L’autre
États-Unis : 1972
Titre original : The other
Réalisateur : Robert Mulligan
Scénario : Tom Tryon
Acteurs : Uta Hagen, Diana Muldaur, Chris Udvarnoky
Editeur : Wild Side Vidéo
Durée : 1h48
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 29 décembre 1972
Date de sortie DVD/BR : 14 septembre 2016
1935, dans un petit village du sud des États-Unis, Niles et Holland Perry, des jumeaux entretenant un lien extrêmement fort, passent leurs journées à jouer ensemble paisiblement. Élevés par leur grand-mère Ada, celle-ci leur enseigne, « le jeu »… Débute alors une série d’accidents de plus en plus macabres…
Le film
[5/5]
[ATTENTION : cette critique contient des SPOILERS majeurs et révèle des éléments narratifs clés du film]
Pour apprécier L’autre à sa juste valeur, il conviendra forcément, pour le spectateur contemporain, de replacer le film dans son contexte de production et de tournage. 44 ans après sa sortie dans les salles, l’élément essentiel de la narration du film, à savoir que l’un des deux jumeaux présentés dans le film est en fait mort et n’existe que dans la tête de l’autre, est devenu un lieu commun, presque un cliché, en tous cas une représentation on ne peut plus classique de la schizophrénie à l’écran. En 1972 en revanche, le film de Robert Mulligan était le premier à mettre en scène de façon formelle un personnage décédé, présenté ici comme faisant partie intégrante de la diégèse de L’autre.
Formaliste très habile, et surtout très respectueux d’une « grammaire » cinématographique très classique et carrée, Robert Mulligan a donc pris le parti, malgré le fait d’avoir à sa disposition deux jeunes acteurs jumeaux, de ne jamais les réunir dans un seul et même plan. De fait, le cinéaste « utilise » se jumeaux exactement de la même façon qu’il l’aurait fait avec un seul acteur qui interpréterait les deux personnages. L’autre proposait au spectateur de découvrir une « astuce » narrative alors absolument inédite – le cinéma étant un Art réfléchi, dont la portée était à l’époque sans doute beaucoup plus disséquée que de nos jours, le fond influençait dès lors beaucoup la forme, et on ne peut que comprendre aujourd’hui le choix de Robert Mulligan de « séparer » ainsi ses deux personnages à l’image.
Mais la médaille a également son revers : découvert aujourd’hui, le fait pour le spectateur de découvrir les deux jumeaux systématiquement en champ/contre-champ et jamais réunis dans un seul et même plan évente très largement le « secret » autour des jumeaux, et dès la fin de la première séquence (soit environ cinq minutes de métrage), le spectateur aguerri au genre aura découvert le pot aux roses, et deviné que les deux frères n’étaient en fait qu’un seul et même personnage.
Néanmoins, le film possède de beaux restes, et conserve en son sein quelques séquences assez époustouflantes (la découverte du bébé à la fin du film demeure un grand moment de cinéma) qui lui permettent de ne pas trop provoquer l’ennui pendant son déroulement. Il conviendra cependant de garder à l’esprit le caractère « révolutionnaire » de L’autre, premier film à avoir formalisé une idée narrative qui, depuis, a largement fait son chemin et est même devenue une représentation quasi-incontournable de la duplicité au cinéma.
Le Blu-ray
[5/5]
Wild Side Vidéo nous gâte à nouveau aujourd’hui avec la sortie « événement » de L’autre dans un nouveau coffret exceptionnel venant grossir les rangs de sa déjà riche collection de coffrets « luxe » dédiés à différents films et réalisateurs – il semblerait que peu à peu, Wild Side soit en train de créer une collection que l’on pourrait comparer à la prestigieuse collection « CRITERION » aux États-Unis.
Cette nouvelle livraison comportera donc comme d’habitude à la fois le film sur support DVD et Blu-ray issu d’un master restauré HD, accompagnées d’un livret exclusif de 78 pages sur le film rédigé par Frédéric Albert Levy alias FAL, journaliste et critique de cinéma surtout connu pour sa contribution au magazine Starfix. Son texte nous propose d’explorer en grande partie la genèse du film, ce qui, comme on l’a précisé quelques lignes plus haut, semble aujourd’hui tout bonnement indispensable avant d’envisager de se lancer dans le visionnage de L’autre.
Côté galette, une belle restauration a été effectuée, et L’autre renait presque de ses cendres : l’image est superbe, d’une belle précision tout en conservant le fort grain argentique d’origine. Côté son, VO et VF nous sont offerts dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), forcément un poil plat niveau spectre acoustique, mais aux voix toujours claires et intelligibles.
Du côté des suppléments, outre le riche livret qui accompagne le Combo, on notera une riche analyse livrée sous la forme d’un entretien avec Pascal Laugier (Saint-Ange, Martyrs), littéralement intarissable en ce qui concerne le film de Mulligan. A ses côtés, on notera la présence très anecdotique de Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies depuis quelques années, qui doit lâcher en tout et pour tout deux phrases sur toute la durée du sujet (un peu plus d’une demi-heure). Un sujet naturellement inédit et assez passionnant.