Test Blu-ray : Shadow Force

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Shadow Force

États-Unis : 2025
Titre original : –
Réalisation : Joe Carnahan
Scénario : Leon Chills, Joe Carnahan
Acteurs : Omar Sy, Kerry Washington, Mark Strong
Éditeur : Metropolitan Vidéo
Durée : 1h44
Genre : Thriller, Action
Date de sortie DVD/BR : 18 septembre 2025

Anciens membres d’une unité d’élite clandestine, Isaac et son ex-partenaire Kyrah sont désormais en fuite avec leur fils. Traqués par leur ancienne organisation, ils doivent tout mettre en œuvre pour survivre et protéger leur famille…

Le film

[3/5]

Il est des films qui, comme les yaourts périmés, provoquent une légère grimace avant de révéler une texture étonnamment crémeuse. Shadow Force appartient à cette catégorie de produits culturels qu’on pensait calibrés pour les rayons discount du streaming, mais qui, à force de sincérité et de maladresses touchantes, finissent par susciter une forme d’attachement. Cet attachement est certes peut-être en partie liée à la personnalité de Joe Carnahan, qui n’a jamais eu peur de l’excès, et dont certains films se sont imposés, au début de sa carrière, comme quelques-uns des meilleurs films d’action des années 2000/2010 (Narc, Mise à prix, Le Territoire des loups…). Avec Shadow Force, le gars Carnahan nous livre donc une œuvre hybride, mi-thriller d’espionnage, mi-drama familial, mi-action bourrine, mi-cuit mi-cru, comme un steak tartare saisi deux secondes à la poêle. Et pourtant, derrière les cascades approximatives et les dialogues qui sentent bon l’écriture automatique et/ou la traduction Google, se cache une vraie tentative de parler de loyauté, de famille, et de la difficulté de se réinventer quand on a été élevé par des drones et des fusils d’assaut (une espèce de relecture post-moderne du Livre de la Jungle de Rudyard Kipling ou du Tarzan seigneur de la jungle d’Edgar Rice Burroughs en somme !).

Shadow Force, c’est un peu comme si Mr. & Mrs. Smith avait été remixé par un stagiaire de la DGSE sous acide. Le couple formé par Kerry Washington et Omar Sy, séparé mais obligé de fuir ensemble avec leur gamin, donne lieu à des scènes d’une tendresse inattendue, entre deux explosions et trois trahisons – c’est d’autant plus clair qu’avant de plonger dans l’action à corps perdu, Joe Carnahan prend le temps de poser ses personnages, et notamment la relation entre Omar Sy et son fils, faite de tendresse et de morceaux de Lionel Richie. Le film tente de poser la question du poids du passé, de la mémoire des corps entraînés à tuer, et de la possibilité de rédemption dans un monde où même les nounous sont des agents doubles. Dit comme ça, on pourrait presque croire à une parodie, mais Shadow Force joue tout au premier degré, ce qui lui confère une naïveté presque émouvante. C’est un peu comme écouter Emmanuel Macron tenter de justifier les mesures prises par son gouvernement : c’est maladroit, mais on ne peut s’empêcher de sourire.

Formellement, Shadow Force ne révolutionne rien, mais il s’applique. La mise en scène de Carnahan, souvent accusée de ressembler à un PowerPoint sous stéroïdes, retrouve ici quelques fulgurances de son glorieux passé. Une scène de fusillade dans un motel, filmée en plan-séquence, parvient à créer une tension réelle, malgré des bruitages que l’on croirait tirés d’un jeu mobile freemium. Le montage, nerveux mais pas hystérique, permet de suivre l’action sans avoir l’impression d’être victime d’une crise d’épilepsie, et certaines séquences parviennent même à se révéler relativement originales, à la façon de cette course-poursuite entre une voiture et plusieurs motos qui leur balancent des mortiers d’artifice – visuellement, le rendu est amusant et assez inédit. Par ailleurs, la photo du film, bien que parfois trop saturée, offre quelques jolis contrastes entre les intérieurs moites et les extérieurs brûlants. On est loin du John Wick-verse, mais Shadow Force ne cherche pas à rivaliser : il trace sa route, comme un scooter électrique sur une autoroute, avec courage et inconscience.

Sur le plan thématique, Shadow Force interroge la notion de famille choisie versus famille imposée. Les anciens collègues devenus ennemis incarnent une forme de loyauté toxique, où l’appartenance à une organisation prime sur l’individu. Le film pose la question : peut-on vraiment quitter une vie d’agent secret comme on quitte un abonnement à Disney+ ? Attention #Spoiler : la réponse est non. Et c’est là que Shadow Force touche juste. Derrière ses punchlines et ses bastons chorégraphiées comme des combats de catch dans une piscine de gelée, il y a une vraie réflexion sur l’identité, le libre arbitre, et la difficulté de se reconstruire quand on a été formaté pour obéir. C’est un peu comme essayer de faire du compost avec des grenades : ça sent bon l’intention, mais ça explose à la première contradiction.

Bien sûr, Shadow Force n’est pas exempt de défauts. Le scénario, qui semble avoir été écrit par un algorithme nourri aux séries Netflix annulées, enchaîne les rebondissements avec la subtilité d’un rhinocéros en rut. Les dialogues, parfois dignes d’un générateur de punchlines pour influenceurs crypto, font lever les sourcils plus souvent qu’ils ne font mouche. Et Kerry Washington, malgré toute sa bonne volonté, semble aussi à l’aise dans les scènes d’action qu’un homard dans une baignoire. Mais ces faiblesses, au lieu de plomber le film, lui donnent une saveur particulière, et font finalement de Shadow Force une série B attachante, qui rate beaucoup mais qui essaie fort, comme un ado qui récite du Baudelaire pour draguer une femme d’âge mur sur Tinder (toute nouvelle évocation de notre président de la République à ce moment précis de notre papier serait totalement fortuite et indépendante de notre volonté).

Et puis il y a Omar Sy. L’acteur français, qui continue son parcours américain avec une régularité de métronome, apporte à Shadow Force une touche d’humanité bienvenue. Même quand il marmonne des phrases en français pour justifier sa présence dans le casting, il parvient à transmettre une émotion sincère. Son personnage, tiraillé entre son passé d’agent et son rôle de père, incarne cette tension centrale du film : comment concilier violence et tendresse, devoir et désir, flingues et couches-culottes ? C’est cette dualité qui donne à Shadow Force sa colonne vertébrale, bancale mais solide. En deux mots comme en cent, le nouveau Carnahan mérite globalement plutôt qu’on lui laisse sa chance. Pas parce qu’il est parfait — loin de là — mais parce qu’il essaie de raconter quelque chose, avec ses moyens, ses limites, et son enthousiasme de chiot sous amphétamines. Dans un paysage cinématographique saturé de produits formatés, Shadow Force ressemble à une tentative artisanale de faire du blockbuster avec du cœur. Et même si le résultat est parfois bancal, il reste attachant.

Le Blu-ray

[4/5]

Shadow Force vient tout juste de débarquer au format Blu-ray en France, sous les couleurs de Metropolitan Vidéo. Le Blu-ray du film de Joe Carnahan nous propose une image en 1080p tout à fait enthousiasmante : les contrastes sont bien gérés, notamment dans les scènes nocturnes, mais quelques séquences souffrent d’un léger grain numérique, surtout dans les décors extérieurs surexposés. Les couleurs, parfaitement saturées, sont fidèles à l’esthétique du film, entre néons criards et ambiances moites. Côté son, VF et VO nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, et dans les deux cas, les mixages offrent une spatialisation efficace, avec des effets bien répartis et une dynamique appréciable lors des scènes d’action. Les dialogues sont clairs dans les deux versions, même si la VO conserve une meilleure texture vocale.

Du côté des suppléments, le Blu-ray de Shadow Force ne propose que trois petites bandes-annonces de films avec Omar Sy : Le Flic de Belleville, Dangerous People et bien sûr… Shadow Force.

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