Critique : Le Cri du sorcier

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cri du sorcier 01Le Cri du sorcier

Grande-Bretagne, 1978
Titre original : The Shout
Réalisateur : Jerzy Skolimowski
Scénario : Michael Austin, Jerzy Skolimowski, d’après une histoire de Robert Graves
Acteurs : Alan Bates, Susannah York, John Hurt
Distribution : Mission
Durée : 1h27
Genre : Drame
Date de sortie : 13 décembre 1978, reprise le 28 janvier 2015

Note : 3,5/5

Dans le cadre de l’Histoire permanente du cinéma, la Cinémathèque Française propose de redécouvrir ce samedi 10 janvier 2015 ce joyau étrange et méconnu du cinéma fantastique et abstrait du cinéma 70 par le cinéaste polonais Jerzy Skolimowski dans sa période anglaise. Reprise en salles le 28 janvier 2015.

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Synopsis : Robert Graves, médecin psychiatre, est associé à un mystérieux patient, Crossley, pour comptabiliser les points d’un match de cricket organisé pour occuper l’après-midi des pensionnaires d’un hôpital psychiatrique anglais. Laissant le soin à Graves d’officier, Crossley se lance dans l’évocation de son passé. De retour d’un séjour de 18 ans chez les Aborigènes Australiens – où il découvrit la sorcellerie et tua ses deux enfants – il investit la maison, et la vie des Fielding, un couple anglais sans histoires. Menaçant ceux-ci d’user de son « Cri du Sorcier », censé tuer quiconque l’entend à la ronde, il prend possession de la demeure du couple, à la fois fasciné et répugné par cet homme au charisme et aux pouvoirs captivants.

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Un récit qui prend un malin plaisir à nous perdre

L’école des années 70 dans toute sa splendeur. Une recherche formelle incroyable, portée par une mise en scène qui cherche à perdre le spectateur, complice à l’idée de se laisser emballer par une étrangeté à laquelle personne ne comprend vraiment rien. Pourquoi pas, si ça fonctionne aussi bien. Certes, cette ambiance a ses limites et a un peu mal vieilli aujourd’hui, mais l’étrangeté magique permet de s’intéresser jusqu’au bout à cette ‘ coq and bull story ‘ où l’on saute du coq à l’âne comme chez Tristram Shandy de Laurence Sterne. Le montage distordu est à l’image de ce scénario dont les personnages naviguent entre folie, pouvoirs mystiques et un réalisme à l’anglaise explosé par un cinéaste expatrié qui apporte ses angoisses et récupère celles de son pays d’adoption. C’est peut-être ce mélange qui laisse parfois pantois mais intrigue toujours.

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Un superbe casting dans un cadre métaphysique

Le casting est à l’aise dans cette atmosphère métaphysique avec une intrigue qui se plaît à surprendre. Alan Bates est ce sorcier qui a assimilé l’art du cri qui tue, hérité des aborigènes (le film possède aussi cette étrangeté mystique propre au cinéma australien et à l’héritage de Wake in fright – Réveil dans la terreur de Ted Kotcheff, père d’une nouvelle forme de narration) et possède par son jeu et l’écriture de son personnage une force d’attraction évidemment sexuelle très swinging 70ies. John Hurt et Susannah York sont un couple vampirisé par ce magicien venu de nulle part et qui y retournera.

L’incohérence évoquée plus haut est dans certains choix de construction dramatique qui peuvent éloigner le plus patient des cinéphiles. Si l’Alan Bates de l’institut d’aliénés n’est pas Collsey, pourquoi ce n’est pas John Hurt qui se retrouve sous le drap mortuaire ? Volonté de surprendre jusqu’au bout ou inutilité d’une réponse claire mais que l’on préfère abstraite ? John Hurt est toujours aussi impressionnant en victime surprise d’être une victime. Incapable de dépasser ce statut, il cherche à faire comme s’il pouvait résister mais en est incapable. Parmi les acteurs qui complètent le casting, on découvre un bien jeune Jim Broadbent, fin et avec des cheveux, qui malgré des apparitions dans des films aussi majeurs que The Hit de Stephen Frears ou Brazil s’est surtout révélé avec certains films tardifs de Mike Leigh ou Moulin Rouge de Baz Luhrmann en Monsieur Loyal.

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Conclusion

Ce Shout / Cri du sorcier n’est pas l’oeuvre de Skolimowski qui a le mieux résisté au temps mais reste à découvrir, pour sa capacité à transcender la campagne anglaise, pour ses comédiens dont la regrettée Susannah York, belle et fascinante ou Alan Bates, aussi terrifiant qu’envoûtant et pour l’audace formelle d’un des plus grands cinéastes de sa génération.

 

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