Critique : Ghost in the Shell (2017)

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Scarlett Johansson plays The Major in Ghost in the Shell from Paramount Pictures and DreamWorks Pictures in theaters March 31, 2017.

Ghost in the shell

États-Unis : 2017
Titre original : –
Réalisateur : Rupert Sanders
Scénario : Jamie Moss, William Wheeler, Ehren Kruger, d’après l’œuvre de Masamune Shirow
Acteurs : Scarlett Johansson, Pilou Asbæk, Takeshi Kitano
Distribution : Paramount Pictures France
Durée : 1h47
Genre : Science-Fiction
Date de sortie : 29 mars 2017

Note : 3,5/5

Sorti ce mercredi dans nos salles, Ghost in the Shell de Rupert Sanders est le remake du classique d’animation de Mamoru Oshii sorti en 1995. Film de science-fiction d’anticipation ambitieux, cette œuvre adaptée d’un manga culte des années 1980 offrait une profondeur philosophique rare et abyssale, un film fédérateur et unique. Un peu plus de vingt ans plus tard, les américains de Paramount et Dreamworks se penchent sur l’affaire et nous offrent cette variation sur le même thème, portée par la prestation convaincue de Scarlett Johansson.

 

 

Synopsis : Dans un futur proche, le Major est unique en son genre: humaine sauvée d’un terrible accident, son corps aux capacités cybernétiques lui permet de lutter contre les plus dangereux criminels. Face à une menace d’un nouveau genre qui permet de pirater et de contrôler les esprits, le Major est la seule à pouvoir la combattre. Alors qu’elle s’apprête à affronter ce nouvel ennemi, elle découvre qu’on lui a menti : sa vie n’a pas été sauvée, on la lui a volée. Rien ne l’arrêtera pour comprendre son passé, trouver les responsables et les empêcher de recommencer avec d’autres…

 

 

La simplification du blockbuster américain

La version de Rupert Sanders demeure fidèle à l’original, un film qui tente de se rapprocher des fondements scientifiques et philosophiques qui dominaient les œuvres de Oshii. Les questionnements demeurent les mêmes, ce personnage du Major, cyborg entièrement synthétique mais doté d’une âme, recherche sa véritable nature et se pose des questions sur sa condition. Est-elle humaine ? Est-elle simplement un objet manufacturé ? Ces problèmes occupent son esprit, comme dans le dessin animé. De plus, elle doit combattre un antagoniste ambigu et paradoxal, qui se rapproche d’elle mais n’a pas les mêmes ambitions. Les problèmes sont bien amenés, mais on dénotera néanmoins une simplification des enjeux, représentative du blockbuster américain.

Les personnages sont moins subtils, plus caricaturaux, à l’image du méchant et du médecin, stéréotypes en puissances. Les enjeux sont simplifiés, le major ne vient pas contredire l’ordre établi comme dans l’original, mais préfère rester dans sa condition, dans son état. Ici elle ne s’affranchit pas, mais préfère se conforter dans sa situation. L’apport critique et de libération est donc effacé, au profit d’une fin beaucoup plus manichéenne et simplifiée. Les fondements philosophiques sont eux aussi abrégés, plus abordables pour un plus large public. La claque philosophique devient un simple brouillon dans cette version, où les fondements sont délaissés au profit de quelques questionnements internes basiques.

De même, Rupert Sanders choisit d’offrir une back story au personnage. Pas une mauvaise idée en soit, mais le manque d’originalité dans ce passé ajouté déçoit énormément. Rupert Sanders offre une romance classique et détestable à ce personnage charismatique et mystérieux. Le major perd donc en subtilité, en témérité, devient moins énigmatique. De même l’idée d’ajouter les bribes de son passé dans sa réalité actuelle sous forme de matérialisations synthétiques est également une bonne chose, mais utilisée de manière paresseuse. Les personnages secondaires sont délaissés, et le major est plus explicite pour tenter de créer l’empathie au près du spectateur.

 

 

Une esthétique irréprochable

Rupert Sanders reprend des scènes emblématiques de l’animé, à l’image de ce combat culte dans l’eau. L’esthétique est splendide, quelque part entre Blade Runner, Le cinquième élément et Akira dans un néo-tokyo impressionnant. Un mélange moderne et crasseux qui fait référence aux classiques du genre. Via des images de synthèses renversantes, Rupert Sanders signe des scènes d’action efficaces et d’une beauté confondante, rythmées et prenantes.

De même, Scarlett Johansson est impériale, très concentrée dans ce rôle subtil, quelque part entre humanité et robotique. Elle devait apporter au personnage la neutralité qui faisait la force du personnage dans le film de Oshii. Neutralité qui soulignait son état ambigu et son manque de connaissance sur elle-même. L’actrice relève le défi haut la main. La version du major de Rupert Sanders est moins érotique que la version de Oshii, obsédé par le corps féminin. Dans la version américaine, Hollywood oblige, cet érotisme est également effacé. Scarlett Johansson devient une silhouette suggestive mais n’apparaît pas comme la forme sexuelle parfaite que lui avait donnée Oshii. Pour autant la notion de perfection est abordée mais d’avantage sur le terme de l’esprit que du corps, pour autant les deux sont liés dans l’animé.

 

 

Conclusion

Ainsi, cette nouvelle version de Ghost in the Shell n’est pas dénuée d’âme, mais demeure une grossière simplification de l’œuvre de Mamoru Oshii. En cela, et malgré des qualités que l’on serait de mauvaise foi de passer sous silence, le film de Rupert Sanders s’avère assez représentatif du cinéma hollywoodien actuel.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Voilà une bien fine analyse, félicitation !

    Vous n’évoquez tout de même pas la musique. On remarque notamment que l’image de la scène d’intro est frappée de mimétisme par celle de l’animé, pourtant la musique ne semble pas assumer ses inspirations avec ce dernier. On regrette par conséquent d’entendre l’oeuvre culte de Kenji Kawai au générique de fin seulement.

    Non ?

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