Critique : Miséricorde

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Miséricorde

France : 2024
Réalisateur: Alain Guiraudie
Scénaristes: Alain Guiraudie
Casting: Felix Kysyl ; Catherine Frot ; David Ayala
Distributeur: Les films du Losange
Genre : Comédie / Policier
Durée : 1h42 min
Date de sortie (France): 16 Octobre 2024

3/5

Je n’étais pas familier du cinéma de Guiraudie et ne pouvais donc pas mettre cette ‘Miséricorde”en contexte avec le reste de sa filmographie. Le film, à travers un ton en distance, à la frontière du cynisme et de la franche rigolade, dessine une mythologie complètement unique.

Synopsis : Jérémie revient à Saint-Martial pour l’enterrement de son ancien patron boulanger. Il s’installe quelques jours chez Martine, sa veuve. Mais entre une disparition mystérieuse, un voisin menaçant et un abbé aux intentions étranges, son court séjour au village prend une tournure inattendue…

Dans une extrême maîtrise, à travers des figures bien caricaturales (le prêtre, le bon copain, la mêre de famille éplorée, le marginal de retour…), le film nous livre une vision stérilisée de la société française rurale, comme incapable de ressentir quoi que ce soit. Ici, les paradigmes relationnels ne reposent plus sur aucun ressenti réel, à l’image de Jérémie personnage principal qui va plonger dans l’horreur, sans chercher une seconde à se faire pardonner. Sa force, peut-être, à la différence de tous les autres personnages, est qu’il est certain d’être déjà condamné.

Ici, c’est le désir qui condamne mais qui fait vivre aussi. Deux verbes qui semblent curieusement synonymes. A travers son homosexualité qu’on sent encore un tabou au village, (on le questionne à ce sujet à voix basse, dans des moments d’intimité discrète), Jérémie incarne ce marginal, habitué à la violence du rejet, s’infiltrant dans un mensonge qu’il sait pouvoir maîtriser. Quand le crime advient, les proches d’abord et puis même la police ensuite resteront étrangement inefficaces. C’est que percer le secret, ça voudrait dire avouer que tout est perdu, que le lien est perdu et que notre petite musique ne joue plus depuis longtemps.

Le monde rural français que dépeint Guiraudie, c’est un peu celui des films de Chabrol ou de Sautet qui auraient pris un coup dans son pittoresque. Cette distance, dans sa caricature, est vraiment réjouissante dans un esprit de satire méchante. On s’amuse beaucoup du pathétique de ces personnages qui veulent tenir bon des rituels d’apéro, de repas, de balade aux champignons qui ne reposent plus sur rien.

A l’occasion de la présentation du film a Bruxelles, dans la grâce lumineuse de Catherine Frot, les éclats de rire ont bien traînés. Il faut dire qu’on aime bien ces personnages tordus, désacralisant le bon esprit français.

Par contre, cet humour vidé de naïveté m’a laissé épuisé à la fin du film. Est-ce que c’est peut être un effet de redondance dans son dernier mouvement? Dur à dire.

Un dernier mot, capital,  sur le fait que peu importe le film et peu importe le ton, Catherine Frot réussit pour moi à sublimer tout ce qu’elle touche. Le talent de cette femme n’a de cesse de me fasciner. C’est dans les variations si subtiles de sa voix qui l’ont abonnée aux seconds rôles que, décidément, elle reste une des plus grandes.

Conclusion

Très intéressant que la démarche de Guiraudie, qui me semble une réaction assez brillante à une tradition du cinéma français. Un décalage iconoclaste qui cache une grande désillusion. Si grande que, pour moi, cet évidement peut laisser la sensation d’une blague un peu longue à se terminer, presque sinistre dans son dernier mouvement. Comme si, à très condamner la lumière, le film aurait pris peur qu’on ne le voit vraiment.

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