Critique : Le char et l’olivier une autre histoire de la Palestine

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Le char et l’olivier une autre histoire de la Palestine

France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Roland Nurier
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h41
Genre : Documentaire
Date de sortie : 6 novembre 2019

4.5/5

Intéressé par la géopolitique depuis longtemps, Roland Nurier a effectué plusieurs voyages vers la Palestine entre 2014 et 2017, voyages qui lui ont permis de rencontrer des  israéliens et des palestiniens et de constater « de visu » les énormes difficultés rencontrées par les palestiniens dans leur vie quotidienne. L’idée de réaliser un documentaire a alors germé en lui, un documentaire mêlant le passé, l’histoire de la Palestine, et le présent, la situation d’apartheid vécue par la population palestinienne et sa lutte pour l’égalité des droits.

Synopsis : L’histoire de la Palestine, de son origine à aujourd’hui, loin de ce que les médias appellent le conflit israélo-palestinien. Experts internationaux, historiens, diplomates des Nations unies, juristes en Droit International mais aussi, témoignages de simples citoyens… Un éclairage primordial basé sur des éléments factuels incontestables, pour se débarrasser des clichés et idées reçues !

Palestine : passé, présent

Sionisme : « Mouvement dont l’objet fut la constitution, en Palestine, d’un état juif ».  Palestine : « désignation depuis l’antiquité d’une région du Proche-Orient située entre la Méditerranée d’une part, le Jourdain et la Mer Morte d’autre part, recouvrant aujourd’hui l’état d’Israël et les Territoires palestiniens ». C’est par ces deux définitions données par le Larousse que commence le film de Roland Nuriez. Un film qui, en 100 minutes chrono, très denses et d’une richesse exceptionnelle, explique ce qui s’est passé dans cette région depuis la fin du 19ème siècle, alors qu’elle était une province de l’empire ottoman peuplée de 400 000 habitants, jusqu’à aujourd’hui. Très vite, une citation ne peut que marquer fortement les esprits : « Si j’étais un leader Arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal ; nous avons pris leur pays. Il est vrai que Dieu nous l’a promis, mais comment cela pourrait-il les concerner ? Notre dieu n’est pas le leur. Il y a eu l’antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais était ce leur faute ? Ils ne voient qu’une seule chose : nous sommes venus et nous avons volé leurs terres. Pourquoi devraient t-ils accepter cela ? ». L’homme qui a prononcé ces mots, cités par le dirigeant sioniste Nahum Goldmann dans son livre « Le paradoxe juif »,  n’est autre que David Ben Gourion, fondateur de l’état d’Israël et premier ministre de ce pays pendant 14 ans.

On a tous sa petite idée sur ce qu’on a coutume d’appeler le conflit israélo-palestinien, une petite idée issue principalement de deux sources : d’un côté, sa propre sensibilité sur le sort des juifs dans l’histoire de l’humanité et, plus particulièrement, sur le sort fatal pour 6 millions d’entre eux du fait du nazisme, et sa propre sensibilité sur le sort des palestiniens depuis la création de l’état d’Israël ; de l’autre, tout ce que nous apportent les médias sur ce sujet. Des médias qui, eux-mêmes, sont façonnés par divers lobbys qui font pencher la balance d’un côté ou de l’autre. En France, le lobby le plus influent est incontestablement le CRIF, Le Conseil représentatif des institutions juives de France, une organisation fondée en 1944, une organisation dont l’objectif était alors le sauvetage des Juifs réfugiés en France et dont l’avocat Théo Klein, un de ses anciens présidents, reconnait qu’elle est, aujourd’hui, devenue l’ambassade bis d’Israël.

Un film important

Lorsque l’état d’Israël a vu le jour,  le 14 mai 1948, rares étaient celles et ceux qui, dans les pays occidentaux, n’affichaient pas une sympathie certaine avec les nouveaux habitants et le gouvernement de ce nouvel état : on sortait de la guerre, il y avait eu la Shoah, on ne savait pas ou on faisait semblant de ne pas savoir que 700 000 palestiniens se retrouvaient de ce fait chassés de leur terre  et de leurs domiciles. Petit à petit, cette perception s’est modifiée et, sans oublier, bien au contraire, tout ce que les Juifs ont subi dans le passé, de plus en plus nombreux sont celles et ceux qui sont touchés par le sort des palestiniens et qui remettent en cause la politique de l’état d’Israël, de plus en plus dure, de plus en plus injuste à leur égard. Toutefois, il reste un obstacle majeur à l’expression de cette solidarité avec le peuple palestinien : vous émettez la moindre critique de la politique israélienne,  et vous voilà taxé d’antisémitisme par le CRIF et les lobbys similaires. Comme le rappelle dans le film Christiane Hessel Chabry, son épouse, c’est exactement ce qui est arrivé à Stéphane Hessel, aux origines juives pour moitié et père de 3 enfants juifs, car de mère juive !

C’est là qu’un film comme Le char et l’olivier a toute son importance : montrer, prouver que critiquer la politique d’Israël n’est en rien faire preuve d’antisémitisme. En effet, le film montre que la création de l’état d’Israël est tout simplement le résultat d’une colonisation qui a commencé à la fin du 19ème siècle, qui a été approuvée et soutenue par les autres pays colonisateurs de l’époque, tels la Grande-Bretagne et la France, qui a été approuvée et soutenue par de nombreux antisémites qui voyaient là un moyen de se débarrasser des juifs d’Europe. Un processus de colonisation qui s’est amplifié avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir et le génocide des juifs organisé par les nazis. C’est principalement par l’intermédiaire de conversations avec deux dizaines de personnalités internationales et de simples citoyens que nous sont narrés l’histoire de la Palestine et le présent de sa population : journalistes, historiens, avocats, diplomates, écrivains, experts de l’ONU, habitants des territoires occupés ou de la bande de Gaza, français (dont Pierre Stambul, le porte-parole de l’Union juive française pour la paix, et une militante de cette même organisation dont les représentants sont très rarement invités par les médias de notre pays), suisses, israéliens, palestiniens, amérindien, africain du sud, tous affichant un grand calme et beaucoup de sérénité pour évoquer : les arguments utilisés pour justifier l’arrivée de colons juifs en Palestine (par exemple, « Nous apportons la civilisation chez des populations barbares ») ; la construction de l’état juif, avec sa banque, son armée, ses syndicats, plusieurs années avant Auschwitz ; la proposition faite à l’ONU en 1947 par le grand-père maternel de Leïla Shahid de créer un état palestinien qui accueillerait les immigrants juifs, importante proposition qu’on ne retrouve dans aucun livre d’histoire ; le refus affiché après la 2ème guerre mondiale par certains pays, dont les Etats-Unis, d’accueillir de nouveaux réfugiés juifs sous prétexte qu’ils avaient dorénavant leur propre pays ; l’extraordinaire moment de manipulation de 1967, cherchant à imposer l’idée qu’Israël n’avait fait que riposter à une attaque qui mettait le pays en danger alors que ce sont les israéliens qui ont pris la décision d’attaquer ; les résolutions de l’ONU qui ne sont jamais suivies d’effet ; l’émergence du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions concernant Israël, sur le modèle du boycott international contre l’apartheid en Afrique du Sud) ;  les 4000 morts parmi la population de Gaza lors des guerres de 2008, 2012 et 2014 ; les tours tueuses de Gaza commandées depuis Tel Aviv et qui tuent aveuglement des populations civiles ; le refus par le Secrétaire général de l’ONU de publier un rapport rédigé suite à la demande de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale de l’ONU et à une enquête approfondie par 2 juristes de renommée mondiale et membres des Nations Unies, et dont la conclusion était « Sur la base d’une recherche académique et de preuves accablantes, ce rapport établit qu’Israël est coupable du crime d’apartheid » ; les points communs entre la situation en Palestine, celle des populations noires d’Afrique du Sud du temps de l’apartheid et celle que vivent toujours les amérindiens dans leurs réserves ; etc., etc., etc..

Les enseignements qu’on peut tirer de ce film sont nombreux. Certains, comme Rania Madi, juriste  internationale et déléguée auprès de l’ONU pour les réfugiés, y verront l’espoir qu’un jour la justice sera rendu au peuple palestinien avec la reconnaissance de ses droits, d’autres concluront que la situation d’apartheid ne va faire que croître dans les années à venir et qu’on ne verra jamais la naissance d’un état palestinien à côté de l’état israélien. Nous conclurons en reprenant ce que disent de nombreux palestiniens : « Continuer de vivre, c’est déjà résister » et en affirmant qu’il est important de voir Le char et l’olivier.

Un film passionnant

On pourrait se montrer a priori inquiet d’avoir à subir pendant 1 heure 40 le discours de personnes qui se succèdent à l’écran, revenant pour certains à intervalle régulier. Cette inquiétude n’est pas fondée : venant compléter la parole, le film, par ailleurs particulièrement réussi au niveau du montage, propose des images d’archive, des images d’actualité, des cartes, des tableaux et de magnifiques lavis dont les teintes sépia font référence au passé et qui remplacent avantageusement une partie film d’animation que le réalisateur rêvait d’inclure dans Le char et l’olivier mais qu’il a dû abandonner par manque de moyens financiers. Le résultat est un film non seulement historiquement et politiquement important mais aussi passionnant à regarder.

Conclusion

La diffusion du film Le char et l’olivier à une heure de grande écoute sur une chaîne de télévision française serait la bienvenue. Ne rêvons pas : il est fort probable que cela n’arrivera jamais. Dans le film, un palestinien nous dit qu’il faut aller en Palestine, qu’il faut aller voir le mur, qu’il faut aller rencontrer les nombreux blessés du fait des exactions israéliennes, qu’il faut aller se rendre compte par soi-même de la situation d’apartheid que vivent les populations palestiniennes, que ce soit en Israël même, dans les territoires occupés ou, pire encore, à Gaza. Il a raison ! Toutefois, pour commencer, il faut aller voir ce film !

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