Critique : Mon XXe siècle

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Mon XXe siècle 

Hongrie, 1989
Titre original : Az én XX. századom
Réalisateur :  Ildikó Enyedi
Scénario : Ildikó Enyedi
Acteurs :  Dorota Segda, Oleg Yankovskiy
Distribution : Malavida Films
Durée : 99 min
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : ressortie le 14 mars 2018

4/5

Lauréat de la Caméra d’or à Cannes en 1989, Mon XXe siècle est un de ces films qu’on avait pu oublier, alors qu’il est considéré par les spécialistes du cinéma hongrois comme un des meilleurs de la cinématographie du pays. La ressortie en salle, version restaurée à l’appui, de ce premier film de Ildikó Enyedi, réalisatrice du récent Corps et âme, est l’occasion de découvrir un long-métrage surprenant, à la fois comédie burlesque et poème visuel empreint de liberté.

Synopsis : En 1880, à l’orée du siècle naissant, Edison invente l’électricité au Menlo Park de New York, alors que deux jumelles voient le jour à Budapest. Ayant perdu leurs parents, elles sont séparées. Plus tard, en 1900, l’une d’elle est devenue une femme fatale, l’autre anarchiste. Sans le savoir, elles ont une relation avec le même homme…

1989. Entre l’aube du XXe siècle, période pendant laquelle se déroule la majeure partie du long-métrage, et 1989, date à laquelle ce dernier sort, la Hongrie a une histoire tumultueuse. Membre de l’Empire austro-hongrois, pays indépendant pendant deux brèves décennies avant d’intégrer, malgré lui, le bloc de l’est, le XXe siècle hongrois est un siècle agité et pluriel. 1989 marque d’ailleurs un tournant pour le pays, et pour toute l’Europe, entre l’ouverture du rideau de fer à la frontière austro-hongroise et l’indépendance du pays vis-à-vis de l’U.R.S.S.

1880. Dans le New Jersey, des rangées d’hommes illuminés par des ampoules défilent devant une foule ébahie. Cette fascination populaire est due à un certain Thomas Edison, qui au lieu d’apprécier son bain de foule commence à discuter avec des étoiles. Au même moment, à Budapest, loin de cette technologie naissante qu’est l’électricité, une femme accouche, seule, dans un appartement vétuste. D’emblée, le film s’affirme comme un conte, entre ses constellations parlantes et la jeune femme pauvre qui accouche, étonnée, de deux nourrissons, la veille de noël.

1900. Les nourrissons, séparés dans leur enfance, sont maintenant des jeunes femmes et se croisent sans le savoir. Elles prennent deux trains différents : une des deux vit la grande vie en profitant de la situation d’hommes bourgeois, l’autre est une militante anarchiste – toutes deux sont incarnées par Dorota Segda, actrice polonaise alors débutante mais qui porte en partie le film sur ses épaules. Le récit est véritablement lancé. Durant une heure et quarante minutes, nous allons suivre ces deux jumelles qui s’ignorent dans leurs péripéties, au début d’un siècle (ou plutôt à l’extrême fin du précédent) qui s’annonce comme dense. C’est simple, des thèmes, Mon XXe siècle va en aborder beaucoup : de l’émergence du féminisme à celui du cinéma, les deux sœurs symbolisent à leur façon une époque qui ne sait pas sur quel pied danser, rattrapée par des révolutions idéologiques comme techniques qui ne semblent plus s’arrêter.

Mais on est loin d’être devant un simple essai théorique, bien au contraire. Ce qui marque le spectateur, c’est l’incroyable liberté qui transpire du film. Liberté dans le ton, la réalisatrice n’ayant pas peur de perdre le spectateur en se dispersant dans la narration, qui n’hésite pas à faire des bons de milliers de kilomètres, passant sans crainte de Budapest à la Birmanie, de la Turquie à la Sibérie – un peu comme dans un James Bond, sauf qu’ici c’est réussi ! Liberté dans la forme ensuite. Tourné en 1.33 et Noir et blanc, la mise en scène n’en paraît pas moins totalement moderne, avec une pléthore d’idées explorées (comme c’est souvent le cas dans les premiers films, celui-ci ayant d’ailleurs obtenu la Caméra d’or à Cannes). Mais là où long-métrage est encore plus plaisant, c’est dans son humour poétique, burlesque parfois, qui finit par nous emporter dans son monde, peuplé de singes qui parlent comme de bombes qui n’explosent jamais.

Conclusion

La ressortie en salle de Mon XXe siècle est l’occasion de découvrir un film empreint d’une liberté contagieuse. Poème visuel et burlesque, magnifiquement éclairé et débordant d’idées, en définitive le premier long-métrage de Ildikó Enyedi ne cesse de démontrer sa confiance dans le merveilleux que peut procurer le cinéma, quelque soit l’époque à laquelle on réalise et transmet son œuvre …

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