Critique : Utama : la Terre oubliée

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Utama : la terre oubliée

Bolivie : 2021
Titre original : Utama
Réalisation : Alejandro Loayza Grisi
Scénario : Alejandro Loayza Grisi
Interprètes : José Calcina, Luisa Quisle, Santos Choque
Distribution : Condor Distribution
Durée : 1h28
Genre : Drame
Date de sortie : 11 mai 2022

4/5

Agé de 37 ans, le metteur en scène bolivien Alejandro Loayza Grisi est entré dans le monde de l’art par la photographie et il a fait ses premiers pas dans le monde du cinéma en étant chef opérateur sur une série documentaire sur la Bolivie et sur une poignée de courts métrages. Utama : la terre oublié est son premier long métrage de fiction. Ce film a été primé dans de nombreux festivals, la récompense la plus prestigieuse étant le Grand Prix de la compétition dramatique internationale obtenue au Festival du film de Sundance, fin janvier 2022. 

Synopsis : Dans l’immensité des hauts plateaux boliviens, Virginio et Sisa veillent sur leur troupeau de lamas. Jusqu’ici, rien n’a pu les détourner de cette vie âpre, héritée des traditions : ni leur âge avancé, ni le départ des habitants de la région, chassés par la sécheresse. Aussi accueillent-ils avec méfiance la visite de Clever, leur petit-fils de 19 ans, venu les convaincre de s’installer en ville avec le reste de la famille. Réticent à l’idée de quitter sa terre, Virginio se montre inflexible. A tel point que le jour où il tombe gravement malade, il décide de le cacher à Sisa et Clever…

L’Altiplano bolivien victime de la sécheresse

Sisa et Virginio sont un couple de vieux amérindiens qui vivent chichement sur l’Altiplano bolivien. Il n’a pas plu depuis longtemps et, par manque d’eau, le troupeau de lamas que possède le couple n’est pas au mieux. Cette eau, il devient de plus en plus difficile d’y avoir accès : le puits du village voisin est à sec, la rivière est lointaine et le haut des montagnes des environs a vu diminuer de façon importante les réserves de glace. Qu’importe ! Alors que nombre de voisins sont partis s’établir en ville ou sont sur le point de le faire, pas question pour eux de quitter l’Altiplano. Pour eux, ou plutôt pour Virginio car Sisa ne serait sans doute pas très difficile à convaincre.

Les convaincre, c’est ce que Clever va s’efforcer de faire. Clever, c’est leur petit-fils et il est venu les voir depuis la ville où il réside. Tout en aidant ses grand-parents dans leurs tâches quotidiennes, accompagner le troupeau de lamas avec Virginio, aller chercher de l’eau, une des tâches habituelles de Sisa, il va vite s’apercevoir que son grand-père tousse énormément et qu’il a du mal à respirer, qu’il est sérieusement malade, qu’il serait indispensable qu’il aille se faire soigner dans un hôpital. Mais Virginio est sacrément buté et il ne voit en Clever qu’un émissaire de son fils, le père de Clever, avec qui les rapports ne semblent pas être au beau fixe !

La beauté est partout

Si vous n’aimez que les films baignant dans une action trépidante ou ceux immergés dans un océan de sentimentalisme, Utama, sachez le, n’est pas fait pour vous. Par contre, si votre truc, c’est la beauté, alors là …! En effet, dans Utama : la terre oubliée, la beauté est partout. Dans la magnificence de l’Altiplano, dans sa lumière exceptionnelle, dans ses troupeaux de lamas, dans les sentiments très forts que l’on devine entre Sisa et Virginio, dans la gentillesse de Clever envers ses grand-parents, dans la poésie qui émane de ce que Virginio raconte à Clever à propos du condor et de sa façon de mettre en scène sa propre mort.

Dans ce film à mi chemin entre fiction et documentaire et qui témoigne de la disparition liée à la mondialisation des traditions et des croyances rurales en Bolivie comme un peu partout ailleurs dans le monde,  on entend 2 langues, le quechua et l’espagnol. Le quechua, la langue des amérindiens de la cordillère des Andes, c’est la langue des conversations entre Sisa et Virginio. Clever, le petit-fils, ni ne la parle, ni ne la comprend : dans la famille, en deux générations, cette langue s’est éteinte ! L’espagnol, les 3 personnages le parlent et le comprennent, même si, pendant un bon moment, Virginio fait semblant de ne pas le maitriser, cela faisant partie de ce personnage bougon et attachant. Toutefois, on conçoit très bien qu’il est difficile de s’entendre entre un jeune homme et son grand-père qui ne parlent pas la même langue dans la vie courante, un jeune homme de la génération du téléphone portable et son grand-père de la génération des sacrifices d’animaux pour faire venir la pluie.

Le casting et la photo

Trouver les interprètes de Sisa et Virginio a été particulièrement difficile pour Alejandro Loayza Grisi. Avant même de commencer le casting, il avait rencontré le couple formé par Luisa Quisle et José Calcina, mais ils avaient décliné l’offre du réalisateur de devenir les interprètes principaux de son film. Ne réussissant pas à trouver les interprètes dont il rêvait, des comédiens amateurs, forcément, il est revenu à la charge auprès de Luisa et de José et ils ont fini par céder. De longues répétitions ont permis à ces vieux paysans de devenir des comédiens très impliqués et tout à fait crédibles. Il parait que la plus grosse difficulté qu’a rencontrée le réalisateur a été de faire se disputer pour les besoins du film ce couple très fusionnel dans la vraie vive. Pour la photographie de son film, Alejandro Loayza Grisi a fait appel à Barbara Alvarez, une grande Directrice de la photographie uruguayenne, très demandée dans toute l’Amérique du Sud.

Conclusion

Les conséquences du dérèglement climatique ne se limitent pas à l’augmentation de la température moyenne sur la planète, à la hausse du niveau des mers, à l’augmentation du nombre d’incendies de forêt et d’épisodes cycloniques. Utama : la terre oubliée nous montre que la sécheresse fait également partie des catastrophes qui, déjà, commencent à sévir dans certaines parties du monde. Bénéficiant d’une magnifique photographie, Utama, premier long métrage de fiction d’un jeune réalisateur bolivien, nous invite à assister aux conséquences dramatiques de cette sécheresse sur l’Altiplano bolivien et nous fait partager avec beaucoup de maîtrise le sort d’un couple de vieux amérindiens vivant dans le respect de la tradition et leurs rapports avec un petit fils de 20 ans qui lui est complètement engagé dans le 21ème siècle. C’est très beau, c’est passionnant.

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