en même temps. Trois acteurs différents : le coupable, le témoin, la victime. Ce qui m’intéressait c’était  de trouver les liens entre ces 3 personnes alors que je suis toujours fascinée par le fait que dans les grandes villes aujourd’hui beaucoup de gens passent leur vie à se croiser sans jamais vraiment se rencontrer.  J’aimais l’idée qu’à cause de cet accident il y aurait une sorte d’enchevêtrement de leurs vies.  Ces personnes seront obligées de se regarder et d’échanger. Sur la culpabilité, sur la valeur de l’argent…jusqu’à ce qu’on réalise que l’on porte la faute en soi. En fait, on y suit le parcours initiatique de quelqu’un qui ne voudrait pas voir, pas se voir, mais plutôt se fuir.

CF : D’ailleurs, comment cette idée de film vous est-elle venue ?

Catherine Corsini : Une amie m’a racontée un jour avoir vu quelqu’un devant elle se faire faucher par une voiture dont le conducteur a prit la fuite. Cela faisait écho à ma propre expérience puisque j’ai également été victime d’un accident de la sorte à 13 ans. Ce récit m’a donc interpellé et a attiré mon attention sur le monde d’aujourd’hui dans lequel plus personne ne prend le temps de rien. Et je me demandais  comment ces personnes qui n’ont pas pris le temps de s’arrêter après un accident peuvent elles vivre avec ça sans être tourmentées ou rattrapées par leur culpabilité?

CF : Votre histoire dépeint aussi toutes les couches sociales. De la femme de ménage au chef d’entreprise. Cette envie vous est-elle  venue tout de suite ou plus tard durant l’écriture ?

Catherine Corsini : Comme je vous l’ai dit, je voulais raconter 3 mondes. L’histoire de quelqu’un issu d’un milieu populaire qui tente de s’en sortir, et qui, le jour où il touche du doigt sa réussite sociale, a un accident qui va changer sa vie. Puis une histoire criante de vérité avec les sans-papiers à qui l’on demande presque de donner leur corps pour survivre. Et pour finir un monde de la parole, de la culture, dans lequel  les gens ne savent pas trop où se situer, où ils sont dans l’embarras, veulent aider sans toujours savoir comment. C’est un monde qui me concerne puisque je me retrouve souvent prise dans cette bulle de bons sentiments. Je voulais dès le début voir se confronter ces 3 mondes qui sont chacun très déterminés dans le sens où on pense que chaque personne de chaque catégorie a une vie bien tracée, alors qu’un accident par exemple peut faire changer le regard des personnes de chaque monde sur les autres.

CF : A cause de ce choix de narration, était-ce un film facile à monter ?

Catherine Corsini : C’était difficile car traitant d’un sujet assez noir malgré une sorte de rédemption finale. De plus, je ne voulais pas prendre d’acteurs très connus ce qui fut également un handicap face à ce star system du cinéma d’aujourd’hui. Mais prendre des jeunes acteurs était une nécessité pour moi, j’ai travaillé de manière très forte avec eux et ils étaient très disponibles. Avec  tous les films que je fais, je prends chaque fois  le risque que ce soit difficile et pourtant le film se fait toujours. Mais c’est ce qui donne de l’adrénaline et du challenge, de l’envie. La difficulté réside surtout dans le fait qu’ici, personne ne sait vraiment ce qu’il ferait si ça lui arrivait d’être responsable de la mort de quelqu’un…

CF : Pour le casting justement, c’est vous qui avez choisi tous les acteurs ?

Catherine Corsini : Oui. J’ai rencontré beaucoup de jeunes acteurs mais Raphaël  (Personnaz) m’a complètement séduite par rapport à son côté très sérieux. Quant à mon actrice, je l’avais vu dans plusieurs films dans lesquels je l’avais beaucoup aimé. Elle fait passer beaucoup d’émotions sur son visage tout en restant dans la retenue. Elle n’est pas attendue comme une victime présumée dans le film, elle reste très originale dans sa manière d’être.

CF : Quelles ont été vos influences pour ce film ?

Catherine Corsini : J’ai beaucoup pensé aux films américains, à ceux de James Grey par rapport à l’enfermement familial. J’ai aussi pensé à Hitchcock durant mes plans dans l’hôpital par exemple. Comment les gens se suivent, se regardent, l’un derrière l’autre, comme dans les bonnes poursuites de chez Hitchcock qui mélangent la notion de danger et d’érotisme entre ses protagonistes.

CF : Votre scénario est très américain justement dans sa construction.

Catherine Corsini : Oui. Comme eux, il a été long a écrire, plus d ‘un an et demi avec plusieurs versions. Un scénario américain, c’est là où je voulais aller. Une histoire tendue, tenue, dans laquelle chaque événement amène un rebondissement spécial, qui permet de faire avancer l’ensemble en incluant sans cesse de nouveaux personnages. Même si ce n’est pas un film où il n’y a que de l’action, il fallait que cela reste haletant avec de nouveaux éléments à chaque fois.

CF : A ce propos, c’était primordial pour vous et pour l’histoire que le personnage de Julie (Clothilde Hesme) soit enceinte ?

Catherine Corsini : Non, ce n’était même pas présent dans la 1ère version de mon histoire. Mais Clothilde m’a annoncé avant de tourner qu’elle était enceinte. J’ai eu peur que cela se voit à l’écran mais je ne voulais pas changer d’actrice. Donc je me suis dit que j’allais l’intégrer au scénario. Au final, on ne voit pas du tout que Clothilde est enceinte ! Mais ce n’est pas grave, je trouve que ça donne une dimension incroyable au récit et lui apporte de la force. Ça rajoute à son tiraillement, à sa peur et à son dilemme, mais surtout à son envie maternelle de protéger les autres, d’être leur ange gardien à tous.

 

Retrouvez la critique du film « Trois Mondes » en cliquant ici

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