Critique : Buena Vista Social Club Adios

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Buena Vista Social Club Adios

Etats-Unis, Cuba, 2017
Titre original : Buena Vista Social Club Adios
Réalisatrice : Lucy Walker
Intervenants : Juan De Marcos Gonzalez, Omara Portuondo, Manuel Mirabal
Distribution : Metropolitan Filmexport
Durée : 1h50
Genre : Documentaire musical
Date de sortie : 26 juillet 2017

Note : 2,5/5

Il y a vingt ans, les pépés du Buena Vista Social Club avaient fait sensation sur la scène musicale internationale, à tel point que leur renaissance tardive avait fait l’objet d’un documentaire signé Wim Wenders, qui avait agrandi à son tour l’ampleur du phénomène. Depuis, plusieurs de ces vaillants témoins d’une époque révolue nous ont quittés, ne laissant derrière eux que de bons souvenirs et accessoirement un nouveau sous-genre, dont la vocation principale est de rendre leur gloire à des musiciens restés trop longtemps dans l’ombre. Voici le contexte dans lequel tente de se glisser Buena Vista Social Club Adios, une suite assez étrange, forcément douce-amère, mais surtout jamais tout à fait convaincue de sa propre pertinence. Reparti en trois approches traitées de façon inégale, le documentaire de Lucy Walker peine en effet à apporter quoique ce soit de nouveau au sujet, si ce n’est un hommage vibrant mais bancal à des fantômes, qui étaient encore habités d’une vigueur impressionnante dans Buena Vista Social Club. Ses velléités de making of du film original, censé élargir la connaissance de l’univers musical cubain et de ses principaux acteurs, n’y aboutissent pas davantage que les portraits en guise de nécrologie des vedettes du mouvement, comme Compay Segundo et Ibrahim Ferrer. Ce n’est que vers la fin que le documentaire revient sur le terrain désormais fort connu du film de tournée, trop tard pour conférer au moins un semblant de cohérence à cette traversée, aussi nostalgique que décousue, de l’existence des derniers héros de la culture cubaine à l’ancienne.

Synopsis : En 1997, le producteur de disques Nick Gold, le guitariste Ry Cooder et le leader de groupe Juan De Marcos Gonzalez avaient mis en chantier l’enregistrement d’un album qui devait recréer les mélodies cubaines traditionnelles du son. Pour ce faire, ils avaient recruté un groupe de vieux maestros du genre, partis depuis des années à la retraite, comme le chanteur Ibrahim Ferrer, réduit à cirer des chaussures pour augmenter sa misérable retraite. Le succès était au rendez-vous et avait permis aux membres du Buena Vista Social Club de faire de nombreuses tournées, voire d’enregistrer des albums en solo, jusqu’à la mort de la plupart d’entre eux au début du siècle. Vingt ans plus tard, les musiciens originaux survivants et les nouvelles recrues de l’orchestre entament leur ultime tournée, qui les a menés aux quatre coins du monde.

Condensé de cours magistral

Comparé au credo sommaire du documentaire de Wim Wenders, qui pourrait se résumer à l’émerveillement face à la vitalité de ces octogénaires réunis pour un dernier baroud d’honneur musical, l’angle d’attaque de celui de Lucy Walker se montre au moins légèrement plus nuancé. Grâce au temps qui a passé depuis la découverte de ce trésor mélomane insoupçonné, il aurait été judicieux de l’observer avec un peu plus de recul, une tâche à laquelle s’applique la réalisatrice avec une relative adresse. L’entrée en la matière est toutefois particulièrement chahutée, avec une sorte de retour historique sur la musique à Cuba, depuis l’époque coloniale jusqu’à l’avènement des mélodies entraînantes qui allaient garantir un succès mondial en différé au Buena Vista Social Club. Quelques documents d’époque, identifiés à peine par le biais de titres explicatifs, s’y succèdent trop rapidement pour camper efficacement le décor. Au lieu d’asseoir définitivement la généalogie des courants musicaux, qui se sont développés comme en vase clos sur l’île de Cuba, ce prologue entame d’une manière peu concertée le voyage du passé vers le présent, en compagnie de ces héritiers vénérables d’une longue tradition de musiciens populaires. Heureusement, le rythme de la narration devient nettement plus posé, lors du passage en revue des parcours personnels de quelques têtes d’affiche emblématiques, dont l’irrésistible charmeur Ibrahim Ferrer et le vieux roublard Compay Segundo. Mais là encore, l’absence d’une voie de réflexion commune à tous ces destins reconnus sur le tard ne peut dissiper complètement l’impression déplaisante d’un propos tenu sans l’idée d’une finalité précise.

A la Maison Blanche

Le dernier chapitre de Buena Vista Social Club Adios tente tant bien que mal à rattraper le coup, en adoptant enfin le seul dispositif filmique avec lequel la mise en scène semble être à peu près à l’aise. Les plus coriaces des musiciens avec lesquels nous sommes désormais familiers, au prix de maintes évocations de leur passé privé et professionnel plus ou moins glorieux, comme la chanteuse charismatique Omara Portuondo, se réunissent pour célébrer en beauté la fin de leur aventure collective. Ils sont même reçus à la Maison Blanche par son occupant de l’époque Barack Obama, dont la brève apparition déclenche chez nous peut-être le sursaut de nostalgie le plus éprouvant de tout le documentaire. Cet événement symbolique, sur fond d’une plus grande ouverture des États-Unis à l’égard de leur voisin du sud, est l’un des rares à ouvrir la perspective du film au delà de la mise en garde appuyée contre un nouvel oubli d’artistes à la trajectoire météorique. Il intervient hélas beaucoup trop tard pour changer la donne et nous arracher durablement à la torpeur dans laquelle nous a plongés – pratiquement depuis le début – le va-et-vient dépourvu d’une ligne directrice claire entre diverses bribes de souvenirs, guère plus convaincant que ne l’a été jadis la pose de l’observateur ébahi par tant de vitalité qu’avait adoptée Wim Wenders.

Conclusion

Sans le Buena Vista Social Club et tout son cortège cinématographique, la formidable embellie et la vulgarisation du documentaire auxquelles nous assistons depuis le début du siècle se seraient sans doute déroulées autrement. Il ne nous appartient donc pas de faire la fine bouche face à un courant musical, dont les mélodies suscitent au moins autant la sympathie que les hommes et les femmes âgés qui la pratiquent avec une passion intemporelle. Dommage seulement que cette reprise n’apporte pas grand-chose au sujet, d’un parce que ces dinosaures de la musique cubaine appartiennent maintenant définitivement au passé, et de deux à cause de la mise en scène peu focalisée de Lucy Walker.

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