Critique : Sur la branche

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Sur la branche

France, Belgique, 2023
Titre original : –
Réalisatrice : Marie Garel-Weiss
Scénario : Marie Garel-Weiss, Benoît Graffin, Ferdinand Berville et Salvatore Lista
Acteurs : Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui et Raphaël Quenard
Distributeur : Pyramide Distribution
Genre : Comédie dramatique
Durée : 1h32
Date de sortie : 26 juillet 2023

3/5

Du décalage manifeste entre la rigidité de la loi et les lubies loufoques des troubles psychiques naissent quelques situations joliment cocasses dans Sur la branche. Que les choses soient bien claires, dans son deuxième long-métrage, cinq ans après La Fête est finie, la réalisatrice Marie Garel-Weiss ne cherche nullement à se moquer des tics et des tocs de son personnage principal. Bien au contraire, elle reste en toute circonstance parfaitement solidaire de cette femme, qui ne voit pas tout à fait le monde de manière ordinaire. Grâce à la lucidité sur sa situation, cette juriste en devenir peut toutefois se permettre une certaine frivolité ou tout au moins une liberté d’expression qui dénote forcément dans le microcosme codifié du droit français. Un univers peuplé ici d’êtres névrosés, qui tirent tous des casseroles plus ou moins encombrantes derrière eux.

La légèreté du ton prédomine donc dans cette comédie dramatique, seulement en péril de dérailler au début du dernier acte. Jusque là, la révélation Daphné Patakia tient vaillamment tête aux vétérans de l’humour introspectif Benoît Poelvoorde et Agnès Jaoui, de même qu’à Raphaël Quenard dans ce qui restera probablement son dernier second rôle pour un bon bout de temps, dans ce film sorti une semaine avant son coup d’éclat en haut de l’affiche de Yannick de Quentin Dupieux. Tout ce beau monde sert plus que convenablement une intrigue en pleine expansion, jusqu’à ce que l’heure du passage à un degré supérieur de responsabilité ait sonné. C’est alors que la structure un brin fragile du scénario se fait jour, avant d’être rattrapée in extremis par une belle séquence finale en bord de mer.

© 2023 Elzévir Films / Panache Productions / La Compagnie Cinématographique / France 3 Cinéma / Pyramide Distribution
Tous droits réservés

Synopsis : Tout juste sortie d’hôpital psychiatrique, Mimi postule pour un emploi d’assistante dans le cabinet d’avocats Rousseau et Bloch. Maître Claire Bloch n’a nullement envie d’engager cette jeune femme à l’esprit farfelu. Mais puisqu’elle a besoin de quelqu’un de téméraire afin d’aller récupérer des dossiers chez son ancien associé Maître Paul Rousseau, en pleine déprime, elle accepte de la mettre à l’épreuve. Guère dupe, Mimi accepte le défi, mais elle finit par s’associer à Paul sur une affaire de vol en Bretagne.

© 2023 Elzévir Films / Panache Productions / La Compagnie Cinématographique / France 3 Cinéma / Pyramide Distribution
Tous droits réservés

Peur de la vie

Mélancolie et euphorie, tels sont les deux extrêmes d’humeur entre lesquels le personnage principal de Sur la branche oscille en permanence. Nous le devons alors à Daphné Patakia, découverte il y a six ans chez Tony Gatlif dans Djam, que ce rôle à risque soit plus qu’une somme de comportements imprévisibles et autres aberrations risibles. L’actrice s’approprie à la fois la fragilité et la force de cette femme, sans jamais en faire une bête de foire. Elle a plutôt tendance à foncer : parfois sciemment dans la mauvaise direction, quoique toujours en parfaite connaissance de cause de sa pathologie psychique. Celle-ci n’est pas tellement spécifiée, mais devrait se situer quelque part du côté du spectre autistique.

Néanmoins, Mimi est moins un esprit profondément décalé de plus – dont le cinéma avait la fâcheuse habitude de dénoncer les moindres failles – qu’un révélateur bénéfique de tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde qui l’entoure. A travers ses propositions de solution peu orthodoxes, elle permet aux autres sinon de s’améliorer selon un cahier de charges volontariste heureusement ignoré par la réalisatrice, au moins de se satisfaire d’un statu quo finalement pas si méprisable. Ainsi, ce sont les petites touches qui font avancer doucement l’intrigue, sous forme de répliques en apparence anodine et peut-être même pas sincères. Toujours est-il qu’elles font leur effet sur l’état d’esprit délicat de la protagoniste.

© 2023 Elzévir Films / Panache Productions / La Compagnie Cinématographique / France 3 Cinéma / Pyramide Distribution
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Cœur de veau

Tandis que Mimi peine à réconcilier ses ambitions professionnelles et ses pulsions sexuelles, le couple d’avocats en crise, qui lui sert de porte d’entrée à un monde jugé inaccessible à cause de sa maladie, a d’ores et déjà fait une croix sur ces sources vives d’une existence humaine. Il demeure certes un reste d’affection entre Claire et Paul. Mais leur passé chargé empêche toute réconciliation. Au delà des reproches mutuels, ils tentent dès lors de rabibocher tant bien que mal leur relation, par voie d’une solidarité au travail guère égale à leurs exploits du passé. Les interprétations savoureuses de Poelvoorde et Jaoui font en sorte que ce rafistolage sentimental fonctionne malgré et contre tout.

La belle insouciance saupoudrée de troubles névrotiques sans trop de gravité par laquelle le film avait commencé aurait pu le porter sans doute jusqu’à une conclusion plus satisfaisante que celle avec laquelle les spectateurs se retrouvent en fin de compte. Globalement assez bâclé, le revirement final dans la prison dénote désagréablement dans le contexte d’un récit auparavant à l’écoute des petites dissonances sans importance. Nul besoin donc d’y introduire un coup d’éclat dont la seule vocation dramatique était apparemment de boucler la boucle de la malédiction psychique de Mimi. Au moins, l’épilogue l’autorise à goûter de nouveau à la liberté de mouvement et d’action qui était après tout son moteur principal depuis le début.

© 2023 Elzévir Films / Panache Productions / La Compagnie Cinématographique / France 3 Cinéma / Pyramide Distribution
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Conclusion

Sous réserve de quelques légers égarements scénaristiques, le deuxième long-métrage de Marie Garel-Weiss constitue un divertissement des plus plaisants. Cette comédie douce-amère ne force guère le trait en termes de maladie psychique, rendue abordable et même attachante par l’interprétation inspirée de Daphné Patakia. Sur la branche ne prétend à aucun moment révolutionner le langage cinématographique, mais en tant qu’histoire passablement burlesque, il remplit amplement son contrat.

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