13 jours 13 nuits

France, 2025
Titre original : –
Réalisateur : Martin Bourboulon
Scénario : Alexandre Smia et Martin Bourboulon, d’après le récit de Mohamed Bida
Acteurs : Roschdy Zem, Lyna Khoudri, Sidse Babett Knudsen et Christophe Montenez
Distributeur : Pathé Distribution
Genre : Guerre
Durée : 1h52
Date de sortie : 27 juin 2025
3/5
Les événements contés avec une efficacité certaine dans 13 jours 13 nuits ont beau n’avoir eu lieu qu’il y a quatre ans, tant de choses se sont passées dans le monde depuis, qu’on court le risque d’oublier le triste sort de la population afghane, lâchement abandonnée à son destin entre les mains intégristes des talibans. Ce retrait dans le chaos le plus total cet été-là est représentatif de la fâcheuse tendance au repli sur soi, la valeur morale remplie de haine, de méfiance et d’égoïsme sous laquelle semblent hélas être placées les années 2020.
Beaucoup de choses pourraient être dites et écrites sur les manquements des uns et les hésitations des autres dans cette lugubre affaire. Toutefois, le propos du film de Martin Bourboulon effleure au mieux en partie ces implications géopolitiques, au profit d’un récit passablement haletant et pas dépourvu d’un bel héroïsme à l’ancienne.
Au cœur du récit, Roschdy Zem reste fidèle à l’exemplarité ténébreuse par laquelle se distinguent la plupart de ses personnages. En tant que flic sans peur, ni scrupules, il devient de fait le patron de l’ambassade française à Kaboul, prête à être envahie par des talibans armés jusqu’aux dents. Grâce à son sang froid et son courage, le pire sera évité, même si l’histoire est ponctuée de quelques moments de tension assez efficacement orchestrés. Afin d’apporter également un point de vue moins martial à cette course contre la montre, les personnages féminins interprétés par Lyna Khoudri et Sidse Babett Knudsen apportent de façon peut-être un peu trop calculée à la fois de la vulnérabilité et de la détermination à l’action sur ce terrain dangereusement miné.
De loin, l’état français, embourbé dans une éternelle ambiguïté ayant à présent atteint la vie politique dans son ensemble, ne fait guère plus que de la figuration, sous les traits de Nicolas Bridet en ambassadeur qui prend le premier la fuite et Grégoire Leprince-Ringuet en fonctionnaire caricatural du Quai d’Orsay.

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Synopsis : A la mi-août 2021, vingt ans d’efforts internationaux pour enraciner la démocratie en Afghanistan sont anéantis par la progression soudaine des talibans. Alors que la plupart des forces étrangères ont d’ores et déjà quitté le pays, l’ambassade française à Kaboul est l’un des derniers lieux au sein de ce qui était pendant longtemps la zone verte sécurisée à fonctionner encore à peu près normalement. Avec l’ambassadeur ayant été exfiltré à l’aéroport, le commandant Mohamed Bida est en charge de fermer l’institution avant le rapatriement de son personnel en France. Face aux centaines de civils afghans qui se pressent devant la porte de l’ambassade, désespérés, il décide de leur accorder un refuge. Sans savoir encore comment faire pour leur permettre de s’échapper de cette situation hautement périlleuse.

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Sauve qui peut
13 jours 13 nuits : ce titre a simultanément quelque chose de prémonitoire et de schématique. D’un, parce qu’il nous annonce qu’une issue, soit heureuse, soit tragique, se profilera à l’issue de ces près de deux semaines. Et de deux, à cause des possibilités clairement délimitées de découpage de ce récit sous forme d’étau existentiel. Le réalisateur Martin Bourboulon en tient certes compte, mais pas non plus au point de nous faire signe de l’avancement dans le temps, un jour à la fois. Bien au contraire, seuls le premier et le dernier jour ont droit à leur inscription dans l’image, le reste de l’attente interminable et ponctuée de revers multiples se faisant par le biais d’une gestion pas sans adresse de la durée filmique.
Néanmoins, après les premiers instants d’urgence, quand tout le monde cherche à se mettre tant soit peu à l’abri de la déferlante de violence aveugle déclenchée par les talibans, un certain essoufflement de la tension dramatique guette le récit. Rien de préjudiciable non plus. Mais désormais, les enjeux de l’intrigue ont tendance à évoluer assez peu. Ainsi, le vaillant commandant se révèle être un fin stratège, aussi à l’aise dans l’exercice de motiver ses troupes, prêtes à décamper sans lui et ses trois-cents réfugiés, que dans celui d’une négociation sans filet de secours avec les talibans au bout de la rue.
De même, ses acolytes féminins se voient trop régulièrement réduits à des tâches subalternes, comme la traduction, évidemment, mais aussi un affichage ostentatoire de leurs émotions malmenées, là où notre héros a tout juste droit à un tremblement incontrôlé de sa main, à force de devoir prendre des décisions lourdes de conséquences.

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Vive les artistes !
Bref, même si la narration de 13 jours 13 nuits demeure tout à fait honorable, il lui manque ce petit plus de vision globale des choses, avec un zeste de tragédie personnelle, pour rendre le sort de ce groupe de personnages réellement percutant. Est-ce dû à un manichéisme qui prend trop souvent le dessus, notamment lorsqu’il s’agit de s’occuper des bébés abandonnés en cours de route dans cette guerre qui ne dit pas son nom ? Ou bien, les sursauts de tension ont-ils trop facilement recours aux dispositifs qui font à présent partie intégrante du vocabulaire cinématographique de l’exode en terrain ennemi ? Toujours est-il que cette belle urgence initiale rentre un peu trop vite dans le rang dans ce film qui s’attache autant à la véracité des faits historiques qu’au caractère héroïque de ses personnages.
Il ne nous reste dès lors que cette question toujours fort hasardeuse de la raison d’être du sixième long-métrage de Martin Bourboulon. Tandis que son utilité de rappel salutaire d’une période historique très proche – quoique déjà à moitié oubliée – ne fait pas de doute, sa manière d’évoquer ce périple peut davantage poser problème. D’abord, à cause du point de vue presque exclusivement valorisant par rapport au rôle que l’administration française et ses agents avaient joué à distance et sur le terrain, l’apparition éclair de Leprince-Ringuet en directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères mise à part. Puis, en épousant d’un peu trop près les codes des thrillers larvés en plein champ de bataille, la mise en scène a clairement privilégié l’efficacité, au détriment d’une approche plus personnelle, voire formellement plus prodigieuse.

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Conclusion
Quelque part entre ses pendants africains que sont La Légion saute sur Kolwezi de Raoul Coutard pour la RDC et La Chute du faucon noir de Ridley Scott pour la Somalie, 13 jours 13 nuits reconstitue convenablement un traquenard international de l’Histoire récente dont essentiellement des hommes, des femmes et des enfants autochtones étaient tombés victimes. Et si c’était cela, le frein principal à notre adhésion, pleine, entière et par écran de cinéma interposé, à ce qui se passait autour de l’ambassade française de Kaboul ? A savoir cet éternel regard venu de l’étranger, certes investi de bons sentiments et d’acteurs pas moins fiables, qui ne va pourtant pas chercher plus loin que de redorer le blason de la France, au lieu de s’intéresser intimement à la tragédie vécue chaque jour par les Afghans écrasés depuis quatre ans par le rouleau compresseur du régime des talibans …