Critique : Faute d’amour

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Faute d’amour

France : 2017
Titre original : Nelyubov
Réalisation : Andrey Zvyagintsev
Scénario : Andrey Zvyagintsev, Oleg Negin
Acteurs : Alexey Rozin, Maryana Spivak, Marina Vasilyeva
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 2h08
Genre : drame
Date de sortie : 20 septembre 2017

2/5

Après les films très forts que furent Le retour (Lion d’or à Venise en 2003), Le bannissement (Prix d’interprétaion masculine à Cannes en 2007), Elena (Prix du Jury à Un Certain Regard de Cannes 2011) et Leviathan (Prix du scénario à Cannes 2014), Faute d’amour, le nouveau film du réalisateur russe Andrey Zvyagintsev, était attendu avec beaucoup d’intérêt, voire d’impatience, lors du dernier Festival de Cannes. Soyons clairs : si celles et ceux qui placent ce film au même très haut niveau que les précédents sont nombreux, il en est d’autres pour se montrer très déçus face à un film beaucoup trop long et qui, pour eux, ne réussit pas à emporter l’adhésion sur un sujet a priori passionnant. Cela étant, ce film a quand même obtenu à Cannes le Prix du Jury !

Synopsis :Boris et Genia sont en train de divorcer. Ils se disputent sans cesse et enchaînent les visites de leur appartement en vue de le vendre. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser… Aucun des deux ne semble avoir d’intérêt pour Aliocha, leur fils de 12 ans. Jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Un bien commun devenu inutile

Moscou. Zhenya et Boris, la trentaine. Ils se sont sans doute aimés mais ils ne s’aiment plus, pire, ils se haïssent ! Depuis quelque temps, ils ont déjà une vie en dehors du couple, lui avec Masha, une jeune femme blonde qui attend un enfant dont il est le père, elle avec Anton, un homme riche et plus âgé. Un couple qui se sépare, un couple qui va divorcer et qui cherche à vendre leur appartement, un bien commun devenu inutile. Un couple qui se sépare en se posant des questions sur l’avenir d’Alyosha, leur fils de 12 ans, un autre bien commun qui, pour eux, est devenu tout aussi inutile que leur appartement. Au point qu’ils se disputent pour ne pas en avoir la garde. Au point que ce fils mal aimé n’a que ses yeux pour pleurer lorsqu’il croit comprendre que la solution le concernant pourrait être l’orphelinat.

Et puis, brutalement, intervient la disparition de ce jeune garçon, le seul personnage pour lequel on a ressenti de la sympathie depuis le début du film. Une disparition qui n’a rien d’étonnant, les parents rentrant tard à l’appartement, aussi bien l’un que l’autre, et ne s’occupant pas vraiment d’Alyosha. La police ? Au pire, les policiers se demandent si le gamin n’a pas été tué par ses parents. Au mieux, des réponses qui se veulent apaisantes : « il va revenir, c’est la crise de l’adolescence », « C’est encore trop tôt, on commencera à s’inquiéter plus tard ». Heureusement, face à cette incurie policière, des citoyens volontaires se sont regroupés au sein d’une association parallèle. Grâce à cette association, les recherches peuvent commencer.

Lourd et déplaisant

Avec  un tel sujet et un tel réalisateur, on s’attend à un film puissant et passionnant, montrant du doigt la Russie de Poutine sans forcer le trait, comme l’avait fait Leviathan il y a 3 ans. Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances. Certes, Andrey Zvyagintsev nous montre l’état pitoyable de la police russe, en particulier lorsqu’il s’agit de disparition. Il nous fait part aussi du matérialisme et de l’individualisme qui ont gagné la majorité de la population, chacun(e) le nez sur son portable, ainsi que l’hypocrisie du pays avec le seul tourment qui assaille vraiment Boris : son patron, chrétien intégriste, qui pourrait le licencier s’il a connaissance de son divorce.

Mais cela n’est pas vraiment approfondi et est montré non pas avec le tact et la finesse qu’on aurait souhaités, mais le plus souvent d’une façon très lourde, misanthrope et assez déplaisante, filmé par un réalisateur n’ayant aucune empathie pour ses personnages. Pas beaucoup plus de réussite avec des métaphores, elles aussi d’une grand lourdeur, comme cette scène  où l’on voit  Zhenya, cette mère qui n’aime pas son enfant, porter un survêtement sur lequel est imprimé RUSSIA, en très gros caractères ; et cette diffusion à la télévision d’événements se déroulant en Ukraine, image d’un autre divorce, celui de la Russie et de l’Ukraine. Reste ce qui occupe une grande partie du film : la recherche d’Alyosha, longue, répétitive, avec toutefois une scène très forte : un gamin très abimé a été retrouvé et on demande aux parents s’il s’agit de leur fils. Les spectateurs ne sont pas obligés de partager leur réponse !

Une image souvent terne et sans relief

La déception ressentie face à la façon dont l’histoire a priori passionnante est traitée trouve son prolongement au niveau de l’image. A l’exception de quelques magnifiques plans d’arbres et de rivière magnifiés par la neige et la glace et bénéficiant d’un éclairage somptueux, le reste est très terne, sans relief. Volonté du réalisateur, imposée en raison du sujet à Mikhail Krichman, son fidèle Directeur de la photographie ? Peut-être. Il n’empêche, cela n’aide pas les spectateurs à se passionner pour le spectacle qui leur est proposé !

Pour interpréter le rôle de Boris, Andrey Zvyagintsev a choisi Alexey Rozin, un comédien qu’on avait déjà vu dans Elena et Leviathan. Par contre, concernant Maryana Spivak, l’interprète de Zhenya, il s’agit de son premier rôle dans un long métrage de cinéma.

Conclusion

Lorsqu’on arrive au bout des 128 minutes que dure Faute d’amour, une question vous assaille : comment se fait-il que ce film soit bien loin du haut niveau habituel des films de Andrey Zvyagintsev ? Certes, dans ces 128 minutes, il y a des moments forts, il y a quelques plans magnifiques, mais, globalement, Faute d’amour souffre de longueurs inutiles et aurait beaucoup gagné à être raccourci de 30 minutes environ. Une explication, peut-être : un montage effectué dans la précipitation afin d’être prêt pour le Festival ?

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