Critique : Envole-moi (Christophe Barratier)

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Envole-moi

France, Italie, 2021

Titre original : –

Réalisateur : Christophe Barratier

Scénario : Matthieu Delaporte, Alexandre De La Patellière, Anthony Marciano et Christophe Barratier

Acteurs : Victor Belmondo, Gérard Lanvin, Yoann Eloundou et Marie-Sohna Condé

Distributeur : Pathé Distribution

Genre : Comédie dramatique

Durée : 1h31

Date de sortie : 19 mai 2021

3/5

Les bons sentiments coulent à flots dans cette comédie qu’on pourrait croire directement, quoique tardivement, inspirée du phénomène Intouchables. Or, tout comme le succès mondial, réalisé en 2011 par Eric Tolédano et Olivier Nakache, avait vu des adaptations locales apparaître dans divers pays, Envole-moi est en fait le remake français d’un film allemand. Dieses bescheuerte Herz – un titre que l’on peut traduire par Ce foutu cœur – de Marc Rothemund était sorti outre-Rhin en 2017 pour les fêtes de fin d’année. Heureusement, le spectateur échappe à l’esprit de Noël dans le cinquième long-métrage de Christophe Barratier. Sinon, le réalisateur se contente d’y faire ce qui constitue son fond de commerce depuis Les Choristes : alimenter la convention franchouillarde avec une certaine efficacité.

Inutile en fait de chercher quelque originalité que ce soit dans cette histoire agencée selon l’éternel dispositif des contraires qui s’attirent. Dans le cas présent, il se conjugue sous forme d’un adulte profondément immature qui apprend à vivre de façon plus responsable grâce à sa rencontre avec un pré-adolescent gravement malade. Vous l’aurez compris, ce dernier profitera en même temps de ce marché de l’enrichissement mutuel par voie de quelques virées dans des domaines de la vie qui lui étaient jusqu’à présent restées inaccessibles. Le tout est saupoudré d’un ton d’une extrême bienveillance. Cette ambiance douceâtre, mais pas non plus excessivement mielleuse, est à peine mise en question par des conflits familiaux, résolus en deux, trois séquences d’aveux ou de reproches, encore plus convenues que le reste du film.

© 2021 Julien Panié / Chapter 2 / France 2 Cinéma / Palomar / Pathé Films Tous droits réservés

Synopsis : Thomas vit au rythme de ses envies les plus égoïstes. Puisque son père, le docteur Reinhard, lui laisse tout passer, il s’amuse chaque nuit sans penser au lendemain. Jusqu’au jour où il va trop loin avec ses frasques de jeune adulte hédoniste. Son père lui donne alors le choix : soit il lui coupe les vivres, soit Thomas devra s’occuper de Marcus, un garçon de douze ans atteint depuis sa naissance de diverses pathologies graves.

© 2021 Julien Panié / Chapter 2 / France 2 Cinéma / Palomar / Pathé Films Tous droits réservés

Doudou de confiance

Mieux vaut ne pas avoir une mentalité trop cynique pour apprécier Envole-moi. Alors qu’il serait facile d’y décompter le nombre conséquent de poncifs qui accompagnent un récit largement prévisible, le fait de voir le verre à moitié plein peut s’avérer comme l’attitude la plus satisfaisante, afin de se laisser divertir et peut-être même émouvoir par cette intrigue inspirée d’une histoire vraie. Car en dessous de la surface consensuelle du film, alimentée sans cesse par la bande originale de Philippe Rombi, un cœur plus sensible et humain arrive à battre à un rythme toutefois irrégulier. L’enchaînement des passages obligés s’y opère dès lors, tout en laissant suffisamment respirer la relation centrale du scénario, au demeurant son principal point fort.

Malgré le battage médiatique autour du premier rôle principal de Victor Belmondo, petit-fils de, il serait injuste de ne pas reconnaître certaines qualités à son interprétation. Jusqu’au bout, son personnage sait préserver un petit côté chenapan, fort utile pour détendre l’atmosphère après chaque coup de tension ou d’émotion. C’est surtout sa complicité grandissante avec son patient, encore à cheval entre l’âge d’enfant et l’adolescence, qui soutient l’aspect tant soit peu authentique d’une trame narrative, vouée autrement à l’excès mélodramatique le plus indigeste. Là aussi, le jeu du débutant Yoann Eloundou crée des étincelles, avec son mélange espiègle entre la manipulation habile de ses proches et le désarroi face à un quotidien hautement pénible.

© 2021 David Koskas / Chapter 2 / France 2 Cinéma / Palomar / Pathé Films Tous droits réservés

Des roses qui se perdent

Ce qui ne signifie point que Envole-moi aspire à quelque pertinence formelle ou sociale que ce soit. D’une facture très conventionnelle, jusqu’au montage des efforts de réhabilitation qui ressemble à s’y méprendre à une publicité pour un réseau de télécommunication, la mise en scène de Christophe Barratier se met dans le meilleur des cas au service d’une histoire édifiante. Elle ne nous aménage certes aucune surprise, ni bonne, ni mauvaise. Mais elle réussit à orchestrer les moments de joie et de peine que les personnages doivent traverser ensemble sans trop sombrer dans l’emphase. Même pas lorsque le jeune protagoniste fait tomber toute inhibition et se met à chanter en mode karaoké la célèbre chanson de Jean-Jacques Goldman !

Il n’empêche qu’en termes de commentaire social, le propos de cette comédie somme toute inoffensive ne va pas bien loin. On y trouve un mélange guère concluant de clichés. Ceux-ci s’étendent depuis l’opposition caricaturale entre les milieux respectifs des futurs amis, d’ores et déjà à l’œuvre dans Intouchables – quartier pavillonnaire pour l’un, cité de HLM pour l’autre – jusqu’au voisin malveillant de Marcus, calqué assez hâtivement sur cette figure ringarde du grand jaloux aussi raciste que crétin. Quant à l’imperturbable Gérard Lanvin, la fonction de son rôle de père nous a l’air de consister davantage à alimenter le compte en banque de sa progéniture impertinente et, à la limite, à faire redémarrer la pompe cardiaque de son patient au moment opportun qu’à rendre le gain en maturité de son fils plus crédible.

© 2021 David Koskas / Chapter 2 / France 2 Cinéma / Palomar / Pathé Films Tous droits réservés

Conclusion

A lire nos divagations pour le moins mitigées sur Envole-moi, vous devez sans doute vous dire que nous avons dû détester notre première sortie cinéma depuis le déconfinement. Pourtant, tel n’est pas nécessairement le cas ! D’abord, parce que cette histoire touchante célèbre la vie dans toute sa fragilité. Elle y parvient en calculant en sourdine son prix inestimable, en dépit de sa facture filmique vaguement solide, incapable de dépasser le cadre d’une comédie populaire sans signe particulier. Et puis, aussi, à cause de sa valeur indiscutable de rappel nostalgique du monde d’avant, quand la joie de vivre ne dépendait que d’un peu de bonne volonté et d’empathie. En cela, le film de Christophe Barratier ne sera évidemment que le premier d’une longue série. Laissons-lui néanmoins le bénéfice du doute, acquis grâce au timing de sa sortie maintes fois repoussée.

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