Critique Express : Corsage

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Corsage 

Autriche : 2022
Titre original : –
Réalisation : Marie Kreutzer
Scénario : Marie Kreutzer
Interprètes : Vicky Krieps, Florian Teichtmeister, Katharina Lorenz
Distribution : Ad Vitam
Durée : 1h53
Genre : Drame, historique, biopic
Date de sortie : 14 décembre 2022

3.5/5

Synopsis : Noël 1877, Élisabeth d’Autriche (Sissi), fête son 40e anniversaire. Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Étouffée par ces conventions, avide de savoir et de vie, Élisabeth se rebelle de plus en plus contre cette image.

La difficile recherche de la liberté

Depuis Kaiserin Elisabeth von Österreich, en 1921, le premier film centré sur Elisabeth d’Autriche, plus connue sous le nom de Sissi, il ne s’est guère passé d’année sans, qu’en Allemagne ou en Autriche, un film lui soit consacré, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Sur la période 2021-2022, on compte même la sortie de 5 films, séries ou téléfilms, racontant son histoire d’une façon ou d’une autre. De toute évidence, le plus important n’est autre que Corsage, le film de la réalisatrice autrichienne Marie Kreutzer, présenté à Cannes 2022 dans la sélection Un Certain Regard et qui a vu Vicky Krieps, l’interprète du rôle d’Elisabeth, partager le Prix de la meilleure performance avec Adam Bessa, l’interprète du rôle d’Ali dans le film tunisien Harka. Loin de couvrir toute la vie de Sissi, Corsage se concentre sur 2 années, 1877 et 1878, c’est-à-dire sur la période où elle devient quadragénaire.

On notera que, en choisissant de prendre un mot français comme titre du film, la réalisatrice ou les producteurs ont commis l’erreur de confondre « corsage » avec « corset ». En effet, au vu du film, il est évident que, quitte à choisir un mot français, Corset aurait été beaucoup mieux adapté que Corsage pour rendre compte de la situation corsetée que Sissi vit  depuis des années et dont elle décide de s’affranchir avec beaucoup de conviction. D’ailleurs, on voit à plusieurs reprises des dames de compagnie procéder à des serrages et à des desserrages de corsets, et non de corsages. De plus, pour nous francophones, Corsage s’entend comme Corps sage, ce que Sissi se refuse à être, n’hésitant pas à prendre des amants, dont Bay, un palefrenier anglais.  Autant dire que l’image de Sissi dans Corsage, femme au caractère bien trempé, féministe avant l’heure, est très loin de celle, beaucoup plus sage, beaucoup plus obéissante, donnée dans la fameuse trilogie, Sissi, Sissi impératrice et Sissi face à son destin, réalisée par Ernst Marischka entre 1955 et 1957 avec Romy Schneider dans le rôle de l’impératrice. A propos de cette trilogie, une suggestion : la lecture de l’article que Julien lui avait consacré en 2011 : c’est ici !

Il y a toutefois au moins un point commun entre Corsage et cette fameuse trilogie : d’une manière générale, la liberté prise par rapport à la vérité historique. Toutefois, cette liberté est sans doute mieux assumée dans Corsage, dans la mesure où elle s’accompagne d’un certain nombre d’anachronismes dont il est impossible d’imaginer qu’ils ne sont pas volontaires. A titre d’exemple, le doigt d’honneur que Sissi fait à l’ensemble des convives au cours d’un repas. De même, concernant le domaine de la musique, Corsage va jusqu’à faire chanter à un personnage « As tears go by », chanson composée en 1964 par Mick Jagger et Keith Richards alors que la trilogie restait sagement dans des musiques de Josef Haydn et de Johann Strauss. Il n’est pas interdit de voir dans le choix de cette chanson des Rolling Stones un clin d’oeil au fait que celle qui fut la première à en faire un succès, Marianne Faithfull, avait, du côté de son grand-père maternel, une ascendance dans la dynastie des Habsbourg.

En tout cas, malgré la liberté prise par rapport à la stricte vérité historique, malgré les anachronismes parfaitement assumés, ou, peut-être, à cause de la liberté qui découle de ces choix, Corsage est un film d’un intérêt certain, ne serait-ce que par ce qu’il amène comme féminisme dans une société corsetée et très éloignée de ce type de préoccupation, par ce qu’il montre d’une femme fatiguée qui décide d’arrêter de se conformer à l’image parfaite qu’elle véhiculait plus jeune, l’amenant à pratiquer l’escrime et à faire du cheval, à surveiller sans arrêt son poids au point de devenir anorexique même si, à l’époque, les canons de beauté valorisaient surtout les femmes potelées, une femme qui, bafouant les conventions, va décider de quitter Vienne pour aller en Angleterre et aller jusqu’à se charger de trouver une maîtresse pour François-Joseph, son mari, afin d’obtenir de ce dernier un plus grand espace de liberté. Par ailleurs, c’est avec un brin d’étonnement qu’on entend un médecin prescrire de l’héroïne à Sissi, un nouveau médicament, dit-il, qui calme les douleurs et qui est totalement inoffensif ! On ne sera pas surpris de retrouver Vicky Krieps dans le rôle d’Elisabeth, puisque c’est elle qui est à l’origine du film et qu’elle en est la productrice exécutive. Même si on n’est toujours pas totalement convaincu par sa prestation, la comédienne luxembourgeoise et de mère allemande, se montre plus convaincante que dans Plus que jamais, sorti il y a un mois. A ses côtés, le comédien autrichien Florian Teichtmeister campe un empereur François-Joseph 1er très crédible. Quant à l’inventeur Louis Le Prince qui, dans le film, propose à Sissi de la filmer, il est interprété par Finnegan Oldfield. Ce précurseur du cinéma a vraiment existé mais il n’a jamais rencontré Elisabeth d’Autriche !

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