Test Blu-ray 4K Ultra HD : Cluedo

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Cluedo

États-Unis : 1985
Titre original : Clue
Réalisation : Jonathan Lynn
Scénario : Jonathan Lynn
Acteurs : Eileen Brennan, Tim Curry, Madeline Kahn
Éditeur : Paramount Pictures
Durée : 1h34
Genre : Comédie, Policier
Date de sortie DVD/BR/4K : 22 octobre 2025

Six mystérieux invités sont accueillis et chacun d’entre eux se voit attribuer un pseudonyme pour la soirée. Ils sont tous là : Mme Blanche, une croqueuse d’hommes , le Pr Violet, radié de l’ordre des médecins , Mme Pervenche, épouse d’un sénateur corrompu , Mlle Rose, prostituée de luxe qui trouble beaucoup le Colonel Moutarde , et le fameux M. Olive. Invités par M. Moore, un hôte mystérieux, ils se retrouvent dans un bien étrange manoir des Collines, en compagnie d’un maître d’hôtel surexcité et d’une pulpeuse soubrette. Bien entendu, un meurtre a été commis et le coupable est parmi eux…

Le film

[4/5]

Parmi la profusion de film proclamés « cultes », Cluedo fait partie de ceux qu’on ressort régulièrement, avec un plaisir coupable. Découvert dans la deuxième moitié des années 80, le film de Jonathan Lynn n’avait pas bénéficié, à l’époque, d’une sortie dans les salles françaises, mais sa galerie de personnages aussi caricaturaux qu’un dîner de cons organisé par une Agatha Christie sous LSD avait su séduire les cinéphiles l’ayant découvert en vidéo ou lors de sa diffusion sur Canal+. Comme son titre l’indique, Cluedo est l’adaptation du célèbre jeu de société, et autant dire que le film ne triche pas sur la marchandise : manoir lugubre, invités suspects, meurtres en série… Le tout emballé dans une comédie policière qui joue avec délectation sur les codes du genre.

Cluedo, c’est d’abord une ambiance. Une maison perdue dans la brume, des éclairs qui claquent comme des fessées divines, et des personnages qui débarquent avec des pseudonymes dignes d’un concours de drag queens en fin de carrière : Colonel Moutarde, Professeur Violet, Madame Pervenche… On est à mi-chemin entre le théâtre de boulevard et le Cluedo grandeur nature, avec des dialogues qui fusent, des portes qui claquent, et des cadavres qui s’empilent comme des likes sur une vidéo de chat. Le film ne cherche jamais à être réaliste, et c’est tant mieux : Jonathan Lynn et son coscénariste John Landis préfèrent l’excès, le grotesque, le burlesque. Et dans ce registre, Cluedo est une réussite, un petit bijou de mise en scène chorégraphiée où chaque mouvement semble calculé pour provoquer le rire ou le malaise.

Mais Cluedo va bien au-delà de la simple farce. Derrière les gags et les grimaces, le film s’amuse des caractéristiques principales du jeu de plateau, et nous propose une intéressante réflexion sur la vérité, la culpabilité, et surtout sur la notion de « perception ». Et pour illustrer son propos, le film nous propose [Attention #Spoilers] trois fins différentes, comme autant de versions possibles d’un même récit : une idée brillante, qui rappelle que la vérité est souvent une question de point de vue, et que le mensonge peut être plus séduisant que la réalité. [Fin des #Spoilers] Par association d’idées, on pense naturellement au Rashomon d’Akira Kurosawa, dont il constitue une espèce de version pop et déjantée, ou à Un cadavre au dessert (1976), une autre comédie policière qui se moquait déjà des codes du whodunit.

La réflexion sur le jeu proposée par le film dépasse d’ailleurs le simple jeu de société : on parle également ici de jeu d’acteur, de jeu de rôle, de jeu de dupes. Les personnages de Cluedo mentent, manipulent, se déguisent, se trahissent. On est dans la mise en abyme permanente, dans le sens où chaque scène peut être remise en question, chaque vérité peut être retournée. Le spectateur est invité à participer, à deviner, à soupçonner. Et même si l’intrigue est volontairement absurde, elle fonctionne, grâce à une écriture maligne et à une direction d’acteurs impeccable. De plus, Cluedo ajoute à l’ensemble une touche de folie typiquement 80’s, avec des décors kitsch, une musique jazzy, et des acteurs qui cabotinent allégrement (pour notre plus grand plaisir).

Le plaisir pris devant Cluedo est d’autant plus grand que Jonathan Lynn n’est pas manchot : sa caméra se faufile dans les couloirs, s’attarde sur les visages, joue avec les ombres et les lumières comme un voyeur élégant. Le montage est nerveux, précis, et donne au film un rythme effréné ; chaque scène est construite comme une pièce de théâtre, avec des entrées, des sorties, des apartés, et des punchlines qui claquent. Tim Curry, en majordome surexcité, donne le « la » à la brochette d’acteurs qui l’accompagnent. Son énergie est communicative, et donne au film une dynamique qui ne faiblit jamais. Madeline Kahn, Christopher Lloyd, Lesley Ann Warren… tous livrent des performances savoureuses, entre caricature et sincérité.

Et puis il y a cette touche d’humour noir, presque british. Les morts sont ridicules, les réactions disproportionnées, et les dialogues parfois d’une cruauté délicieuse. On est loin des thrillers aseptisés d’aujourd’hui, où tout doit être sérieux, sombre, et calibré pour les algorithmes. Cluedo ose le mauvais goût, le grotesque, le décalé. Et c’est ce qui le rend précieux – une pépite oubliée, qui mérite d’être redécouverte, surtout à l’heure où les adaptations de jeux de plateau reviennent à la mode (Donjons & Dragons, Battleship, et bientôt Monopoly avec Kevin Hart). Il rappelle que le cinéma peut être ludique, inventif, et joyeusement bordélique. Et même si certains le trouveront daté, il reste une œuvre unique, drôle, intelligente, et furieusement vivante.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4/5]

L’édition Blu-ray 4K Ultra HD de Cluedo, éditée par la branche française de Paramount Pictures, débarque chez nous comme un majordome en smoking : de façon discrète et élégante. Pour être tout à fait honnête, on ne s’attendait pas à ressortir le film en France, et encore moins en Katka, et cette édition 4K du film de Johnathan Lynn s’avère un petit événement pour les amateurs de comédies policières vintage. Le film, tourné en 35 mm, bénéficie ici d’un transfert 4K remarquable par rapport à l’antique édition DVD dont nous disposions jusqu’ici : l’image gagne clairement en texture, en grain naturel, et en profondeur, sans sombrer dans le lissage numérique qui transforme parfois les visages en avatars de jeux mobiles. Grâce au combo fatalité Dolby Vision + HDR10, les contrastes sont parfaitement gérés, les noirs profonds, et les couleurs retrouvent leur éclat d’origine : les rouges de Madame Scarlett, les verts du Colonel Moutarde, et les bleus du Professeur Violet claquent comme des gifles bienveillantes. Les détails des décors — boiseries, tapisseries, chandeliers, et autres bibelots suspects — ressortent avec une netteté bienvenue, sans trahir l’esthétique 80s du film. On est dans une restauration respectueuse, qui conserve le charme rétro sans le figer dans une vitrine muséale. Côté son, la VO en DTS-HD Master Audio 2.0 fait le boulot avec une clarté appréciable. Les dialogues sont nets, les effets sonores bien répartis, et la musique jazzy de John Morris conserve son swing sans saturation. La VF en Dolby Digital 2.0 s’en sort honorablement, même si elle manque un peu de relief et de précision dans les voix. Les amateurs de VO auront tout intérêt à privilégier la version originale, plus dynamique et mieux équilibrée.

Pas de bonus sur le Blu-ray 4K Ultra HD, ce qui est un peu dommage pour un film aussi culte. Le Blu-ray standard, également inclus dans le boîtier, nous propose peut-être quelques suppléments, à l’image de l’édition américaine de Cluedo, mais il ne nous a pas été fourni. Pour autant, et même sans l’ombre d’un supplément, on ne saurait trop vous conseiller de vous ruer sur cette édition 4K de Cluedo avant qu’elle ne soit épuisée : une galette indispensable pour les fans de Tim Curry, les nostalgiques des années 80, et tous ceux qui pensent que le crime, c’est avant tout une affaire de mise en scène et de chandeliers bien placés.

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