Critique Express : Harka

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Harka

France : 2022
Titre original : –
Réalisation : Lotfy Nathan
Scénario : Lotfy Nathan
Interprètes : Adam Bessa, Salima Maatoug, Ikbal Harbi
Distribution : Dulac Distribution
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 2 novembre 2022

3/5

Synopsis : Ali, jeune tunisien rêvant d’une vie meilleure, mène une existence solitaire, en vendant de l’essence de contrebande au marché noir. À la mort de son père, il doit s’occuper de ses deux sœurs cadettes, livrées à elles-mêmes dans une maison dont elles seront bientôt expulsées. Face à cette soudaine responsabilité et aux injustices auxquelles il est confronté, Ali s’éveille à la colère et à la révolte. Celle d’une génération qui, plus de dix ans après la révolution, essaie toujours de se faire entendre…

Plus de dix ans après, que reste-t-il du Printemps arabe ?

Ali est un pauvre bougre qui vit d’expédients à Sidi Bouzid, au centre de la Tunisie : il tire de faibles revenus en vendant de l’essence au bord de la route, essence de contrebande qu’il a lui-même achetée au marché noir, des revenus d’autant plus faibles qu’il est racketté par un policier corrompu qu’il doit payer jour après jour pour pouvoir continuer son petit trafic. Les dinars qu’il en retire, il les cache dans le mur du chantier de construction qu’il squatte en l’absence de son propriétaire. Son rêve de partir en Europe est brisé par le décès de son père et le départ de son frère pour Hammamet : c’est à lui, dorénavant, de s’occuper de ses deux sœurs ! Une tâche d’autant plus difficile pour Ali lorsqu’il apprend que son père devait 8 000 dinars à une banque et que tous les biens de la famille seront saisis s’il ne les rembourse pas. Que faire, alors que la rage s’empare d’Ali ? Essayer de récupérer l’emploi qu’occupait son père ? Prendre le risque de s’impliquer davantage dans le trafic d’essence ? Se sacrifier pour exprimer sa colère ?

Cette histoire de trafic d’essence qui baigne ce premier long métrage de fiction de Lotfy Nathan, un réalisateur aux origines égyptiennes, né à Londres et vivant aux Etats-Unis, n’est sans doute pas anodine : le film a été tourné à Sidi Bouzid, la petite ville tunisienne d’où est parti le Printemps arabe, le 17 décembre 2010, avec l’immolation de Mohamed Bouazizi, lui aussi marchant ambulant, devant le siège du gouvernorat. Plus de 10 ans après, que reste-t-il de ces moments d’espoir pour des populations vivant chichement, entourées par l’injustice et la corruption ? Pas grand chose, semble-t-il, et c’est ce que nous montre Harka ! Harka, un mot arabe qui semble avoir de nombreuses significations, différentes peut-être d’un pays à l’autre. D’après le réalisateur, harka signifie brûler mais désigne aussi, en argot tunisien, un migrant qui traverse illégalement la Méditerranée en bateau. Deux significations qui collent parfaitement avec le film : d’un côté, une histoire inspirée par Mohamed Bouazizi, de l’autre, un personnage principal qui rêvait de partir vers l’Europe. Le tableau que dresse Lofty Nathan de la Tunisie d’aujourd’hui est désespérant, et, même si son film, tourné en 35 mm, souffre un peu d’hésiter entre conte pour adultes, ce à quoi fait penser l’utilisation en « voix off » de la voix de la sœur d’Ali, et brûlot politique, il arrive à nous faire entrée en sympathie avec le personnage d’Ali. Présenté dans la sélection Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, Harka a permis au comédien Adam Bessa, l’interprète du rôle d’Ali, d’obtenir un Prix d’interprétation amplement mérité. 


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