Bergamo Film Meeting 2022 : Costa-Gavras invité d’honneur

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Compartiment tueurs © 1965 Marianne Productions / Productions et Éditions Cinématographiques Françaises
Tous droits réservés

Pour paraphraser un proverbe allemand, ceux qu’on croyait déjà morts ont tendance à vivre plus longtemps encore. A l’image du réalisateur franco-grec Costa-Gavras, dont la disparition avait été annoncée à tort fin août 2018 par un petit rigolo. Depuis, il est quasiment sur tous les fronts, à travers la publication de ses mémoires aux éditions du Seuil, la réalisation de son dix-neuvième film Adults in the Room sorti en novembre 2019 et le poste prestigieux de président de la Cinémathèque Française qu’il occupera au moins encore jusqu’à l’année prochaine. C’est également en 2022, du 26 mars au 3 avril pour être exact, que le Festival de Bergame lui dédiera une rétrospective intégrale lors de sa 40ème édition. Les organisateurs du Bergamo Film Meeting l’ont annoncé ce jour.

Sa présence au nord de l’Italie au début du printemps prochain n’a pour l’instant pas été confirmée, peut-être à cause de l’âge assez élevé de Costa-Gavras, qui fêtera ses 89 ans en février 2022. Auparavant, dès la mi-novembre, il recevra le prix honorifique du Festival de Palerme. A Bergame, il succède à d’autres géants du cinéma européen, tels que les réalisateurs Jerzy Skolimowski et Volker Schlöndorff, l’actrice Liv Ullmann et l’acteur Jean-Pierre Léaud.

Z © 1969 Félix Le Garrec / Galatée Films / KG Productions / Reggane Films / Valoria Films Tous droits réservés

Né en Grèce, le maître du cinéma politique avait fait ses premiers pas dans le monde du cinéma en tant qu’assistant réalisateur au début des années 1960 auprès de René Clair (Tout l’or du monde), Henri Verneuil (Un singe en hiver), Jacques Demy (La Baie des anges) et René Clément (Le Jour et l’heure et Les Félins). En 1965, il tourne son premier long-métrage, le thriller ferroviaire Compartiment tueurs avec Yves Montand et Simone Signoret, suivi du film de guerre 1 homme de trop avec Charles Vanel et Bruno Cremer. C’est en 1969 qu’il s’impose sur la scène internationale du cinéma, grâce au succès du thriller politique Z, toujours avec Montand, ainsi qu’avec Irene Papas et Jean-Louis Trintignant. A Cannes, son film gagne le Prix du jury et celui de l’interprétation masculine pour Trintignant, et à Hollywood les Oscars du Meilleur montage et du Meilleur Film étranger.

Les années ’70 sont ponctuées pour le réalisateur de trois films à l’engagement politique toujours aussi manifeste. Dans L’Aveu, son acteur attitré Yves Montand joue un ministre tchèque, victime de la persécution stalinienne. Récompensé du Prix Louis Delluc en 1972, État de siège est le premier film de Costa-Gavras à s’intéresser de près aux régimes latino-américains. Puis Section spéciale cherchait à débusquer le mal plus près de chez nous, à travers une histoire sur la justice douteuse du côté de Vichy. Après l’échec commercial de ce dernier pamphlet politique, le réalisateur s’était essayé au drame romantique à travers Clair de femme avec comme couple vedette Montand et Romy Schneider.

Missing Porté disparu © 1982 Peter Sorel / PolyGram Filmed Entertainment / Universal Pictures / Splendor Films
Tous droits réservés

Après une nouvelle brève traversée du désert artistique, Costa-Gavras revenait encore plus fort à la charge contre l’injustice sous toutes ses formes dans les années ’80. Essentiellement anglophones, ses films de cette période-là reviennent aux thèmes chers au réalisateur. Ainsi, Missing Porté disparu suit la quête désespérée du père et de l’épouse d’un écrivain américain, disparu en plein coup d’état chilien. Le plébiscite planétaire de ce brûlot cinématographique s’était manifesté notamment par la Palme d’or et le prix d’interprétation masculine à Jack Lemmon au Festival de Cannes en 1982, ainsi que par l’Oscar du Meilleur scénario adapté l’année suivante.

Avant de rencontrer à nouveau les faveurs du jury d’un autre festival européen majeur à la fin de la décennie – c’était à Berlin en 1990 pour Music Box et son Ours d’or –, Costa-Gavras avait pu réaliser trois autres films, plutôt mineurs. Le conflit israélo-palestinien est au cœur de Hanna K. avec Jill Clayburgh. La comédie Conseil de famille avec Johnny Hallyday et Fanny Ardant est sans doute l’œuvre la plus atypique de sa filmographie. Et le message politique de La Main droite du diable avec Debra Winger et Tom Berenger était pour le moins brouillon.

Music Box © 1989 Istvan Bartok / Carolco Pictures / TriStar Pictures Tous droits réservés

Après des années ’90 particulièrement peu concluantes, ponctuées de seulement deux films, La Petite apocalypse avec André Dussollier et Mad City avec John Travolta et Dustin Hoffman, Costa-Gavras a une fois de plus su renaître de ses cendres. On vous le disait, cet homme est plein de ressources. Car ses cinq derniers films français, tournés entre 2002 et 2019, renouent sans l’ombre d’un doute avec sa force de frappe filmique si irrésistible dans ses chefs-d’œuvre des années ’60 et ’70.

Peu importe alors si l’arrière-plan est historique, comme dans Amen. avec Mathieu Kassovitz et Ulrich Tukur, ou au contraire férocement contemporain, comme dans Le Couperet avec José Garcia, Eden à l’ouest avec Riccardo Scamarcio, Le Capital avec Gad Elmaleh et donc Adults in the Room, le propos de Costa-Gavras fait toujours autant mouche !

Amen. © 2002 Renn Productions / KG Productions / KC Medien / Pathé Films Tous droits réservés

En plus de ses trois prix au Festival de Cannes – la Palme d’or pour Missing Porté disparu, le prix de la mise en scène pour Section spéciale et le prix du jury pour Z –, Costa-Gavras est donc également lauréat de la récompense suprême du Festival de Berlin, l’Ours d’or pour Music Box. Ses sept nominations aux César n’ont jusqu’à présent mené qu’à un seul trophée en 2003 pour le scénario de Amen. L’Académie du cinéma européen lui a remis son prix honorifique en 2018. Et après avoir été nommé à deux reprises aux Oscars pour Z, il l’avait remporté en 1983 pour le scénario adapté de Missing Porté disparu.

Marié depuis plus de cinquante ans à la productrice Michèle Ray-Gavras, il est le père du réalisateur Romain Gavras (Le Monde est à toi). Par voie de ses origines grecques, il est le cousin de la réalisatrice américaine Penelope Spheeris (Wayne’s World).

Le Capital © 2012 David Koskas / KG Productions / France 2 Cinéma / Mars Distribution Tous droits réservés

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