Tron – L’Héritage
États-Unis, Inde, Royaume-Uni, Mexique, Japon, Canada : 2010
Titre original : Tron – Legacy
Réalisation : Joseph Kosinski
Scénario : Edward Kitsis, Adam Horowitz
Acteurs : Jeff Bridges, Garrett Hedlund, Olivia Wilde
Éditeur : Walt Disney France
Durée : 2h05
Genre : Science-fiction
Date de sortie cinéma : 9 février 2011
Date de sortie DVD/BR/4K : 8 octobre 2025
Sam Flynn, 27 ans, est le fils expert en technologie de Kevin Flynn. Cherchant à percer le mystère de la disparition de son père, il se retrouve aspiré dans ce même monde de programmes redoutables et de jeux mortels où vit son père depuis 25 ans. Avec la fidèle confidente de Kevin, père et fils s’engagent dans un voyage où la mort guette, à travers un cyber-univers époustouflant visuellement, devenu plus avancé technologiquement et plus dangereux que jamais…
Le film
[3,5/5]
Quinze ans après le choc esthétique ressenti par notre rédacteur Julien Mathon à la découverte de Tron : L’Héritage, c’est aujourd’hui l’heure du bilan. Car 2010, c’est loin – il s’agit d’une époque lointaine, où les mœurs étaient différentes. La vente de disques physiques était dominée par René la taupe, trois des quatre best-sellers littéraires de l’année étaient signés Pierre Dukan, Harvey Weinstein produisait Le Discours d’un roi qui allait obtenir une pluie de récompenses aux Oscars, les ados affirmaient à leurs parents que les One Direction seraient les nouveaux Beatles, et 97 des 100 meilleures audiences TV de l’année étaient réalisées par TF1. Vous vous souvenez ou vous préférez oublier ? Alors voilà, avec le recul, on admettra que Tron : L’Héritage donne l’impression que Disney avait décidé de refaire Hamlet dans une boîte de nuit géante, avec des frisbees qui explosent et des motos qui font des virages à 90 degrés, le tout rythmé par la musique de Daft Punk.
Réalisé par Joseph Kosinski (Oblivion), le film s’inscrit dans la continuité foireuse du Tron de 1982, mais avec une ambition visuelle et sonore qui dépasse le simple hommage. Tron : L’Héritage n’est pas juste une suite : c’est une relecture, une expansion, une plongée dans un monde numérique devenu presque mystique. Car le monde virtuel n’est cette fois plus seulement un espace de jeu : c’est un territoire philosophique, une métaphore de la mémoire, du pouvoir et de la création. Kevin Flynn (Jeff Bridges) est devenu une figure quasi divine, recluse dans un monde qu’il a lui-même engendré. Son fils Sam (Garrett Hedlund), en quête de réponses, incarne cette jeunesse désabusée, à la fois fascinée et effrayée par les systèmes qu’elle ne comprend plus. La transmission, la filiation, mais aussi et surtout la responsabilité du créateur face à sa création sont au cœur de l’intrigue du film. Tron : L’Héritage anticipe également les dérives de l’intelligence artificielle, la perte de contrôle sur les systèmes, et évoque, en creux, la nostalgie d’un monde analogique, la chaleur des relations humaines, qui s’oppose à la froideur des interfaces.
Mais en l’espace de quinze ans, on avait oublié tout cela. Ce dont on se souvenait en revanche, c’est la claque visuelle que représentait le film à l’époque, et qui valut à Tron : L’Héritage d’être régulièrement considéré comme un clip géant, une pub géante pour casques Beats (vous trouverez également des tabliers et des lunettes Beats au rayon festif de la Foirfouille). Comme l’affirmait notre confrère Julien Mathon en 2010, le film de Joseph Kosinski est une claque visuelle. Une claque qui laisse des traces de néon sur les joues et des pixels dans les cheveux. Le design est épuré, géométrique, presque religieux dans sa symétrie. Les costumes, les décors, les véhicules : tout semble pensé pour créer une esthétique cohérente, froide mais hypnotique. La photographie de Claudio Miranda joue sur les contrastes, les reflets, les lumières pulsées. D’une façon assez curieuse, l’ensemble a encore de la gueule aujourd’hui, même si cette esthétique héritée de Matrix montre quelques signes de faiblesse et fera probablement largement sourire avec quinze ans supplémentaires.
On peut sans doute affirmer la même chose de la musique de Daft Punk, qui s’avère la véritable colonne vertébrale du film, et transcende les images tout au long du film. Elle donne du souffle, du rythme, de l’âme, et quinze ans après la sortie de Tron : L’Héritage, la musique des duettistes masqués passe encore plutôt bien. Mais vu la façon dont la bande-originale du Tron de Steven Lisberger nous agresse aujourd’hui les oreilles, on peut penser que l’ensemble évoquera probablement une pub pour synthétiseurs Bontempi au public de 2070. Alors, vous allez me dire, les Daft Punk et les orgues Bontempi, rien à voir, mais dans 35 ans, l’écart temporel entre les deux paraîtra très flou. On en veut pour preuve le fait que dans Tron : L’Héritage, l’intrigue nous explique que la salle d’arcade de Flynn a été fermée à sa disparition en 1989. Comment se fait-il alors que l’une des bornes présentes dans la salle soit celle de Mortal Kombat ? Rassurez-vous cependant, ce détail ne choquera que quelques geeks et autres gamers.
Bref, le fait est que Tron : L’Héritage est un film visuellement très soigné. En revanche, comme son modèle, le film évolue sur un rythme pour le moins lent, volontairement contemplatif, de façon à ce que le spectateur ne manque rien de l’expérience visuelle. Le film joue la carte de l’immersion, de la méditation visuelle et sonore, le tout étant tout de même entrecoupé de quelques scènes d’action spectaculaires, qui s’inscrivent dans une logique de tension, de dualité et de conflit intérieur. Et puis, il faut bien le dire : voir Jeff Bridges affronter son double numérique, Clu, c’est comme regarder son grand-père se battre avec son avatar Tinder. Ces effets-là ont pris leurs quinze ans dans la poire, ce qui rend les scènes mettant en scène Clu à la fois ridicules et bouleversantes. Mais c’est là – ça l’a toujours été et cela le sera probablement toujours – le prix à payer quand on choisit le film de science-fiction à gros budget comme vecteur d’expression artistique.
Le Blu-ray 4K Ultra HD
[4/5]
A l’occasion de la sortie dans les salles de Tron – Ares le 8 octobre, Walt Disney France a pris la décision d’offrir à Tron et à Tron – L’Héritage leur upgrade au format Blu-ray 4K Ultra HD. Cependant, comme beaucoup de films à la même époque, Tron – L’Héritage était à la pointe de la technologie, et avait donc été tourné non pas sur pellicule, mais en HDCAM SR, et donc en 2K (1080p/24). L’édition Blu-ray 4K Ultra HD aujourd’hui éditée par Walt Disney France ne peut pas faire de miracle en termes de définition, mais étant donné le festival de couleurs proposé par le film, le résultat en termes de plage dynamique étendue est tout à fait somptueux – d’autant plus qu’il nous est proposé en Dolby Vision + HDR10. Les noirs sont profonds, les contrastes parfaitement calibrés, et les néons gagnent en éclat sans jamais saturer. Les textures des costumes, les reflets sur les surfaces vitrées, et les effets lumineux sont magnifiés par le HDR. Le film, déjà impressionnant en salle, trouve ici une nouvelle dimension visuelle. Côté son, la VO en Dolby Atmos est une tuerie : la musique de Daft Punk explose dans les canaux, les effets sonores sont spatialisés avec précision, et les dialogues restent clairs. La VF, en DTS-HD Master Audio 7.1, n’est pas en reste : le mixage s’avère très impressionnant, et durant les scènes d’action, la spatialisation apportera au spectateur son lot de petites surprises acoustiques. Un joli boulot.
Comme sur l’édition Katka de Tron que l’on a chroniquée hier, la galette 2160p ne comporte pas le moindre supplément, mais on retrouvera, sur le Blu-ray de 2011 également disponible dans le boîtier, les suppléments de Tron – L’Héritage, qui prolongent l’expérience visuelle et sonore du film avec une sélection bien pensée, à défaut d’être exhaustive. On commencera avec le court-métrage Tron – Le Jour suivant (11 minutes), réalisé par Kurt Mattila en 2011, qui explore les ramifications de l’univers post-film, entre mystique digitale et teasing scénaristique. On poursuivra avec un making of assez succinct (10 minutes), qui reviendra sur les origines du projet, les inspirations visuelles et les choix de production, ainsi qu’avec un module sur le Production Design (12 minutes), qui détaille la conception des décors, des costumes et des véhicules, avec une vraie réflexion sur l’esthétique numérique. On passera rapidement sur la featurette sur les acteurs du film (12 minutes), qui permet de découvrir les coulisses du casting, les préparations physiques et les anecdotes de tournage, avec un Garrett Hedlund en mode rookie et une Olivia Wilde déjà magnétique. On aura également droit à une compilation des réactions du public lors de la présentation d’un extrait du film au Comic Con (3 minutes), entre cris hystériques et cosplay phosphorescent. Le clip « Derezzed » de Daft Punk (3 minutes), qui nous est proposé en Dolby Digital 5.1, vous procurera une bonne grosse décharge électro qui résume à elle seule l’ADN du film, et on terminera avec les premières images de la série animée Tron – La Révolte (2 minutes) offrent un aperçu stylisé de l’extension télévisuelle disponible depuis quelques années sur Disney+, avec son design nerveux et son animation fluide.