Test Blu-ray 4K Ultra HD : Coup de coeur

Un 4 juillet, Jour de l’Indépendance aux États-Unis. Hank et Franny résident à Las Vegas. Un peu usés par une vie de couple faite de routine et de banalité, ils décident de se séparer, le jour de l’anniversaire de leurs cinq ans. Ils partent ainsi chacun de leur côté. Hank et Franny se retrouveront au bout de la nuit, après avoir fait chacun une rencontre…

Le film

[4/5]

Dans Coup de cœur, Francis Ford Coppola s’amuse à transformer Las Vegas en un gigantesque théâtre de carton-pâte, où les néons deviennent des étoiles artificielles et les amours des personnages se consument comme des cigarettes oubliées sur un comptoir. Le film raconte l’histoire de Hank et Frannie, un couple en crise qui se sépare le soir du Nouvel An, chacun partant à la recherche d’une passion nouvelle. Derrière cette intrigue simple, Coup de cœur déploie une réflexion sur l’illusion, le désir et la fragilité des sentiments, dans un décor qui ressemble à une fête foraine géante où les manèges grincent autant que les cœurs. Coppola, qui venait de triompher avec Apocalypse Now, choisit ici de plonger dans une comédie musicale intimiste, presque fragile, comme si après la guerre il fallait se réconcilier avec la légèreté.

Ce qui frappe dans Coup de cœur, c’est la manière dont Coppola relie la forme et le fond. Les décors sont volontairement artificiels, construits en studio, avec des rues qui ressemblent à des maquettes et des lumières qui semblent sorties d’un rêve. Cette artificialité traduit la nature même des relations humaines : elles sont construites, fragiles, parfois mensongères, mais elles peuvent aussi produire une beauté inattendue. Le spectateur est invité à se perdre dans ce labyrinthe de faux paysages, comme les personnages se perdent dans leurs illusions amoureuses. Coup de cœur devient alors une méditation sur le cinéma lui-même, capable de créer des mondes factices qui révèlent paradoxalement une vérité plus profonde.

La musique de Tom Waits joue un rôle essentiel dans Coup de cœur. Ses compositions rauques et mélancoliques accompagnent les errances des personnages, donnant à leurs désirs une dimension presque mythologique. Les chansons ne sont pas là pour faire danser, mais pour faire ressentir la douleur et la beauté des émotions. On est loin des comédies musicales classiques de l’âge d’or hollywoodien : ici, la musique est un cri (qui vient de l’intérieur), une confession, une caresse. Coup de cœur dialogue ainsi avec des films contemporains comme New York, New York de Scorsese ou Tout l’or du ciel de Herbert Ross, qui eux aussi tentaient de réinventer le genre musical à l’aube des années 80, en le confrontant à la mélancolie moderne.

Formellement, le moins que l’on puisse dire, c’est que la mise en scène de Francis Ford Coppola dans Coup de cœur est audacieuse. Les mouvements de caméra sont fluides, presque chorégraphiques, comme si chaque geste des personnages était une danse. Les couleurs saturées, les contrastes violents, créent une atmosphère de rêve éveillé. Mais derrière cette beauté plastique, il y a une réflexion sur la solitude et la difficulté d’aimer. Les personnages de Coup de cœur cherchent l’amour comme on cherche un ticket d’or dans une barre Wonka : avec espoir, avec désespoir, avec naïveté. Coppola montre que l’amour est à la fois une illusion et une nécessité, une construction artificielle et une vérité intime.

Bien sûr, une quarantaine d’années après sa sortie, Coup de cœur n’échappe pas au kitsch qui menace occasionnellement le cinéma de Francis Ford Coppola (remember Dracula ?), au point que les cinéphiles les plus moqueurs puissent parfois le considérer comme une parodie involontaire. Cependant, si certains aspects formels du film peuvent parfois paraître comiques malgré eux, l’ensemble est contrebalancé par une mise en scène extrêmement précise, et au final, Coup de cœur réussit bon gré mal gré à mêler humour et mélancolie, dans une alchimie rare qui fait de ce film un objet cinématographique singulier et assez unique en son genre.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4,5/5]

Le Blu-ray 4K Ultra HD de Coup de cœur, édité par Pathé, se présente dans un packaging sobre mais élégant. Le boîtier noir, orné d’un fourreau aux couleurs saturées rappelant les néons de Las Vegas, attire immédiatement l’œil et rend un bel rend hommage à l’univers visuel développé par le film de Coppola. Côté galette, l’image en Dolby Vision + HDR10 est splendide : les couleurs éclatent avec une intensité rare, les rouges flamboyants et les bleus électriques restituent parfaitement l’esthétique voulue par Vittorio Storaro. Les contrastes sont maîtrisés, les noirs profonds, et la définition permet de redécouvrir les détails des décors construits en studio – une expérience visuelle qui magnifie le travail de Coppola, transformant chaque plan en tableau vivant. Côté son, le Blu-ray 4K Ultra HD propose plusieurs mixages : la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 et DTS-HD Master Audio 2.0, ainsi qu’une version française en DTS-HD Master Audio 2.0. La VO en 5.1 est particulièrement immersive : les chansons de Tom Waits enveloppent le spectateur, les dialogues sont clairs, et les ambiances sonores restituent la richesse des décors. La piste en stéréo conserve une certaine authenticité, rappelant l’écoute des années 80. La VF, plus limitée, reste agréable, mais perd parfois en intensité dramatique. On notera la possibilité de découvrir le film soit dans son montage « cinéma » de 1982 (VF et VO, 1h43), soit dans son montage « reprise » de 2024 (VO, 1h33). Si vous désirez plus d’éclaircissements sur les différences entre les deux versions, on vous renvoie vers le site de référence movie-censorship.

Les suppléments du Blu-ray 4K Ultra HD de Coup de cœur sont particulièrement généreux et variés, et tous sont réunis sur un Blu-ray uniquement dédié aux bonus. On trouvera d’abord un documentaire revenant sur l’esthétique de Coup de cœur (17 minutes), qui analyse la singularité visuelle du film, puis un autre module consacré au casting du film (22 minutes) et un troisième sujet qui revient sur les chorégraphies (24 minutes). On enchaînera ensuite avec un entretien avec Baz Luhrmann (25 minutes), dans lequel le réalisateur de Moulin Rouge ! établit un lien passionnant entre Francis Ford Coppola et l’évolution du genre de la comédie musicale. On continuera ensuite avec un sujet dédié à la restauration (3 minutes), qui nous montre tout le travail effectué pour magnifier l’image, et les différences entre le film en 2003 et en 2023. Le sujet suivant est une présentation du film aux exploitants par Francis Ford Coppola (1 minute), qui replace le film dans son contexte de production, en nous montrant le cinéaste mettre la main à la patte pour trouver des distributeurs, alors même que son film n’était pas encore terminé. Dans le même état d’esprit, le bonus suivant intitulé Le studio de rêve (28 minutes) revient sur la création des Zoetrope Studios et les ambitions de Coppola de réinventer le système hollywoodien. Le module Quand la vidéo rencontre le cinéma (10 minutes) explore les expérimentations technologiques du studio, et on aura également droit à une featurette dédiée au Motion Control (3 minutes), qui nous dévoile les secrets des effets visuels.

La musique sera ensuite mise à l’honneur avec le sujet intitulé Tom Waits et la musique du film (13 minutes), où le compositeur et l’équipe expliquent la genèse des chansons. La conférence de presse (7 minutes) montre un Coppola passionné mais parfois agacé, et même de foutue mauvaise humeur. Le module suivant, intitulé Le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola tel que vous ne l’avez jamais vu (2 minutes) est en fait une simple bande-annonce, mais en revanche, le making of (23 minutes) est un document précieux, offrant des images de tournage, des storyboards et des interviews. La rencontre de Coppola avec les étudiants de la Fémis (22 minutes) ajoute une dimension pédagogique à l’ensemble ; même si le cinéaste n’aborde pas spécifiquement Coup de cœur, il revient sur son œuvre et ses influences. Le sujet suivant est un entretien avec Sofia Coppola (1 minute), alors enfant, sur le tournage du film. Le clip « This one’s from the heart » (4 minutes), réalisé par Gian-Carlo Coppola, le frère de Sofia, décédé en 1986, est une curiosité touchante. On continuera ensuite avec des images des répétitions sur le plateau (3 minutes), qui permettent de découvrir le travail des acteurs, ainsi qu’avec une poignée de scènes inédites (27 minutes). Certaines sont proposées avec un commentaire audio de Francis Ford Coppola. Dans le lot, on notera la présence d’une ouverture et d’une fin alternative.