2000 Maniacs
États-Unis : 1964
Titre original : Two Thousand Maniacs !
Réalisation : Herschell Gordon Lewis
Scénario : Allison Louise Downe
Acteurs : William Kerwin, Jeffrey Allen, Connie Mason
Éditeur : ESC Éditions
Durée : 1h28
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 4 septembre 1965
Date de sortie DVD/BR : 2 juillet 2025
La petite ville de Pleasant Valley célèbre le centième anniversaire du jour où les troupes nordistes l’ont dévastée. Six touristes « yankees » sont les invités d’honneur de ces festivités mais ils se retrouvent vite séparés de force et otages de jeux cruels qui les mèneront vers une mort longue et abominable…
Le film
[3/5]
Comme on l’a évoqué hier à l’occasion de notre chronique de Blood Feast, qui vient juste de sortir en Blu-ray, 2000 Maniacs (1964) constitue la deuxième incursion de Herschell Gordon Lewis dans le domaine du film « gore », qu’il avait créé l’année précédente avec l’aide de son complice producteur David F. Friedman. Et même si cette deuxième tentative tient encore beaucoup plus du « plaisir coupable » que du véritable « bon film », il faut tout de même admettre que cette virée sanglante chez les ploucs du Sud est généralement considérée comme plus réussie et divertissante que son prédécesseur, ne serait-ce qu’en raison de son postulat de départ, complètement absurde. Le film précédent suivait la frénésie meurtrière d’un épicier traiteur adorateur d’une déesse antique, celui-ci emmènera le spectateur au fin fond de la Géorgie rurale, et plus précisément à Pleasant Valley, un petit village perdu dans le trou du cul du monde, bordé de drapeaux confédérés et peuplé des caricatures les plus dégénérées du Sud profond.
A sa manière, le film va revisiter le fameux cliché de « l’hospitalité du Sud », avec les rednecks Rufus (Gary Bakeman) et Lester (Ben Moore) qui parviennent dans les premières minutes du film à attirer six Yankees en ville pour en faire les invités d’honneur de leur grande fête, censée célébrer le centenaire d’une bataille de la Guerre de Sécession s’étant déroulée dans la région. Vous aurez bien compris que Rufus et Lester comptent bien torturer et tuer leurs invités, et si possible de manière de plus en plus spectaculairement craspec. Un pauvre Nordiste est écartelé, mains et pieds attachés à quatre chevaux allant dans des directions opposées, un autre est envoyé en bas d’une colline à l’intérieur d’un tonneau clouté, et un troisième est écrasé par un énorme rocher. Le tout est, bien sûr, rythmé par les airs de guitare et de banjo, et tient par moments du dessin animé du genre Bip-Bip et le Coyote, avec une tendance nette à tirer sur le kitsch le plus déjanté, mais la redécouverte de 2000 Maniacs un peu plus de soixante ans après sa sortie dans les salles, on ne pourra ignorer l’influence qu’il a pu avoir sur certains films, notamment dans les années 70.
Ainsi, il nous apparaît aujourd’hui comme assez évident que 2000 Maniacs ait pu avoir une influence certaine sur les films ayant marqué le début de la Hicksploitation (également appelé « Redneck Movie »), et notamment sur Délivrance (John Boorman, 1972) et Massacre à la tronçonneuse (Tobe Hooper, 1974), qui ont contribué à créer un énorme engouement autour de ces péquenauds crasseux et flippants vivant loin de la civilisation et du monde moderne, et à créer ce sous-genre du cinéma horrifique aussi populaire qu’effrayant. Il est également permis de se demander si le film de Herschell Gordon Lewis n’a pas, par certains aspects, influencé le virage que prendrait le cinéma de Russ Meyer à partir de Mudhoney (alias Le Désir dans les tripes) en 1965. Par ailleurs, et sans trop vous #Spoiler le dénouement du film, qui nous propose un retournement de situation voulu inattendu, 2000 Maniacs évoque directement Brigadoon tout en surfant gentiment sur l’aspect surnaturel typique d’un épisode de La Quatrième Dimension. Au final, et même si le film est encore rempli de défauts, on peut comprendre les raisons pour lesquelles il est devenu un film « culte » !
Le coffret Blu-ray
[4,5/5]
Le catalogue de films d’horreur édités par ESC Éditions s’enrichit de mois en mois de nombreux titres absolument incontournables au doux parfum de « culte » : après notre test Blu-ray de Blood Feast hier, voici donc aujourd’hui celui de 2000 Maniacs, que l’on est bien content de redécouvrir en Haute-Définition. Comme d’habitude avec ESC, le film s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret + Affiche, et adopte la même charte graphique que le film de Herschell Gordon Lewis que nous évoquions hier, avec un joli Digipack trois volets surmonté d’un étui cartonné.
Côté Blu-ray, l’éditeur français nous propose de (re)découvrir le film dans un master restauré très solide, respectueux du grain d’origine, et proposant un piqué très satisfaisant, surtout si l’on considère que 2000 Maniacs est un film à petit budget n’ayant probablement pas bénéficié d’excellentes conditions de tournage, et qui fêtait l’année dernière son soixantième anniversaire. Les couleurs sont belles, et les contrastes sont solides. La restauration a fait place nette de la plupart des poussières et autres points blancs, et le résultat s’avère globalement très recommandable. Côté son, VF et VO nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), et les deux mixages s’avèrent assez clairs, restituant sans bavure les dialogues et la musique du film. En comparaison avec la VO, la version française paraîtra néanmoins un poil étouffée.
Du côté de la section suppléments, on trouvera tout d’abord un livret de 24 pages rédigé par Marc Toullec (comme le veut la tradition) et intitulé « 2000 Maniacs : La Fête au village ». Sur le Blu-ray à proprement parler, on retrouvera les mêmes suppléments que sur le Blu-ray de Blood Feast, mais adaptées au film qui nous intéresse aujourd’hui. On commencera avec un commentaire audio de Herschell Gordon Lewis et David F. Friedman (VOST). Avec l’aide des modérateurs Mike Vraney et Jimmy Maslin, ils évoquent les décors et les lieux de tournage, les acteurs, les effets spéciaux, la musique et le cinéma à petit budget en général. Les propos des deux intervenants répondent assez rarement à l’action se déroulant à l’écran, mais leurs propos sont régulièrement amusants et instructifs. On continuera avec une série de scènes coupées (16 minutes), qui ne sont pas accompagnées de leur piste son.
On embrayera ensuite avec une nouvelle conversation autour du film avec Philippe Rouyer et Yal Sadat (29 minutes), respectivement rédacteurs cher Positif et Les Cahiers du Cinéma, deux magazines qui jusqu’ici n’avaient pas révélé au grand jour leur admiration pour le cinéma de Herschell Gordon Lewis. Ils reviendront sur différents aspects du film, de son contexte de production à la relecture de Brigadoon, en passant par le concept de « monstration » déjà évoqué sur le film précédent. En revanche, on n’est pas tellement sûr quand Philippe Rouyer affirme que 2000 Maniacs s’inscrit dans le genre « déjà très fourni à l’époque » du films de rednecks. En 1964, on ne peut pas dire que le genre était réellement installé ou populaire, et c’est probablement au contraire les films de Herschell Gordon Lewis 2000 Maniacs et Moonshine Mountain qui contribueront à lancer cette mode, qui serait également popularisée par Russ Meyer, notamment avec ses films Mudhoney / Le Désir dans les tripes (1965), Common Law Cabin / L’Île des Désirs (1967) et bien sûr Vixen (1968). On terminera enfin avec les traditionnelles bandes-annonces, ainsi qu’avec un entretien avec Herschell Gordon Lewis (11 minutes), mis en boite par Yves Montmayeur sur le même modèle que celui du Blu-ray de Blood Feast : on commence par un échange avec le public francophone et Alex Cox à l’issue d’une projection, et on termine avec un échange plus intime, enregistré dans les coulisses.