Critique : Le miracle du saint inconnu

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Le miracle du saint inconnu

Maroc, France, Qatar : 2019
Titre original : The unknown saint
Réalisation : Alaa Eddine Aljem
Scénario : Alaa Eddine Aljem
Interprètes : Younes Bouab, Salah Bensalah, Bouchaib Essamak, Anas El Baz
Distribution : Condor Distribution
Durée : 1h40
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie : 1er janvier 2020

4.5/5

Présenté à Cannes 2019 dans la sélection de la Semaine de la Critique, Le miracle du saint inconnu est le premier long métrage du réalisateur Alaa Eddine Aljem. Ce jeune marocain de 30 ans a commencé ses études de cinéma à l’ESAV de  Marrakech avant de rejoindre  l’INSAS – Institut National Supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusions – de Bruxelles et de réaliser quelques court-métrages, bien accueillis dans de nombreux festivals.

Synopsis : Au beau milieu du désert, Amine court. Sa fortune à la main, la police aux trousses, il enterre son butin dans une tombe bricolée à la va-vite. Lorsqu’il revient dix ans plus tard, l’aride colline est devenue un lieu de culte où les pèlerins se pressent pour adorer celui qui y serait enterré : le Saint Inconnu. Obligé de s’installer au village, Amine va devoir composer avec les habitants sans perdre de vue sa mission première : récupérer son argent.

Un magot difficile à récupérer

Amine est un voleur poursuivi par la poisse : tout juste après réussi à enterrer son magot en haut d’une colline en plein désert, il est embarqué par la police et jeté en prison pour 10 longues années. A sa sortie de prison, son but est bien sûr de récupérer le magot. En compagnie d’un acolyte surnommé « Le cerveau » par pure dérision, il retrouve facilement la fameuse colline. Sauf que, entre temps, un mausolée en hommage à un saint inconnu a été construit à l’endroit précis où Amine avait enterré la sacoche et, qui plus est, l’environnement a accueilli un village au pied de la colline avec ce qui va avec, des habitants, très attachés au mausolée au point d’en assurer une garde quasi permanente.

Le voleur va devoir s’installer dans l’auberge du village et apprendre à être patient, très patient. L’occasion pour lui (et pour le spectateur !) de côtoyer une galerie de personnages pittoresques : le nouveau médecin qui vient d’arriver dans le centre médical ; son assistant qui distribue toujours le même médicament quelle que soit la maladie ; le coiffeur/barbier/dentiste qui dispose de deux crèmes à raser, une de très bonne qualité pour les « VIP’s », l’autre de très mauvaise qualité pour les clients ordinaires ; le gardien du mausolée qui va être considéré comme un héros le jour où il va faire arrêter un voleur (à lui la crème à raser de très bonne qualité !) ; Brahim, un paysan du coin qui se désespère de ne jamais voir arriver la pluie et de voir partir ses voisins vers le nouveau village, au pied du mausolée.

Une fable tendre et burlesque

Pour son premier long métrage, Alaa Eddine Aljem a fait des choix à la fois clairs et pertinents : son film est une fable burlesque, à la fois grave et très drôle, un conte sur les croyances et la crédulité, un film choral basé sur l’observation de faits et gestes très réalistes de la vie quotidienne aboutissant le plus souvent, petit à petit, à des situations absurdes. Cette observation d’une microsociété confrontée à un changement, d’un Maroc en miniature, un pied dans la tradition, un pied dans le modernisme, est faite sous forme d’une succession de plans fixes filmés avec des focales proches de l’œil humain. Le ton n’est jamais acerbe, l’humour ne fait jamais dans la lourdeur : à base de l’observation de petits détails visuels ou bien nichés dans les dialogues, il est tendre et toujours d’une grande finesse. Une apparente légèreté derrière laquelle se cache beaucoup de profondeur, ne serait-ce que dans la façon dont sont montrés les rapports entre la religion et l’argent. 

Le casting, la photo, la musique

Dans le casting sélectionné par le réalisateur, on trouve des comédiens débutants, mais aussi des professionnels reconnus. Les plus connus sont Younes Bouab, l’interprète du voleur, présent dans Razzia de Nabil Ayouch et Cheba Louisa de Françoise Charpiat et, surtout, Anas El Baz, l’interprète du médecin, qui tenait le rôle principal dans Retour à Bollène de Saïd Hamich. Désert marocain aidant,  Amine Berrada, le directeur de la photographie, nous gratifie d’une succession de beaux tableaux pleins de lumière. Quant à la musique de Amine Bouhafa, le compositeur franco-tunisien des musiques de Timbuktu, La belle et la meute et Amin, elle est à la fois présente et discrète.

Conclusion

Premier film de la Sélection de la Semaine de la Critique de Cannes 2019 à être projeté, Le miracle du saint inconnu a fait office de mise en bouche pour un certain nombre de festivaliers. Eh bien, des mises en bouche comme cela, on en redemande ! Avec ce film à la fois cocasse et grave, empreint d’un humour d’une grande finesse, Alaa Eddine Aljem vient tout simplement se placer, dès son premier long métrage, aux côtés de Aki Kaurismäki et de Elia Suleiman. On attendra avec impatience le deuxième long métrage de ce jeune réalisateur.

https://www.youtube.com/watch?v=0dDpCHgLBUM

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