Critique Express : Confidente

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Confidente 

Turquie, France, Luxembourg : 2025
Titre original : –
Réalisation : Çağla Zencirci, Guillaume Giovanetti
Scénario : Çağla Zencirci, Guillaume Giovanetti
Interprètes : Saadet Işıl Aksoy, Erkan Kolçak Köstendil, Muhammet Uzuner
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 1h16
Genre : Drame
Date de sortie : 6 août 2025

4/5

Synopsis : Ankara, 1999. Arzu enchaîne les appels tarifés dans le call center érotique où elle travaille. Quand un séisme soudain frappe Istanbul, un jeune homme avec lequel elle était en ligne est pris au piège sous des décombres et la supplie de le sauver. Arzu saurait bien qui appeler… au péril de sa propre vie.

Confidente est le 4ème long métrage réalisé par Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti. Ce couple franco-turc a pour habitude d’aborder un nouveau registre à chaque nouveau film : Noor (2012) était un road-movie ayant comme personnage principal un membre des Khusras, la communauté des transgenres du Pakistan ; Ningen (2015) était un mélange de film réaliste et de film fantastique se déroulant au Japon ; Sibel (2019), tourné en Turquie, tenait à la fois du conte, du thriller et du western ; Confidente est un huis-clos tourné en Turquie qui reprend les codes des thrillers psychologistes. Tout en étant très différents (L’importance de la nature dans Sibel, l’enfermement dans Confidente), il y a au moins un point commun entre les 2 derniers films de Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti : l’importance donnée à la parole dans leurs scénarios. Sauf que, dans Sibel, c’est l’absence de parole chez le personnage principal, remplacée par un langage sifflé, qui est mise en avant alors que, dans Confidente, la parole est le principal atout du personnage principal. En effet, on est en 1999 et Arzu, 40 ans, travaille à Ankara comme opératrice téléphonique dans un call-center érotique. Arzu, qui signifie « désir » en turc, est son pseudo de travail, son véritable prénom étant Sabiha, qui signifie « heureuse » en turc. Pour Arzu, ce travail est à double-tranchant : son objectif principal étant d’obtenir la garde de son fils, il lui permet de gagner sa vie et d’avoir la possibilité de payer l’avocat qui l’assiste dans son combat judiciaire, mais, par ailleurs, vu son côté sulfureux, elle se doit de le garder secret. Entre le comportement intéressé à son sujet de son patron, une certaine forme de jalousie de la part d’une partie de ses collègues, la quasi interdiction de passer des appels personnels vers l’extérieur et la lourdeur des propos qu’elle doit supporter de la part de la plupart des clients, la vie d’Arzu n’a rien d’un long fleuve tranquille. Toutefois, même si elle n’a pas choisi ce travail par vocation, elle s’efforce de le faire sérieusement : elle tient des fiches détaillées sur ce qui lui disent ses clients réguliers, sur les détails de leur existence qu’ils lui fournissent, ce qui lui permet de montrer à chacun d’entre eux l’intérêt qu’elle leur porte.

C’est de façon tout aussi sérieuse que cette opératrice de call-center érotique se transforme en secouriste à distance lorsque se manifeste le tremblement de terre qui a frappé le nord-ouest de la Turquie le 17 août 1999. La distance entre l’épicentre du tremblement de terre et Ankara est proche de 300 kilomètres et la population de la capitale de la Turquie n’a presque rien senti, au point que le patron fait remarquer à ses employées que « Le séisme est à Istambul, pas ici » et qu’une des opératrices s’emporte contre certains clients : « des gens meurent sous les décombres et eux sont toujours la bite à la main ! ». De son côté, Arzu fait tout son possible pour sauver un adolescent pris sous les décombres : elle l’a au bout du fil, il la supplie de tout faire pour qu’il puisse être sauvé. Alors que l’organisation des secours est défaillante, Arzu dispose d’une « arme » dont elle peut se servir mais qui n’est pas sans risque pour elle : les dernières conversations qu’elle a eues dans le cadre de son travail lui permettent de savoir où se trouve le Procureur qui, en principe, est chargé de coordonner les secours : il participe à une partouze ! Que faire ? A l’instar de The guilty, le film du danois Gustav Möller sorti il y a 7 ans, Confidente prouve qu’on peut tenir en haleine les spectateurs pendant plus d’une heure en ne quittant pratiquement jamais un personnage accroché à son téléphone. Au départ, le tremblement de terre qui a touché la Turquie en 2023, une fois de plus mal géré par les autorités, a incité Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti à traiter ce sujet. Par contre, par respect pour les victimes, leurs familles et les survivants, il leur est apparu éthiquement impossible d’utiliser des images d’archive ou de recréer de façon fictionnelle les conséquences de la catastrophe. D’où, finalement, l’idée du huis clos : « Le huis clos permet le hors-champ visuel, et le concept des appels téléphoniques le hors-champ sonore ». En outre, les différentes conversations impliquant Arzu permettent au film de passer d’un registre à l’autre, du rire à l’angoisse en passant par l’émotion, sans oublier la dénonciation de la corruption et de l’hypocrisie qui règnent dans les hautes sphères du pays. L’interprète de Arzu, la comédienne turque Saadet Işıl Aksoy, qu’on avait découverte dans Milk de Semih Kaplanoğlu et retrouvée dans Eastern Plays, du bulgare Kamen Kalev, est présente dans pratiquement tous les plans du film. Dégageant un extraordinaire magnétisme, elle s’y montre absolument exceptionnelle, et, cerise sur le gâteau, elle est très bien mise en valeur par la magnifique lumière de Eric Devin, le Directeur de la photographie, déjà présent sur Sibel.

 

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