Critique : La permission

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La permission

Iran : 2018
Titre original : Aragh-e Sard
Réalisation : Soheil Beiraghi
Scénario : Soheil Beiraghi
Interprètes : Baran Kosari, Amir Jadidi, Sahar Dowlatshahi
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 1h28
Genre : drame
Date de sortie : 28 novembre 2018

3/5

2 ans après Man, son premier long métrage, jamais sorti en France, le réalisateur iranien Soheil Beiraghi a choisi le sujet de son deuxième film dans la réalité de son pays : les difficultés rencontrées par les femmes pour divorcer si leur mari n’est pas d’accord, l’interdiction faite aux femmes mariées de quitter le territoire sans l’autorisation de leur mari.

Synopsis : D’après une histoire vraie.
Afrooz est la capitaine de l’équipe féminine de futsal en Iran. Après 11 ans de travail acharné, son rêve devient réalité : l’Iran est en finale de la Coupe d’Asie des nations.
Mais au moment d’embarquer pour la Malaisie, elle apprend que son mari lui interdit de sortir du territoire. En Iran, une femme doit obtenir l’autorisation de son mari pour pouvoir voyager.
Afrooz doit alors réussir à convaincre son mari de la laisser partir, par tous les moyens…

Une grande frustration

Belle récompense pour l’équipe féminine de futsal iranienne : elle vient de se qualifier pour la finale de la Coupe d’Asie des Nations. Belle récompense pour Afrooz Ardestani, sa capitaine, sa joueuse vedette, arrivée au sommet de sa carrière sportive. Sauf que, lorsqu’elle se présente à l’embarquement pour le vol vers la Malaisie, où va se dérouler la compétition, il lui est notifié que son mari lui interdit de sortir du territoire national. Une vengeance mesquine de ce dernier qui ne supporte pas que sa femme veuille divorcer. Elle qui, depuis onze ans, a presque tout sacrifié pour arriver au plus haut niveau, ne pourrait donc pas réaliser son rêve : représenter son pays dans une grande compétition. Pas question pour elle de se laisser faire. Aidée par une coéquipière et par son avocate, pas vraiment aidée par la fédération de son sport et vraiment pas aidée par l’entraîneuse de l’équipe avec qui, malgré le talent de la joueuse, les relations sont très mauvaises, Afrooz va se battre. Mais est-il possible de gagner quand on a la loi contre soi ?

La différence de statut entre les hommes et les femmes, on la prend en pleine figure lors d’une très forte scène de tribunal où on voit et on entend Afrooz, son avocate et son mari et où on entend, sans le voir, l’homme de loi chargé de rendre la justice. Pas le mauvais bougre, ce juge : on comprend vite qu’il aimerait bien que les choses s’arrangent, que Yaser Shahoseini, le mari, accepte de coopérer, que Afrooz puisse prendre son avion vers la Malaisie, mais, malgré la mauvaise foi évidente et révoltante de Yaser, que peut un homme de loi contre la loi ?

 

Un pays plein de contradictions

Le futsal est un sport populaire en Iran et la pratique féminine est loin d’être négligeable. Au point que, en mai dernier, l’équipe féminine nationale a remporté pour la deuxième fois le championnat asiatique de ce sport. Gros bémol : aucun match de cette compétition n’a été montré à la télévision, les équipes adverses jouant en short et les bras nus, ce qui est totalement inacceptable en Iran où, pour être montrées, toutes les parties du corps féminin doivent être recouvertes . Cette victoire, en tout cas, prouve que le point de départ du film est tout ce qu’il y a de plus plausible. Tellement plausible que le scénario s’est vraiment déroulé en 2015, lors de la première édition du championnat de la Confédération asiatique de futsal : alors qu’il est lui-même présentateur dans la chaîne iranienne des sports,  le mari de Niloufar Ardalani, l’une des meilleures joueuses de l’équipe féminine iranienne de futsal, a refusé de lui accorder le droit de partir en Malaisie pour participer à cette compétition. Ajoutons qu’en 2017, si on se limite au sport, 8 athlètes iraniennes n’ont pu voyager en raison du désaccord de leur mari ! Comme si elles étaient toujours des enfants, en Iran, les femmes ont besoin qu’on leur donne la permission ! Cela étant rapporté, n’oublions pas que, dans notre beau pays, il a fallu attendre 1965 pour que les femmes soient autorisées à ouvrir un compte en banque et à travailler sans l’autorisation de leur mari !!

Ce que montre La permission de l’Iran, c’est un pays qui collectionne les contradictions : un pays où les femmes peuvent conduire, où les réseaux sociaux semblent avoir beaucoup de poids, un pays très moderne en matière de technologie mais particulièrement rétrograde en ce qui concerne les droits élémentaires des femmes et en ce qui concerne leur habillement et leur chevelure. Un pays dans lequel l’entraîneuse de l’équipe féminine est chargée de contrôler que le port du hijab est pratiqué selon la norme par les joueuses. Un pays dans lequel ce film, qui montre de façon très critique la situation qui est faite aux femmes, a été présenté dans le principal Festival de cinéma du pays.

Trop bavard

Fille de la réalisatrice Rakhshan Bani Etemad et du producteur Jahangir Kosari, Baran Kosari, l’interprète du rôle d’Afrooz, a toujours baigné dans le monde du cinéma et, à 33 ans, elle a déjà une longue carrière derrière elle. Une carrière qu’on connait mal, la plupart des films dans lesquels elle a tourné n’ayant pas connu de sortie dans notre pays. Elle qui est connue pour son engagement militant dans des causes sociale s’est beaucoup investie dans ce film, y compris avec un travail physique important pour être crédible dans son rôle de sportive. Pour interpréter le rôle de Yaser, le mari, Soheil Beiraghi a choisi Amir Jadidi, un comédien qui était déjà en tête d’affiche de son premier long métrage : excellent dans son rôle à deux facettes, mielleux dans ses interventions de présentateur de télévision, odieux dans son comportement de mari qui se régale de faire souffrir sa femme en ayant le droit pour lui.

Face à un sujet aussi fort, et malgré la révolte qu’on ressent face à la cruelle injustice subie par Afrooz, on peut s’étonner d’avoir un certain mal à entrer vraiment dans le film. En fait, la raison est très simple : le film est bavard, criard, très bavard, très criard, trop bavard, trop criard. Certes, face à une injustice on peut avoir tendance à monter le niveau sonore de ses interventions, mais, dans La permission, il faut admettre que cela ne passe pas toujours très bien.

Conclusion

Difficile de ne pas s’intéresser à un sujet aussi fort que celui traité dans La permission. Difficile de ne pas se sentir révolté par l’injustice subie par la protagoniste du film. Dans ce contexte, il est particulièrement dommage que le côté trop bavard et criard du film conduise à émettre des réserves sur le résultat final.

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