Critique : Tengo sueños eléctricos

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Tengo sueños eléctricos

Belgique, Costa-Rica, France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Valentina Maurel
Scénario : Valentina Maurel
Interprètes : Daniela Marin Navarro, Reinaldo Amien Gutierrez, Vivian Rodriguez
Distribution : Geko Films
Durée : 1h43
Genre : Drame
Date de sortie : 8 mars 2023

3.5/5

Réalisatrice franco-costaricienne, Valentina Maurel a fait des études de cinéma en Belgique et commencé par réaliser 2 court-métrages, Paul est là en 2017 et Lucia en el limbo en 2019, qui ont rencontré un très bon accueil dans les festivals où ils ont été présentés, en particulier à Cannes. Tengo sueños eléctricos est son premier long métrage et il a été présenté et récompensé dans un très grand nombre de festivals.


Synopsis : Alors que ses parents viennent de se séparer, Eva prend ses distances avec sa mère et souhaite habiter chez son père, alors que celui-ci se comporte comme un grand adolescent qui se laisse déborder par la violence qui le traverse.

Une famille du Costa Rica

A San José, la capitale du Costa Rica, la ville où la réalisatrice a passé sa jeunesse, Anca vit dans un appartement avec ses 2 filles, Eva et Sol, et le chat Kwesi. Anca est séparée de Martin, un traducteur, peintre et sculpteur qu’elle a dû se résoudre à quitter du fait de son manque de maturité et des crises de violence qui le submergent régulièrement. Son appartement, c’est grâce à l’héritage d’une tante qu’elle a pu l’acheter. Une chance que Martin n’a pas eue, lui qui est obligé d’habiter chez un ami, du moins de façon temporaire ? Agée de 16 ans, Eva est en permanente révolte envers sa mère, au point que celle-ci dit d’elle qu’elle est possédée par le même démon que son père. L’animosité envers sa mère, Eva la retrouve même dans ses rêves dont elle dit qu’ils sont électriques et dans lesquels il lui arrive de voir sa mère bruler. En fait, même si elle reproche ses crises de violence à son père, Eva aimerait aller vivre avec lui, elle l’inonde d’annonces de locations d’appartements dans lesquels la présence de 2 chambres pourrait faciliter la réalisation de son souhait, elle en visite avec lui mais, pour l’instant, ou bien l’appartement est trop cher ou bien il n’a qu’une chambre. Agée de 16 ans, l’éveil de la sexualité devient de plus en plus prégnant chez Eva qui en arrive souvent à se caresser et ne résiste pas aux avances du logeur de son père, voire même les provoque.

 

Une peinture réaliste

L’intérêt principal de Tengo sueños eléctricos réside dans la peinture très réaliste que ce film donne d’une famille de la classe moyenne du Costa-Rica, une famille dans laquelle le père et la mère sont séparés mais sans qu’on puisse parler de famille recomposée, Anca et Martin n’ayant pas, comme on dit, « refait leur vie », une famille dans laquelle la fille ainée est en train de devenir femme et a une perception des hommes pleine d’ambiguïté, d’un côté gagnée par une forte attirance sensuelle et, de l’autre côté, déçue par l’homme qu’elle connait le mieux, son père, déçue par son comportement violent, déçue par ses promesses non tenues, déçue, également, par l’ami de son père qui refuse de s’admettre amoureux d’elle. Alors qu’on ne voit gère la mère en dehors de son appartement, un appartement dans lequel, alors que la violence semble gangréner l’ensemble de la société, elle interdit à ses filles qu’entre une quelconque forme de violence, fut-ce par l’intermédiaire de la télévision, le père, lui, semble avoir une vie extérieure bien remplie, avec, en particulier, un atelier de poésie auquel il se rend régulièrement. C’est d’ailleurs dans le prénom d’un poète jamaïcain, Linton Kwesi Johnson, que se trouve l’origine du nom du chat, Kwesi, un prénom ashanti. Et c’est cette appellation de « rêve électrique » évoqué par Eva que reprend Martin pour sa première lecture dans cet atelier, un texte dans lequel il fait parler sa fille au sujet des rapports qu’elle et lui entretiennent : « il s’énerve, crie, insulte. On s’aime aux cris, parfois aux coups. Ainsi sommes nous une horde d’animaux sauvages rêvant d’humanité … La rage qui nous traverse ne nous appartient pas ».

C’est une femme qui a réalisé Tengo sueños eléctrico, et ce qu’elle nous raconte sur l’éveil à la sexualité de 2 jeunes filles de 16 ans n’en a que plus d’intérêt. 2 jeunes filles, car il n’y a pas qu’Eva qui, du fait sans doute du manque de la présence à ses côtés d’une figure paternelle rassurante, se conduit en Lolita avec l’ami de son père, il y a aussi Diana, sa meilleure amie qui, un soir où elle est quelque peu éméchée, adopte un comportement manifestement aguicheur avec Martin.

Des choix risqués, des choix judicieux

A la vision de Tengo sueños eléctricos, on ne peut s’empêcher de se dire que Valentina Maurel a fait des choix risqués, ce qui est d’autant plus méritoire qu’il s’agit de son premier long métrage : tourner un film au Costa Rica en se refusant à tirer profit de la beauté de sa nature, ne pas utiliser la bouée de sauvetage que constitue souvent la musique pour jouer sur les sentiments, choisir de monter une forme de violence différente de celle, à base de gangs, que nous montre souvent le cinéma latino-américain. Force est de reconnaître que ces choix ont été judicieux et que Tengo sueños eléctricos s’avère être un premier long métrage très prometteur. Tout comme est très prometteuse Daniela Marin Navarro, la jeune interprète d’Eva, découverte lors d’un casting organisé au Costa Rica et dont la réalisatrice dit qu’elle s’ennuyait chez elle à cause de la pandémie et qu’elle a répondu à l’annonce alors qu’elle n’avait aucune expérience de jeu !

Conclusion

C’est un premier long métrage très prometteur que nous propose Valentina Maurel. Les choix qu’elle a faits n’avaient rien d’évident à priori, réaliser un film urbain alors que le Costa Rica bénéficie d’une image de nature paradisiaque, se passer de musique pour jouer sur les sentiments, montrer une forme de violence très différente de celle qu’on a l’habitude de voir dans de nombreux films latino-américains, et le résultat de ces choix emporte l’adhésion. Cerise sur le gâteau : Valentina Maurel nous permet de faire la découverte de Daniela Marin Navarro, une jeune interprète qui fait ici sa première apparition au cinéma et qui apporte beaucoup de spontanéité et de fraicheur au rôle qu’elle interprète.

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