Critique : Nadia, Butterfly

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2017

 

Canada : 2020
Titre original : –
Réalisation : Pascal Plante
Scénario : Pascal Plante
Interprètes : Katerine Savard, Ariane Mainville, Hilary Caldwell
Distribution : Les Alchimistes
Durée : 1h47
Genre : Drame
Date de sortie : 4 août 2021

3.5/5

Nageur de compétition de haut niveau, Pascal Plante, âgé alors de 19 ans, n’avait finalement pas réussi à intégrer l’équipe du Canada pour les Jeux Olympiques de Pékin, en 2008. Ayant abandonné la compétition, sa passion pour le cinéma l’a conduit à étudier à l’école de cinéma Mel-Hoppenhiem de l’Université de Concordia. Devenu spécialiste du son, il a également commencé à réaliser des court métrages dès 2011. Réalisé en 2017, Les faux tatouages, son premier long métrage n’est jamais sorti dans notre pays. Nadia, Butterfly est son deuxième long métrage et il a reçu le label Cannes 2020. A noter que Pascal Plante se définit lui-même comme étant un cinéphile devenu cinéaste de fiction au regard de documentariste.  

Synopsis : A 23 ans, Nadia prend la décision controversée de se retirer de la natation professionnelle et de s’affranchir d’une vie de sacrifices. Après une dernière course, les excès cachés du Village olympique offriront à Nadia un premier souffle de liberté. Mais à mesure qu’elle plonge dans l’inconnu, les doutes surgissent : qui est-elle réellement ?

Les JO de 2020 ont bien eu lieu en 2020 !

On vous l’a bien caché : les Jeux Olympiques 2020 se sont déroulés tout à fait normalement à Tokyo, à la date prévue. Même que l’équipe du Canada du relais 4 fois 100 mètres 4 nages féminin y a obtenu une médaille de bronze très disputée. Cette course, on la vit entièrement dans Nadia, Butterfly, dans des plans séquence magnifiques, de façon totalement centrée sur Nadia Beaudry, la nageuse de papillon, se préparant psychologiquement sur la plage de départ lors des deux premiers relais, dos et brasse, dont on ne voit rien, suivie intégralement dans un long plan séquence lors de son 100 papillon et encourageant avec ses équipières la nageuse du 100 mètres libre lors du dernier relais. Nadia a 23 ans, elle a décidé d’arrêter la compétition et de reprendre ses études de médecine et, la veille, elle a raté sa course lors de la finale du 1OO papillon féminin, ne finissant que 4ème. Pour elle, ce relais est sa dernière chance d’accrocher ce qui est le rêve de tout.e athlète, une médaille aux jeux Olympiques.

D’habitude, lorsqu’un réalisateur ou une réalisatrice a choisi de se focaliser sur un ou une athlète, une telle scène de consécration trouve sa place à la conclusion du film. Auparavant, on aura vécu diverses péripéties de la vie de l’athlète, des hauts et des bas, la dureté des entrainements, tous ces sacrifices, toutes ces privations pour, enfin, toucher au Graal. Pascal Plante, lui, a choisi de nous présenter la consécration d’une athlète pratiquement dès l’entame de son film et de nous faire partager ce qu’elle vit pendant les quelques heures qui suivent cette consécration. Particularité : cette athlète a décidé d’arrêter la compétition ! Aussi, après les sempiternelles séances d’interview, voici donc enfin la possibilité, pour elle, de se lâcher, avec tous les excès qui s’expliquent par … la dureté des entrainements, tous ces sacrifices, toutes ces privations connues jusque là. C’est ainsi que, au cours d’une nuit de folie passée avec son équipière et amie Marie-Pierre, la nageuse du 100 libre, elle qui n’avait encore jamais eu de « chum » (petit ami au Québec) et n’en avait jamais voulu, par peur de prendre du poids à cause de la pilule, va « toucher » à l’alcool, à l’ecstasy et au sexe.

Une véritable uchronie

Désirant depuis longtemps faire un film qui montrerait l’envers du décor olympique, qui s’écarterait de ce que l’on voit à la télévision tous les 4 ans, Pascal Plante était conscient qu’un tel film nécessitait un budget important, un budget impossible à obtenir pour un premier long métrage. Le succès dans les festivals de Les faux tatouages, réalisé avec peu de moyens, lui a permis d’obtenir ce budget. Le tournage de Nadia, Butterfly s’est effectué en 2019 avec l’objectif de sortir le film durant les Jeux Olympiques de 2020 : 16 jours de tournage à Montréal, 4 jours à Tokyo. La pandémie de covid-19 a bousculé la donne, transformant le film en véritable uchronie. Nadia, Butterfly sortant en France en plein durant les JO reportés en 2021, on a forcément des sensations bizarres en passant de la retransmission TV d’une épreuve se déroulant sans spectateurs et où le port du masque est de rigueur à ce film racontant les jeux de 2020, des jeux où, que ce soit à l’intérieur de la piscine olympique ou lors de la déambulation de Nadia dans les rues de Tokyo, personne ne porte le masque, où il n’est jamais question de geste barrière et qui se déroulent en présence de spectateurs. En tout cas, les canadiens peuvent se féliciter que la vérité des jeux reportés leur apporte un meilleur résultat que ces faux jeux cinématographiques : le 26 juillet dernier, la canadienne Maggie Mac Neil a obtenu la médaille d’or dans l’épreuve du 100 mètres papillon alors que, dans le film, sa compatriote Nadia Beaudry devait se contenter de la 4ème place dans la même épreuve ! Et le relais 4 x 100 mètres 4 nages féminin, me direz vous ? Alors là, Pascal Plante a fait très fort, le relais du Canada obtenant « en vrai » la médaille de bronze, comme dans le film, précédé, comme dans le film, par l’Australie et les Etats-Unis, avec toutefois, une inversion des médailles entre ces deux pays.

Le choix d’une nageuse de papillon comme personnage central du film n’a bien sûr rien de fortuit : certes, il s’agit de la nage préférée du réalisateur, mais il y a surtout le fait que Nadia est à un moment de son existence où, telle un papillon, elle doit sortir de son cocon, un cocon qui, pour elle, avait le visage de la natation. Malheureusement, cette sortie du cocon ne donne pas forcément les meilleures scènes du film : si on peut apprécier les discussions entre coéquipières  pour savoir si les athlètes sont ou non, des gens égoïstes, apprécier le rapport que Nadia entretient avec sa kiné ainsi que la très belle scène au cours de laquelle Nadia agresse verbalement Sébastien, son entraineur, lequel retourne la situation en rappelant leur première rencontre alors que Nadia n’avait que 11 ans, on ne peut pas en dire autant de la virée nocturne de Nadia et de Marie-Pierre. En effet, comme c’est presque toujours le cas dans ce genre de scènes, le plaisir n’est pas au rendez-vous lorsqu’on voit les deux jeunes filles sous l’emprise de l’alcool et de l’ecstasy, d’autant plus que ces scènes, certes nécessaires dans le cadre du film, sont, ici, trop « kechichement » étirées.

Quatre nageuses devenues comédiennes

Des comédiennes interprétant des rôles de nageuses de haut niveau ou bien des nageuses de haut niveau se transformant en comédiennes ? Pour Pascal Plante, la question ne se posait pas : pour lui, le film ne se concevait qu’avec 4 nageuses professionnelles pour interpréter les 4 jeunes femmes du relais canadien. Le casting auquel il a procédé lui a apporté du lourd en la matière : Hilary Caldwell, l’interprète de Karen Hill, la nageuse de dos, la seule femme mariée du quatuor, a été médaillée de bronze sur 200 mètres dos aux championnats du monde de Barcelone, en 2013, ainsi qu’aux jeux olympiques de Rio, en 2016 ; Cailin McMurray, l’interprète de Jessica Peckam, la nageuse de brasse, la benjamine du groupe, est une espoir de la natation canadienne ; Ariane Mainville, l’interprète de Marie-Pierre Nadeau, la nageuse de crawl, a représenté le Canada lors des Jeux Universitaires de Naples, en 2019 ; quant à Katerine Savard, Nadia dans le film, elle faisait partie, comme dans le film, d’un relais obtenant une médaille de bronze aux Jeux Olympiques : ceux de 2016, à Rio, dans l’équipe canadienne du 4 x 200 mètres nage libre. Cela donne bien sûr beaucoup de véracité à tout ce qui passe dans la piscine, que ce soit dans l’eau, sur la plage de départ ou dans les interviews qui suivent les compétitions. Beaucoup de véracité aussi pour la séance avec la kiné et, plus généralement, pour tout ce qui touche à la gestuelle des nageuses.

Mais quid du reste, de leurs prestations de comédiennes, avec du texte à dire, avec un jeu corporel et des expressions faciales à proposer ? Les rôles d’Hilary Caldwell et de Cailin McMurray sont relativement mineurs et elles s’en sortent très bien. Beaucoup plus importants sont les rôles d’Ariane Mainville et Katerine Savard, amies dans la vie comme dans le film. Ariane Mainville a hérité d’un rôle en or, celui d’une femme très extravertie, très libérée et elle s’y montre tout à fait à l’aise, comme … un poisson dans l’eau ! Fort possible qu’elle puisse continuer une carrière au cinéma. Peut-on en dire autant de Katerine Savard ? Le doute existe. Certes, son rôle est très difficile : pour elle, le fait d’abandonner la compétition s’apparente à un deuil, elle se pose des questions sur son avenir, elle intériorise beaucoup ses émotions et, par ailleurs, elle ressent le besoin de relâcher la pression qu’elle n’a que trop connue depuis des années et elle s’autorise des choses jusque là inconnues pour elle. Pour une comédienne de métier, se confronter à une telle variété dans le jeu n’aurait pas forcément été facile. On peut dire que Katerine Savard, qui n’est pas comédienne de métier, s’en sort honorablement.

Reste par ailleurs un « détail » à évoquer : le sous-titrage du film. Nadia, Butterfly est un film québécois, dans lequel on parle québécois mais aussi anglais, ne serait-ce que parce que la moitié de l’équipe de relais est anglophone. Rien de spécial à signaler en ce qui concerne le sous-titrage des dialogues en anglais. Il n’en est pas forcément de même pour le sous-titrage des dialogues en québécois : il faut savoir que le distributeur du film a fait le choix de proposer à l’écrit ce qu’on entend à l’oral, c’est-à-dire sans traduire en français de l’hexagone les termes québécois complètement inconnus chez nous, son but étant d’habituer les spectateurs à la belle langue de nos cousins québécois. C’est ainsi, par exemple, qu’on entend le mot « freakant » et qu’on lit le mot « freakant ». Une recherche sur Internet permet d’obtenir la traduction : bouleversant. Le choix du distributeur est courageux, il serait dommage qu’il vous décourage d’aller voir le film.

Conclusion

Nadia, Butterfly est beaucoup plus qu’un film sur le sport. C’est avant tout un film sur un personnage, une jeune femme, qui a pris la décision d’abandonner la pratique de l’activité dans laquelle elle s’était investie depuis des années. Tout en se lâchant, elle se sent un peu perdue, elle ne sait pas trop de quoi son avenir sera fait mais elle se refuse à envisager un retour en arrière concernant cette décision. Tourné dans le milieu de la natation avec de véritables nageuses de haut niveau, Nadia, Butterfly respire la véracité. On peut juste regretter que certaines scènes soient trop étirées lors d’une virée nocturne dans la ville de Tokyo.

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