Critique : All we imagine as light

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All we imagine as light

Inde : 2024
Titre original : –
Réalisation : Payal Kapadia
Scénario : Payal Kapadia
Interprètes : Kani Kusruti, Divya Prabha, Chhaya Kadam
Distribution : Condor Distribution
Durée : 1h58
Genre : Drame
Date de sortie : 2 octobre 2024

3.5/5

Synopsis :  Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha, infirmière à Mumbai, s’interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d’un séjour dans un village côtier, ces deux femmes empêchées dans leurs désirs entrevoient enfin la promesse d’une liberté nouvelle.

Trois femmes à Bombay

30 ans ! La dernière fois qu’un film indien avait été sélectionné en compétition au Festival de Cannes, c’était il y a 30 ans : Destinée de Shaji N. Karun. En fait, cette année, ce sont sept films indiens qui ont été accueillis à Cannes, dont 2 faisant partie de la sélection officielle : Santosh de Sandhya Suri, dans la sélection Un Certain Regard, et All we imagine as light de de Payal Kapadia en compétition. Deux films réalisés par des femmes, toutes les 2 venant du monde du documentaire, Payal Kapadia ayant d’ailleurs eu son premier long métrage, le documentaire Toute une nuit sans savoir, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes 2021 où ce film avait obtenu l’œil d’or du meilleur documentaire. Cette fois ci installée dans la compétition officielle, All we imagine as light s’est vu attribuer le très important  Grand Prix du Jury.

Ce film nous introduit auprès de Prabha et Anu, deux infirmières originaires de l’Etat du Kerala, dans le sud de l’Inde, deux femmes qui travaillent dans le même hôpital et qui partagent un appartement à Bombay. Toutes deux sont d’excellentes professionnelles, tant en ce qui concerne leur niveau de compétence que pour la qualité des relations qu’elles entretiennent avec les patients. Prabha, la plus âgée, a été mariée à un homme qu’elle ne connaissait pas et qui est très vite parti travailler en Allemagne. Durant une courte période, cet homme se manifestait souvent mais, lorsqu’on arrive auprès de Prabha, c’est une femme qui n’a plus eu de nouvelle depuis longtemps qu’on découvre. Elle n’a plus de nouvelle mais cela n’est pas pour lui déplaire, au point de manifester un certain agacement quand lui arrive un colis contenant un cuiseur de riz fabriqué en Allemagne dont tout laisse penser qu’il a été envoyé par ce mari, signe que, peut-être, ce dernier envisagerait de reprendre une véritable vie de famille. Quant à Anu, ses parents aimeraient bien lui choisir un mari, mais, tout en entretenant une relation aussi discrète que passionnée avec Shiaz, un jeune musulman, elle fait tout son possible pour échapper au mariage arrangé qu’on lui prépare. Un troisième personnage féminin est proche de Prabha et de Anu : Parvati occupe un poste de cuisinière dans l’hôpital où les deux femmes travaillent. Originaire de la région de Ratnagiri, ville portuaire à mi-chemin entre Bombay et Goa, Parvati occupe un logement d’où elle doit être expulsée.

Deux parties radicalement différentes

 All we imagine as light présente deux parties très distinctes séparées par le Festival de Ganapati qui se déroule chaque année fin août, début septembre, pendant un nombre impair de jours. La première partie se déroule à Bombay et permet à la réalisatrice de mettre en œuvre ses talents de documentariste tout en nous faisant partager le quotidien de Prabha, Anu et Parvati. Ville cosmopolite, Bombay accueille des populations indiennes venant de tout le pays pour y trouver du travail. Ville relativement sûre, elle accueille en particulier de nombreuses femmes qui ne vivent pas en couple, telles Prabha, dont le mari est en Allemagne, Anu qui est célibataire, et Parvati qui est veuve. Cette relative sûreté pour les femmes fait que, lorsque un médecin de l’hôpital voit naître chez lui un sentiment pour Prabha, cela se traduit par des avances romantiques sous forme de poème. Quant à Anu, jeune femme beaucoup plus libérée que Prabha et Shiaz, elle opte pour des subterfuges afin d’aller retrouver ce dernier, sans se faire remarquer,  dans le quartier musulman de Bombay. Avec ce qui se passe pour Parvati, menacée d’expulsion, le film nous montre aussi une ville en cours de gentrification, avec des promoteurs à l’affût d’immeubles plus ou moins en décrépitude dans lesquels les habitants n’ont aucun papier prouvant qu’ils sont propriétaires de leur logement. Pour cette immersion dans cette ville tentaculaire et dans laquelle l’agitation est permanente, la réalisatrice et Ranabir Das, son compagnon et Directeur de la photographie, ont opté pour l’utilisation de deux caméras, la principale étant utilisée là où l’équipe avait l’autorisation de tourner, l’autre, une petite Canon EOS C70, lorsque l’équipe n’avait pas cette autorisation.

Lorsque arrive la seconde partie, c’est un un tout autre film qui commence, l’atmosphère générale changeant radicalement. On retrouve Prabha et Anu qui ont accompagné Parvati dans le village côtier dont elle est originaire. Dans une nature très proche de ce qu’on peut voir dans les films de Apichatpong Weerasethakul, le film devient alors plus onirique, plus mystique. Manifestement, malgré de belles images et quelques scènes d’une grande force, on sent que Payal Kapadia est moins à l’aise que dans la première partie. Il n’empêche, il s’agit là d’une réalisatrice particulièrement prometteuse dont on suivra la carrière avec intérêt. Quant à la prestation des  3 comédiennes, elles ne méritent que des louanges.



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