Critique : American Honey

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american-honey-afficheAmerican Honey

Etats-Unis, Royaume-Uni, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Andrea Arnold
Scénario : Andrea Arnold
Acteurs : Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 2h44
Genre : Drame
Date de sortie : 8 février 2017

3/5

No future. C’est ce qui semble tendre les bras à Star, adolescente s’occupant de deux enfants qui ne sont pas les siens, au sein d’une famille quelque peu dysfonctionnelle, à la recherche d’un emploi. C’est pour ça qu’elle n’hésite pas bien longtemps lorsque l’occasion de fuir cette vie sans perspectives d’avenir se fait sous les traits de Jake (interprété par un très bon Shia LaBeouf). Elle part donc sur la route, avec une bande de marginaux, vivant de la vente de journaux en démarchant des particuliers. Rêvant d’un rêve Américain à priori inaccessible, elle va faire un bout de chemin rythmé par une histoire d’amour impossible et des soirées alcoolisées, tentant de se faire une place dans un petit groupe dirigé par Krystal (Riley Keough), avec qui le courant aura bien du mal à passer…

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Instantané d’une génération perdue

Ce genre de chronique sans réel enjeu, ou du moins sans dramaturgie classique et sa structure début-milieu-fin, peut vite se transformer en caricature de cinéma indépendant américain, entre les mains d’un réalisateur sans point de vue se contentant de dérouler les clichés habituels du genre sexe, drogue et rock’n’roll. Mais Andrea Arnold est une cinéaste plus subtile que ça. Déjà auteure de trois films remarqués des cinéphiles (Red Road, Fish Tank, Les Hauts de Hurlevent), et récipiendaire de deux prix du jury au Festival de Cannes pour les deux premiers (il s’agit donc de son troisième pour celui-ci), elle est coutumière d’un cinéma très sensoriel, toujours au plus près de ses personnages, et adepte du format carré, afin de ne pas détourner le spectateur des émotions primitives qu’elle cherche à faire passer. Alors que l’on pouvait attendre une chronique white trash dans l’esprit de cinéastes provocateurs tels que Larry Clark ou Harmony Korine, elle livre ici un instantané d’une génération perdue, sans chercher à choquer par des scènes de sexe ou de violence racoleuses qui détourneraient de l’essentiel. On se retrouve donc à suivre des personnages paumés tentant de survivre comme ils le peuvent, sans qu’il ne semble jamais se passer grand-chose de déterminant. La structure du film peut donc donner l’impression d’être répétitive, ce qui n’est pas faux, mais n’est pas gênant outre mesure, l’idée ici étant de faire ressentir des sensations enivrantes, comme si l’on faisait nous-mêmes parti du groupe.

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Comme un documentaire, ou presque

Le film n’a pas fait l’unanimité à Cannes, ayant été sifflé par quelques spectateurs dissipés. C’est la règle du jeu pour les films aux partis pris très marqués comme c’est le cas ici, et la cinéaste doit plutôt être du genre à préférer les réactions clivantes, que tièdes, du genre « c’est pas mal ». Par certains aspects, on peut voir quelques ressemblances avec le cinéma pratiqué par Xavier Dolan. Même si l’on est ici moins dans l’émotion extravertie que chez le jeune prodige québecois, la photographie très solaire, et les nombreux morceaux de musique complets parsemant l’ensemble du film y font immanquablement penser. C’est la limite du film. Car si cela fait évidemment plaisir d’entendre certains titres qui collent particulièrement bien à l’ambiance des scènes auxquelles ils sont associés, il y a un moment, où l’on a l’impression qu’il s’agit plus de meubler que de faire passer une émotion ou de dire quelque chose des personnages qui les chantent en cœur. On retiendra donc la scène sur fond de « Dream Baby dream » du boss Bruce Springsteen.

Mais sur la fin du film, les chansons s’enchaînent de façon un peu répétitive, ce qui nous fait dire que le film aurait pu s’arrêter plus tôt. Néanmoins, malgré ces défauts de construction, les 2h44 de projection passent très facilement, et lorsque le générique arrive, on est étonné que le film soit déjà fini, ce qui relève quelque part du tour de force. Le montage fluide et le côté aérien du film nous permettent de nous plonger dedans et l’on finit par avoir l’impression que ces personnages évoluant devant nous ne sont pas des personnages de fiction, mais de vrais marginaux, dans un vrai documentaire réalisé comme un film de cinéma. L’interprétation très juste de l’ensemble du casting, composé à la fois d’acteurs professionnels et amateurs, y est pour beaucoup et nul doute que l’on reverra à l’avenir le visage de Sasha Lane, à ce point cinégénique qu’il est évident dès la première scène qu’il s’agit d’une jeune comédienne prometteuse et que l’on a envie de la revoir très vite. Avec tous ces précieux atouts pour lui, le film semble couler, avançant lentement au rythme des pérégrinations de ce groupe que l’on n’a pas envie de quitter.

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Conclusion

Au final, même si le film pâtit d’un certain manque d’émotion ou de fulgurances qui rendraient sa vision inoubliable, on passe un bon moment en le regardant. Même sa conclusion qui n’en est pas une ne paraît pas un tic arty, mais semble la seule fin possible, la vie n’étant faite que de petites choses, parfois insignifiantes, sans forcément qu’il ne s’y passe des drames ou des événements importants. Libre donc à chacun d’imaginer ce qu’il adviendra de ses personnages, et de Star en particulier, lorsque la cinéaste a décidé qu’elle n’avait rien à y ajouter.

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