Critique : Nina Wu

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Nina Wu

Taïwan : 2019
Titre original : Juo ren mi mi
Réalisation : Midi Z
Scénario : Wu Ke-Xi, Midi Z
Interprètes : Wu Ke-Xi, Vivian Sung, Ming-Shuai Shih
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h43
Genre : Drame, thriller
Date de sortie : 8 janvier 2020

2/5

Né en Birmanie en 1982, Midi Z vit à Taïwan depuis l’âge de 16 ans. Nina Wu est son 5ème long métrage de fiction, mais, jusqu’à présent, seul son film précédent, Adieu Mandalay, avait eu droit à une sortie en salles dans notre pays. Nina Wu est le premier film qu’il réalise à partir d’un scénario dont il n’est pas l’auteur, même si, y ayant apporté quelques retouches, il est quand même crédité comme étant co-scénariste. La véritable scénariste est l’actrice principale du film, Wu Ke-Xi, laquelle, profondément marquée fin 2017 par l’affaire Weinstein, a repris une ébauche de scénario écrite en 2016 pour aboutir à l’histoire de Nina Wu. Nina Wu faisait partie de la sélection Un Certain Regard de Cannes 2019.

Synopsis : Nina Wu a tout quitté pour s’installer à Taipei dans l’espoir de faire une carrière d’actrice. Un jour, son agent lui propose le casting du rôle principal d’un film d’espionnage. Malgré sa réticence à la lecture des scènes de nu et de sexe, Nina se rend à l’audition.

Un rôle obtenu, mais à quel prix !

Il y a déjà plusieurs années, Nina Wu a quitté sa ville d’origine et sa petite compagnie théâtrale pour venir tenter sa chance dans le cinéma à Taipei. Son amie Kiki, elle, a préféré rester dans la petite ville de province et continuer son métier d’institutrice. Après des années de pubs et de court-métrages, l’occasion d’obtenir un premier grand rôle se présente un jour à Nina Wu. Il s’agit d’un long métrage d’espionnage dans lequel elle aurait à tourner des scènes de nudité et des scènes de sexe, mais, malgré ses réticences, elle se rend à l’audition et décroche le rôle. Mais à quel prix ! Droguée et violée par le producteur du film lors de l’audition où elle affrontait 5 autres candidates, le souvenir de cet épisode dramatique ne cesse de la hanter. Au moment de recevoir un prix pour son rôle dans ce film, elle est tout particulièrement assaillie par le souvenir de cette audition et elle voit défiler dans sa tête divers scénarios concernant ce casting.

Réalisme et onirisme

Affirmer que Nina Wu est un film particulièrement alambiqué est un euphémisme. Très maniéré dans sa mise en scène, il est également particulièrement déconstruit du point de vue temporel, les scènes liées à l’audition que Nina Wu voit dans sa tête n’arrêtant pas de se succéder, à la fois très semblables et différentes les unes aux autres. En fait, il est évident que le réalisateur, ne serait-ce que par ses nombreux travellings avant et arrière, cherche à nous faire entrer dans l’esprit perturbé de Nina Wu, d’où un film qui mélange allègrement réalisme et onirisme, présent et passé. Un film post Weinstein qui montre, s’il en était besoin, que Hollywood n’a pas l’apanage du harcèlement sexuel et des viols, des pratiques qui, malheureusement, existent également ailleurs que dans le monde du cinéma. En tout cas, il n’est pas anodin de noter que la pièce 1408 dans laquelle Nina Wu n’arrête pas de se rendre pour son audition fait référence au film Chambre 1408, un film de Mikael Håfström produit par … The Weinstein Company.

Pour aider le spectateur dans sa compréhension du film, il peut être intéressant de lui communiquer un élément qui ne saute pas aux yeux mais qui est fourni par le réalisateur lui-même : « L’actrice qui est en concurrence avec Nina à l’audition, ainsi que l’amante de Nina qui vit à la campagne représentent toutes Nina. C’est une seule et même personne, éclatée en trois personnalités. L’une d’elle est la méchante Nina qui n’hésite pas à coucher avec le producteur pour obtenir le rôle. L’autre incarne l’innocence. Cette Nina-là écoute les conseils du renard et garde sa rose pour toujours et sa naïveté. La troisième est abusée sexuellement quand elle passe son audition. Elle devient une star mais elle tombe dans l’auto-accablement et la souffrance. D’un côté, elle apprécie la célébrité, de l’autre sa conscience la tourmente et elle est assaillie de cauchemars. Elle n’arrive pas à surmonter la situation. Nina n’est pas paranoïaque mais traumatisée comme les malades mentaux qui veulent aller mieux mais n’y parviennent pas ».

Wu Ke-Xi est Nina Wu

Déjà présente dans Adieu Mandalai, le film précédent de Midi Z, et auteure du scénario du film, on pouvait penser que le choix de Wu Ke-Xi pour incarner le rôle principal était une évidence. Eh bien non, un casting a bel et bien été organisé, et, à l’issue de ce casting, il est apparu que Wu Ke-Xi était celle qui convenait le mieux pour interpréter Nina Wu. En fait, elle avait mis tellement d’elle-même dans son scénario que, d’une certaine façon, elle était Nina Wu !

Même si le caractère artificiel, voire prétentieux, de Nina Wu peut empêcher d’y trouver un grand plaisir, force est de reconnaître que le travail de Florian Zinke, le Directeur de la photographie, est remarquable, ainsi que le travail important réalisé sur le son, destiné à renforcer la peinture des fêlures qui encombrent l’esprit de l’héroïne.

Conclusion

Très réaliste dans Adieu Mandelei, Midi Z a complètement complètement changé son fusil d’épaule dans sa réalisation de Nina Wu. Un peu comme si les frères Dardenne se mettaient à réaliser un film qu’on pourrait comparer à des œuvres de David Lynch ! Changement judicieux ? Sûrement pas pour celles et ceux qui trouvent le cinéma de David Lynch trop intellectuel, trop artificiel. Peut-être pas pour les fans de David Lynch qui trouveront peut-être que, dans ce genre, l’original sera toujours supérieur.

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