Brad
France, 2023
Titre original : –
Auteur : Frédéric Mitterrand
Éditeur : XO Éditions
Genre : Biographie
327 pages
Date de parution : 13 avril 2023
Format : 153 mm X 240 mm
Prix : 20€90
2,5/5
Curieusement, alors que la durée de la carrière de Brad Pitt coïncide à peu de choses près avec celle de notre cinéphilie active, nous n’avons jamais été particulièrement fan de l’acteur américain. Certes, il a toujours été là, dans des rôles riches et variés, interprétés dans des films globalement de qualité. Mais en dehors de cette omniprésence quelque peu rassurante, les hauts et les bas amplement médiatisés de sa vie de célébrité mondiale ne nous ont fait ni chaud, ni froid. Tel ne paraît nullement être le cas de Frédéric Mitterrand, l’ancien ministre de la culture qui nous a quittés il y a environ six semaines. Un an avant sa mort, il a pondu un ouvrage qui aurait pu être une déclaration d’admiration sans retenue, mais qui ne va finalement pas jusqu’au bout de cet exercice d’adulation pleinement assumé.
Car « Brad » tente l’impossible, à savoir de dresser le portrait exhaustif d’une icône médiatique insaisissable. Ici, la vedette est d’emblée exemptée de tous les torts. Et ses éventuels égarements seraient au pire à mettre sur le compte de ces terribles papillons noirs, des périodes dépressives qui le hanteraient à intervalles irréguliers. Le coupable de sa déroute morale récente y est tout trouvé en la personne de la vilaine Angelina Jolie, pas seulement la femme ignoble qui aurait osé anéantir le bonheur conjugal du héros dans la quiétude provençale, mais également celle qui est responsable du seul mauvais film du beau Brad, Vue sur mer réalisé par ses soins.
En effet, autant nous doutons point de la culture générale de l’auteur, autant ses dons de critique cinématographique demeurent très rudimentaires au fil d’un livre, qui ne semble s’intéresser qu’accessoirement à cet aspect-là de la carrière de Brad Pitt.
Synopsis : Après l’épreuve personnelle de l’écriture de son autobiographie, l’homme de lettres, de cinéma et de télévision Frédéric Mitterrand a eu envie de se faire plaisir. Il a donc entamé l’écriture d’une biographie admirative de l’acteur américain Brad Pitt. Cet homme sexy, fort et aventureux, il le suit de loin depuis longtemps. De quoi nourrir ses réflexions sur ses débuts difficiles à Hollywood, son enfance préservée dans le Missouri, ses plus de quarante films, ses liaisons romantiques avec Gwyneth Paltrow, Jennifer Aniston et Angelina Jolie, son imaginaire publicitaire, son point d’ancrage dans le sud de la France et sa fuite en avant depuis la séparation tonitruante de Jolie en 2016.
En orbite autour de la planète Brad
Vous en saurez tout ou presque sur la vie de Brad Pitt au bout des plus de trois-cents pages de « Brad ». Qu’il a eu une enfance globalement heureuse en plein cœur des États-Unis. Qu’il a dû emprunter bon nombre de détours avant de décrocher ses premiers petits rôles à la télévision et de connaître la consécration au cinéma grâce à Thelma et Louise de Ridley Scott. Qu’en matière d’affaires de cœur, sa beauté et sa bonté ne lui ont guère porté chance sur le long terme. Et qu’il dispose de plein de centres d’intérêt annexes, y compris le soin apporté à l’image qu’il transmet à travers ses nombreuses apparitions dans des spots de pub. Le tout présenté dans un style facile à lire, quoique pas non plus truffé de trouvailles linguistiques qui nous feraient apprécier encore plus la langue de Molière.
Impossible de vérifier la véracité de ces rares confidences et nombreuses suppositions autour de la star mondiale, qui met un point d’honneur à ne pas trop se dévoiler. Partons donc du principe que tout ce que l’on lit dans le livre de Frédéric Mitterrand jouit du bénéfice du doute. À l’exception d’une coquille qui invente une version courte à Twelve Years a Slave de Steve McQueen, pour lequel Brad Pitt avait remporté son premier Oscar en tant que producteur en 2014, grâce à une remise de peine de deux ans, sans doute pour bonne conduite.
Le travail de l’auteur s’avère sensiblement plus méticuleux au cours du premier chapitre de son livre. Il y revient, étape par étape, une séquence coupée au montage à la fois, sur la genèse de Thelma et Louise. Plus précisément sur le petit rôle de voyou des routes, grâce auquel Brad Pitt avait été catapulté du jour au lendemain en tête de liste des hommes jugés les plus désirables de la planète.
Qu’il est gentil, ce beau gosse !
Le hic dans tout ça, c’est qu’il manque une quelconque distance analytique au propos de Frédéric Mitterrand. Un défaut carrément criant au cours du passage en revue et à toute vitesse de la filmographie de l’acteur, où chaque film a droit au maximum à deux pages, peu importe son impact sur la carrière de Brad Pitt. De surcroît, l’attitude de fan sans recul de l’auteur y devient parfois insupportable, au rythme de remarques dithyrambiques sur des films que nous avions trouvés plutôt médiocres lors de leurs sorties respectives.
Par ailleurs, l’occasion de revenir plus en profondeur sur l’autre volet moins connu de l’engagement filmique de Pitt – la belle liste de près de cinquante longs-métrages qu’il a produits à travers sa société Plan B Entertainment – doit se contenter d’une mention concise dans la partie consacrée à son premier mariage avec Jennifer Aniston, alors sa partenaire professionnelle dans cette réussite sans équivoque en marge de Hollywood.
Néanmoins, il faut reconnaître qu’au centre de l’ouvrage, le chapitre sur ses petites copines se distingue par son goût pour l’exhaustivité. Ce dernier est de même à l’œuvre par la suite, lorsqu’il s’agit de faire l’inventaire de toutes les marques endossées par la vedette, des montres aux machines à café, en passant par les jeans et les téléphones portables japonais. Cela peut paraître un brin farfelu et éventuellement même assez obsessionnel envers l’une des expressions les plus vulgaires du capitalisme. D’ailleurs, les nombreuses causes humanitaires pour lesquelles Brad Pitt s’engage ne connaissent pas pareil traitement de faveur.
Il n’empêche que l’omniprésence redoutable de l’acteur passe de nos jours avant tout par la place qu’il occupe souverainement sur ce terrain commercial. Un fait prouvé parfaitement pendant notre lecture du livre à travers son apparition à la télévision allemande dans un spot pour ses machines à café chéries et au cinéma en France, aux côtés de Penélope Cruz, dans un court-métrage publicitaire inspiré du classique du cinéma national Un homme et une femme de Claude Lelouch.
Conclusion
Après la lecture de « Brad », nous sommes plus que jamais convaincus de la priorité à donner aux autobiographies par rapport aux biographies, aussi bien intentionnées soient-elles. Car même si dans les premières, on assiste toujours un peu à des opérations d’autopromotion forcément subjectives, les deuxièmes restent fâcheusement tributaires d’un agenda plus ou moins avouable. Même si Frédéric Mitterrand ne se cache pas de l’amour qu’il porte à Brad Pitt, cet engouement se traduit par un propos assez anémique en termes de mise en question sérieuse d’une existence passée pour l’essentiel sous les feux des projecteurs. Brad est gentil et poursuivi au choix par des paparazzi ou des papillons noirs, soit. Mais ces plus de trois-cents pages n’auraient-elles pas pu être mises à profit d’une approche moins platement descriptive et admirative ?